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Syncytine

Les syncytines sont des protéines qui jouent un rôle important dans le développement du placenta et dont la présence a été mise en évidence chez les mammifères : primates, rongeurs, lagomorphes, carnivores et grands ruminants. Elles permettent le développement du syncytiotrophoblaste.

Du point de vue de l'évolution les gènes codant ces protéines proviennent de rétrovirus[1] ayant infecté plusieurs fois les mammifères, de manière indépendante.

On en retrouve deux chez les humains : la syncytine 1 et la syncytine 2.

Origine

Des travaux de paléovirologie ont permis de montrer que les gènes codant les syncytines ont une origine virale[2]. Il s'agit d'un exemple d'exaptation, terme que l'on doit à Stephen J. Gould et Elizabeth Vbra[3], qui désigne l'évolution progressive par sélection naturelle d'un caractère revêtant initialement une certaine fonction vers un tout nouveau rôle.

Les gènes Ă  l'origine de cette exaptation sont les gènes viraux env : ils sont l’apanage des rĂ©trovirus, ou virus Ă  ARN. Après l'Ă©tape de rĂ©trotranscription de l'ARN viral en ADN pour s'insĂ©rer dans celui de la cellule hĂ´te, s'il s'agit d'une cellule sexuelle (spermatozoĂŻde ou ovocyte), les sĂ©quences rĂ©trovirales nouvellement acquises seront transmises aux gĂ©nĂ©rations suivantes comme n’importe quelle autre sĂ©quence, devenant des Ă©lĂ©ments permanents du gĂ©nome hĂ´te. Elles sont alors considĂ©rĂ©es comme « endogènes » et appelĂ©es pour cette raison ERV pour Endogenous RetroVirus. Les ERV occupent une portion non nĂ©gligeable du gĂ©nome des mammifères, 8% chez l’humain et 10% chez la souris[4].  La plupart sont dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©es, inactives, car elles subissent des mutations au fil des gĂ©nĂ©rations. Mais certaines restent intactes malgrĂ© les dizaines de millions d’annĂ©es qui se sont Ă©coulĂ©es depuis l’insertion rĂ©trovirale ancestrale. Leur maintien suggère que leur « capture » confère un avantage sĂ©lectif. C’est effectivement le cas des sĂ©quences env. Chez les rĂ©trovirus, les gènes env codent la protĂ©ine de l’enveloppe virale Env qui permet au virus de fusionner sa membrane Ă  celle de la cellule infectĂ©e pour y pĂ©nĂ©trer (propriĂ©tĂ© fusogène) et de dĂ©jouer le système immunitaire de l’hĂ´te infectĂ©. Chez les mammifères, les gènes env capturĂ©s ont Ă©tĂ© peu Ă  peu « domestiquĂ©s » au fil du temps pour remplir des fonctions essentielles dans le placenta en permettant la fabrication des syncytines[5].

Fonction

Au cours du développement, chez les mammifères, le placenta est le premier organe à se former à partir des cellules du fœtus. Il permet un ancrage du fœtus dans l’utérus maternel et des échanges régulés (nutriments, gaz respiratoires, déchets) avec la mère. Il secrète des hormones, fait barrière aux infections et assure le non-rejet du fœtus qui représente une semi-greffe, puisque son génome est hérité pour moitié du père et pour moitié de la mère.

Cette structure transitoire est  indispensable au dĂ©veloppement du fĹ“tus tout au long de la gestation et de nombreuses complications prĂ©- et post-natales peuvent survenir s’il est dĂ©fectueux. La structure anatomique du placenta varie considĂ©rablement entre les espèces. On en distingue 4 types principaux suivant l’importance du syncytium, une couche de cellules prĂ©sente Ă  l’interface fĹ“to-maternelle. Cette couche est caractĂ©risĂ©e par la fusion de cellules d’origine fĹ“tale (les trophoblastes). La couche ainsi obtenue, qu’on appelle syncytiotrophoblaste, constitue une structure multinuclĂ©e (Ă  plusieurs noyaux) sans limites cellulaires distinctes. La fusion est un processus essentiel pour le dĂ©veloppement du placenta et pour le dĂ©roulement normal de la gestation. C'est cette fusion qui est assurĂ©e par les syncytines.

