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Stade (unité)

Le stade est une unité de longueur de la Grèce antique. On distingue principalement trois stades : le stade olympique (190 m), le stade égyptien (158 m), le stade de huit-au-mille (185 m). Ces différents types ont été créés successivement dans le temps. Le premier apparaît au viiie siècle av. J.-C.; le deuxième au ive siècle av. J.-C., après la conquête de l’Égypte par Alexandre le Grand ; le dernier au ier siècle av. J.-C., après la conquête romaine de la Grèce.

Le stade olympique

La construction d’un stade Ă  Olympie, dans le PĂ©loponnèse, en vue de l’organisation des Jeux olympiques, remonte Ă  la plus haute antiquitĂ© (viiie siècle av. J.-C.). On estime que Le tour du stade faisait environ 190 m, sans pouvoir ĂŞtre plus prĂ©cis du fait des remaniements successifs. Ce qui est sĂ»r, en revanche, c'est que le stade avait Ă©tĂ© construit en mesurant 600 pieds. Le pied grec faisait donc près de 32 cm (soit une pointure de 47 et demi), taille plutĂ´t inhabituelle, surtout pour l’époque. Mais d’Anville nous en donne l’explication : « Il passait pour constant que la carrière du stade Olympique avait Ă©tĂ© mesurĂ©e par Hercule, en usant de cette mesure de la longueur qu’avait son pied ; et on attribuait Ă  la taille de ce hĂ©ros plus de hauteur qu’à celle du commun des hommes[1]. »

Le stade olympique est aussi l’unitĂ© de mesure qu’utilise Aristote (384-322 av. J.-C.) lorsqu’il Ă©voque, dans son TraitĂ© du ciel, la circonfĂ©rence de la Terre : Â« Les mathĂ©maticiens qui ont essayĂ© de mesurer les dimensions de la circonfĂ©rence [de la Terre] la portent Ă  quarante fois dix mille stades. Â» La circonfĂ©rence de la Terre Ă©tait donc pour Aristote de l’ordre de 76 000 km, soit près du double de sa valeur rĂ©elle (40 075 km). »[2]

Le stade Ă©gyptien

Alexandre le Grand conquiert l’Égypte en 332 av. J.-C. et fonde la ville d’Alexandrie. Après sa mort, l’Égypte Ă©choit finalement Ă  l’un de ses gĂ©nĂ©raux, PtolĂ©mĂ©e Ier « SĂ´ter (Sauveur) », fondateur de la dynastie lagide qui durera trois siècles, jusqu’à la mort de ClĂ©opâtre.

Arrivant dans une civilisation bien plus ancienne et tout aussi brillante que la leur, les Grecs n’imposent pas leur système de mesures ; en revanche, ils imposent leur langue. Le rĂ©sultat en est que les unitĂ©s de mesure Ă©gyptiennes conservent leur valeur mais changent d’appellation. Les nouveaux maĂ®tres attribuent le mot grec « pied Â» Ă  l’unitĂ© de mesure Ă©gyptienne qui s’en rapproche le plus, Ă  savoir la demi-coudĂ©e. Ainsi, se trouve naturellement crĂ©Ă©e une nouvelle unitĂ©, le stade Ă©gyptien, qui vaut 600 pieds (Ă©gyptiens) ou 300 coudĂ©es. Et c’est ce stade Ă©gyptien qu’utiliseront notamment les gĂ©ographes alexandrins Ératosthène (276-194 av. J.-C.) et Claude PtolĂ©mĂ©e (100-168 ap. JC) : le premier Ă©valuera la circonfĂ©rence de la Terre Ă  252 000 stades et le second 180 000.

Quelle est la longueur en mètres de ce stade Ă©gyptien ? C’est un ingĂ©nieur des Ponts-et ChassĂ©es, Pierre-Simon Girard, qui apportera la rĂ©ponse. Membre de l’expĂ©dition scientifique qui accompagne Bonaparte dans sa Campagne d’Égypte (1798-1801), Girard exhume des dĂ©combres le nilomètre d'ÉlĂ©phantine, sur la paroi duquel il dĂ©couvre, gravĂ©es, plusieurs coudĂ©es Ă©gyptiennes[3]. Sa mesure de 527 mm pour une coudĂ©e donne 158 m pour les 300 coudĂ©es du stade Ă©gyptien.

Dès lors, avec cette valeur du stade Ă©gyptien, une simple multiplication montre que la mesure de la circonfĂ©rence de la Terre par Érasthostène approche de moins de 1% la valeur rĂ©elle ; cependant, il convient de remarquer que ce rĂ©sultat un peu miraculeux n’est que l’heureuse compensation d’au moins deux erreurs de plus de 10% de sens opposĂ©.

Le stade de huit-au-mille

Lorsque Rome conquiert la Grèce, l’admiration des Romains pour la culture grecque est grande, et ils ne vont imposer ni leur langue, ni leur système de mesures. Ce sont eux, au contraire, qui vont emprunter le stade des Grecs. Leur choix se porte sur le stade olympique. Mais ils vont toutefois réduire légèrement sa longueur, de façon que ce nouveau stade soit en rapport simple (de huit pour un) avec leur mille.

