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Sophisme du vrai Écossais

Le sophisme du « vrai Écossais », ou aucun vrai Écossais (en anglais No true Scotsman), est un procĂ©dĂ© rhĂ©torique fallacieux utilisĂ© pour rĂ©affirmer une gĂ©nĂ©ralisation qui a pourtant Ă©tĂ© rĂ©futĂ©e par un contre-exemple. Il prĂ©tend que le contre-exemple donnĂ© est invalide car son sujet n'appartient pas vraiment Ă  la catĂ©gorie que l'on cherchait Ă  gĂ©nĂ©raliser[1]. Dans des cas plus extrĂȘmes, le procĂ©dĂ© peut ĂȘtre utilisĂ© pour Ă©carter d'office tout contre-exemple imaginable Ă  l'Ă©noncĂ©. Il fait partie des pĂ©titions de principe.

Origine du terme

L'expression est attribuée au philosophe britannique Antony Flew, qui écrit en 1975[2] :

« Imagine some Scottish chauvinist settled down one Sunday morning with his customary copy of The News of the World. He reads the story under the headline, 'Sidcup Sex Maniac Strikes Again'. Our reader is, as he confidently expected, agreeably shocked: 'No Scot would do such a thing!' Yet the very next Sunday he finds in that same favourite source a report of the even more scandalous on-goings of Mr Angus MacSporran in Aberdeen. This clearly constitutes a counter example, which definitively falsifies the universal proposition originally put forward. ('Falsifies' here is, of course, simply the opposite of 'verifies'; and it therefore means 'shows to be false'.) Allowing that this is indeed such a counter example, he ought to withdraw; retreating perhaps to a rather weaker claim about most or some. But even an imaginary Scot is, like the rest of us, human; and we none of us always do what we ought to do. So what in fact he says is : 'No true Scotsman would do such a thing!' »

— Antony Flew, Thinking about Thinking: or, do I sincerely want to be right?

« Imaginez un Écossais chauvin, assis un dimanche matin avec son journal habituel « The News of the World ». Il lit un article intitulĂ© « Le maniaque sexuel de Sidcup frappe encore Â». Notre lecteur, qui s'y attendait bien, est adĂ©quatement choquĂ© : « Aucun Écossais ne ferait une chose pareille ! Â». Pourtant, pas plus tard que le dimanche suivant, il trouve dans sa mĂȘme source prĂ©fĂ©rĂ©e le rapport des agissements encore plus scandaleux de M. Angus MacSporran Ă  Aberdeen. Cela constitue clairement un contre-exemple, qui falsifie catĂ©goriquement la proposition universelle avancĂ©e Ă  l'origine (« falsifie » est ici, bien sĂ»r, simplement l'opposĂ© de « vĂ©rifie », et signifie par consĂ©quent « dĂ©montrer ĂȘtre faux »). Étant donnĂ© un tel contre-exemple, il devrait se dĂ©dire, peut-ĂȘtre reformuler plus faiblement avec « la plupart » ou « certains ». Mais un Écossais mĂȘme imaginaire est, comme nous autres, humain, et aucun de nous ne fait toujours ce que nous devrions faire. C'est pourquoi ce qu'il dit en rĂ©alitĂ© est : « Aucun vrai Écossais ne ferait une chose pareille ! Â». »

— Thinking about Thinking: or, do I sincerely want to be right?

Sophisme

Le procĂ©dĂ© du vrai Écossais consiste Ă  Ă©carter un contre-exemple qui remet en cause une gĂ©nĂ©ralisation[3]. Il est fallacieux car il modifie la dĂ©finition des termes de l'Ă©noncĂ© de maniĂšre arbitraire. Le terme « vrai Â» et ses Ă©quivalents impliquent que l'on juge de l'appartenance ou non Ă  la catĂ©gorie en fonction de critĂšres ou d'une dĂ©finition qui ne sont pas explicitĂ©s. Dans le meilleur des cas, il y a confusion entre les interlocuteurs sur la dĂ©finition des termes. S'ils Ă©taient correctement dĂ©finis, il deviendrait apparent que l'Ă©noncĂ© est une tautologie, infalsifiable et n'apprenant rien sur rien.

Le sophisme du vrai Écossais peut ĂȘtre utilisĂ© pour Ă©carter les objections.

Personne A : « Les Écossais ne mettent pas de sucre dans leurs cĂ©rĂ©ales. Â»
Personne B : « Mon oncle Angus, qui est Ă©cossais, en met dans les siennes. Â»
Personne A : « Dans ce cas ton oncle n'est pas un vrai Écossais Â»[3]

Ce sophisme est repris par le psychanalyste français Thierry Simonelli :

« L’un des (faux) arguments les plus courants est justement celui du « pas un vrai psychanalyste ». C’est l’équivalent psychanalytique du sophisme du « vrai Ă©cossais ». [...]
− Aucun psychanalyste ne remettrait jamais en question la thùse fondamentale de la Traumdeutung.
− A remet en question la thùse fondamentale de la Traumdeutung
− Aucun vrai psychanalyste ne remettrait jamais en question la thùse fondamentale de la Traumdeutung.
La double consĂ©quence est Ă©vidente : 1. A n’est pas un vrai psychanalyste et 2. les vrais psychanalystes perdraient leur temps s’ils s’arrĂȘtaient sur ses digressions. Il ne suffit pas d’ĂȘtre psychanalyste, encore faut-il en ĂȘtre un « vrai ». Et pour ce faire, il faut penser, agir et parler comme un « vrai » ; c’est-Ă -dire rester conforme Ă  un canon doctrinal et pratique bien prĂ©cis. »[4]

— Thierry Simonelli, Comment interprĂ©ter les rĂȘves ?

Le politiste français Clément Viktorovitch donne une illustration de ce sophisme[3] :

« − Les fĂ©ministes militent pour l'abolition de la prostitution.
− Ce n'est pas vrai, il y a tout un courant du fĂ©minisme qui revendique au contraire le droit, pour les femmes, de faire ce qu'elles veulent de leur corps.
− Pardon, mais tu me parles de travailleuses du sexe... Les vraies fĂ©ministes, elles, sont pour l'interdiction de la prostitution. »

Neutralisation

DĂšs lors que le pĂ©rimĂštre de la discussion et les termes employĂ©s sont correctement dĂ©finis et qu'on s'y tient, le sophisme du vrai Écossais cesse d'ĂȘtre possible.

Voir aussi

Notes et références

  1. No True Scotsman, Internet Encyclopedia of Philosophy
  2. « SS > book reviews > Antony Flew », sur www-users.cs.york.ac.uk (consultĂ© le )
  3. Clément Viktorovitch, Le Pouvoir rhétorique: Apprendre à convaincre et à décrypter les discours, Seuil, (ISBN 978-2-02-146588-4, lire en ligne)
  4. Thierry Simonelli, Comment interprĂ©ter les rĂȘves ? (Cours inaugural. 14 octobre 2008, Luxembourg) sur psychanalyse.lu - Lire en ligne
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