Quoique la structure du placenta murin soit différente de celle du placenta humain, deux syncytines y sont exprimées et ce de manière spécifique. Leur perte simultanée induite par KO (annulation de l'expression du gène qui les code) provoque une malformation du placenta et une mort embryonnaire précoce[6].

Gènes liés

Des rĂ©sultats très rĂ©cents parus en [7] montrent qu’outre le gène env, les sĂ©quences ERV comportent d’autres Ă©lĂ©ments co-optĂ©s et conservĂ©s dans l’évolution. Il ne s’agit pas lĂ  de sĂ©quences codant une protĂ©ine particulière, de type syncytine, mais d’élĂ©ments de rĂ©gulation, les LTR. Dans le gĂ©nome humain, un de ces LTR se trouve Ă  proximitĂ© du gène CRH qui code la corticolibĂ©rine, une hormone qui joue un rĂ´le très important tout au long de la grossesse et dĂ©termine le moment oĂą l’accouchement a lieu. Les auteurs ont montrĂ© dans des expĂ©riences sophistiquĂ©es chez la souris que si les sĂ©quences LTR ne fonctionnent pas normalement, l’expression de CRH est dĂ©rĂ©gulĂ©e et la mise bas est retardĂ©e de 5 jours.

Références

  1. Edward B. Chuong, « The placenta goes viral: Retroviruses control gene expression in pregnancy », PLoS biology, vol. 16, no 10,‎ , e3000028 (ISSN 1545-7885, PMID 30300353, PMCID 6177113, DOI 10.1371/journal.pbio.3000028, lire en ligne, consulté le )
  2. Christian Lavialle, Guillaume Cornelis, Anne Dupressoir et Cécile Esnault, « Paleovirology of 'syncytins', retroviral env genes exapted for a role in placentation », Philosophical Transactions of the Royal Society of London. Series B, Biological Sciences, vol. 368, no 1626,‎ , p. 20120507 (ISSN 1471-2970, PMID 23938756, PMCID 3758191, DOI 10.1098/rstb.2012.0507, lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Stephen Jay Gould et Elisabeth S. Vrba, « Exaptation—a Missing Term in the Science of Form », Paleobiology, vol. 8, no 1,‎ 1982/ed, p. 4–15 (ISSN 0094-8373 et 1938-5331, DOI 10.1017/S0094837300004310, lire en ligne, consulté le )
  4. « De la coquille au placenta, un coup de pouce viral de génie - PARLONS SCIENCES - Museum », sur www.museum.toulouse.fr (consulté le )
  5. (en) Edward B. Chuong, « The placenta goes viral: Retroviruses control gene expression in pregnancy », PLOS Biology, vol. 16, no 10,‎ , e3000028 (ISSN 1545-7885, PMID 30300353, PMCID PMC6177113, DOI 10.1371/journal.pbio.3000028, lire en ligne, consulté le )
  6. (en) Anne Dupressoir, Cécile Vernochet, Francis Harper et Justine Guégan, « A pair of co-opted retroviral envelope syncytin genes is required for formation of the two-layered murine placental syncytiotrophoblast », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 108, no 46,‎ , E1164–E1173 (ISSN 0027-8424 et 1091-6490, PMID 22032925, DOI 10.1073/pnas.1112304108, lire en ligne, consulté le )
  7. (en) Caitlin E. Dunn-Fletcher, Lisa M. Muglia, Mihaela Pavlicev et Gernot Wolf, « Anthropoid primate–specific retroviral element THE1B controls expression of CRH in placenta and alters gestation length », PLOS Biology, vol. 16, no 9,‎ , e2006337 (ISSN 1545-7885, PMID 30231016, PMCID PMC6166974, DOI 10.1371/journal.pbio.2006337, lire en ligne, consulté le )
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