On connaĂ®t bien la valeur en mètres du mille romain du fait des nombreuses bornes milliaires placĂ©es de mille en mille sur les voies romaines et retrouvĂ©es par les archĂ©ologues. Le mille romain fait 1480 m. Le stade « de huit au mille Â» mesure donc 185 m (1480 / 8), soit un peu moins que le stade olympique. Ce stade de « huit au mille Â» est aussi parfois appelĂ© « stade italique Â»[4].

Ce rapport de « huit stades pour un mille romain » est confirmĂ© par l'historien Polybe (Historia, livre III § 39) qui, « en dĂ©crivant la route suivie par Hannibal, depuis la Nouvelle-Carthage [Carthagène, près de Murcie en Espagne] jusqu’au RhĂ´ne, observe que cette route est bordĂ©e de pierres milliaires placĂ©es de huit stades en huit stades Â»[5]. De mĂŞme, le gĂ©ographe Strabon Ă©crit dans sa GĂ©ographie (Livre VII, Chap. 7 § 4) : « D’Apollonie, on peut aller directement en MacĂ©doine par la Voie Égnatienne, grand chemin tracĂ© au cordeau d’ouest en est et bordĂ© de pierres milliaires jusqu’à Cypsèles et Ă  l’Hèbre, c’est-Ă -dire sur une longueur de 535 milles. Ă€ huit stades par mille, comme on compte d’habitude, cette longueur Ă©quivaut Ă  4 280 stades[6]. »

Confusion entre stade Ă©gyptien et stade de huit-au-mille

Les deux stades — Ă©gyptien et huit-au-mille — diffĂ©rent sensiblement. Les confusions seront frĂ©quentes. Une des plus marquantes sera celle de Joannes de Sacrobosco, au xiiie siècle . Avec son TraitĂ© de la Sphère, Sacrobosco fait la synthèse des connaissances astronomiques des Grecs, connaissances qui, depuis les Romains (si l’on excepte bien sĂ»r les Arabes, et notamment les savants du calife Al-Ma'mĹ«n), avaient Ă©tĂ© laissĂ©es largement en friche. Son traitĂ© sera repris tel quel, deux siècles plus tard, par le cardinal Pierre d'Ailly (1350-1420) dans son Imago mundi : « D’après l’auteur de la Sphère [Sacrobosco], le circuit de la Terre fait 252 000 stades. Or, huit stades valent un mille. Ainsi le tour complet de la Terre renferme 31 500 milles. Â»[7]

La confusion est manifeste : les 252 000 stades pour le tour de la Terre font rĂ©fĂ©rence Ă  la mesure effectuĂ©e par Érathostène. Il s’agit donc des stades Ă©gyptiens de 158 m. Par contre, le « huit stades valent un mille Â» fait rĂ©fĂ©rence au stade de huit-au-mille de 185 m. Du fait de cette confusion, Sacrobosco Ă©value la circonfĂ©rence de la Terre Ă  31 500 milles, c’est-Ă -dire (x 1480 m) 46 620 km, 16% de plus que la valeur actuelle (alors qu’Érathostène l’avait approchĂ©e Ă  moins de 1%.).

Quand on sait que l’Imago mundi de Pierre d’Ailly sera le livre de chevet de Christophe Colomb (il annotera de 898 apostilles son exemplaire — aujourd’hui conservé à la Bibliothèque Colombine, à Séville), on peut penser que cette confusion faite par Sacrobosco sera un des éléments de nature à créer le trouble dans l’esprit du grand navigateur sur la taille de la Terre.

Notes et références

  1. Jean-Baptiste Bourguignon d'Anville, Traité des mesures itinéraires, anciennes et modernes, Paris, Imprimerie Royale, (lire en ligne), p. 2
  2. Aristote, Traité du Ciel - Traduit en français pour la première fois par J. Barthélemy Saint-Hilaire, Paris, A. Durand éditeur, 1866 - (Livre II, Ch. 14, § 13) p. 219 [lire en ligne (page consultée le 12 novembre 2021)]
  3. Pierre-Simon Girard, Mémoire sur le nilomètre de l’île d’Éléphantine et les mesures égyptiennes » de la seconde édition de la « Description de l’Égypte ou Recueil des observations et des recherches qui ont été faites en Égypte pendant l’expédition de l’Armée française, seconde édition dédiée au Roi, vol. VI, Paris, Panckouche, (lire en ligne), p. 14
  4. Gossellin attribue cette appellation Ă  Censorin, un Ă©crivain latin du iiie siècle dans son De die natali (Chap. 13, p. 19 Â». Voir Pascal François-Joseph Gossellin, Recherches sur le principe, les bases et l’évaluation des diffĂ©rents systèmes mĂ©triques linĂ©aires de l’AntiquitĂ© Paris, Imprimerie Nationale, 1819, p. 15 [[hhttps://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62255097/f23.item lire en ligne] (page consultĂ©e le 12 novembre 2021)]
  5. Gossellin - Op. cit. pp. 19 et 20 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62255097/f27.item
  6. Strabon, GĂ©ographie Â», Traduction d’AmĂ©dĂ©e Tardieu, Paris, Hachette, Tome 2, p. 59, 1873 [lire en ligne (page consultĂ©e le 12 novembre 2021)] (disponible en ligne sur gallica.bnf.fr).https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6536659s/f79.item
  7. "Ymago mundi" Tome 2, page 531https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97636643/f223.item.r=imago%20mundi%20pierre%20d'ailly
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