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Snekkja

Le ou la snekkja (improprement snekkar[Note 1] dans des ouvrages de vulgarisation et des sites amateurs[1]. Danois, norvégien : snekke, pluriel snekker; suédois snäcka, pluriel snäckar, peu employé) est un type de bateau viking de guerre (herskip « transport de troupes »). C'est l'un des plus grands types de navire construits par les Scandinaves au XIe siècle et au XIIe siècle. Il était aussi l'un des plus performants.

Le "Morąg", réplique polonaise de snekkja

Étymologie

Le mot norrois snekkja correspond à un type de bateau mentionné dans les sagas médiévale, son pluriel au nominatif est snekkjur. Il dérive probablement du nom du serpent en norrois : snákr, nominatif pluriel snákar cf. islandais snákur, nominatif pluriel snákar[2].

Le vocable snekkja est Ă  l'origine de diffĂ©rents mots dans diffĂ©rentes langues, dont l'ancien normand esneque, variantes esnecke, ene(s)ke, eneque, esnege, etc. La plus ancienne version du nom est latinisĂ©e dans les sources normande sous la forme isnechia[3] et le terme est encore utilisĂ© par Philippe Mouskes au XIIIe siècle sous les formes esnèkes / esnèques[3]. Il existait aussi en vieil anglais sous la forme snacc, moyen anglais snack. En ancien suĂ©dois on trouve aussi cet Ă©tymon sous la forme snækia oĂą il signifie « navire de guerre spĂ©cialement recrutĂ© pour la levĂ©e navale Â». Il se perpĂ©tue encore dans les diffĂ©rentes langues scandinaves modernes, sous des formes Ă©voluĂ©es phonĂ©tiquement et sĂ©mantiquement : islandais snekkja « vaisseau, navire rapide » ; norvĂ©gien snekke « navire de 16 Ă  24 pieds » ; danois snekke « vaisseau ». Le terme subsiste dans la toponymie des pays nordiques, des Ă®les du nord de l'Écosse et de la Normandie, dĂ©signant des rochers Ă©voquant ces bateaux ou sur lesquels ils ont fait naufrage : le Guesnèque (Manche, Baie d'Écalgrain), la Longuesnèque (Manche, Havre de Goury), la SĂ©nèque d'Amont (Manche, pointe d'Auderville)[4].

L'emploi (impropre) de snekkar est très présent dans la littérature et dans les médias, surtout depuis le naufrage[5] en 1986 du chalutier Snekkar Arctic au large de l'Écosse.

Histoire

L'utilisation de ce bateau n'est pas antĂ©rieure au milieu du XIe siècle dans une bonne partie de l'Europe (Nord-Ouest, Nord et Est)[3]. Les sources scandinaves, anglaises et normandes convergent sur ce point : le snekkja ne dĂ©barque sur la scène maritime europĂ©enne que vers l'annĂ©e 1050[3]. Il sera beaucoup utilisĂ© par les Normands au XIIe siècle[3]. La Blanche-Nef au service de Henri Ier Beauclerc est dĂ©crite par Orderic Vital, moine de l'abbaye de Saint-Evroult, comme une esneque propulsĂ©e par 50 rameurs[3]. Plus tard, vers la fin du XIIe siècle, il est dit que l’esneque de Richard CĹ“ur de Lion comportait un Ă©quipage composĂ© d'un timonier ou capitaine (sturmannus « esturman Â» du vieux norrois stĂ˝rimaĂ°r « pilote, timonier, capitaine Â») et de 60 matelots[3]. Ces esneques normandes Ă©taient plus grandes que le modèle scandinave d'origine, celle de Richard pouvait transporter un petit bateau Ă  bord[3]. En outre, ces navires pouvaient embarquer des chevaux comme on le constate dès l'Ă©poque de Guillaume le ConquĂ©rant, dĂ©peint par la tapisserie de Bayeux. Une source scandinave fait Ă©cho Ă  cette capacitĂ©, puisqu'elle mentionne la flotte des Wendes lors d'un raid en 1135 dont les snekkja pouvaient contenir 44 hommes et 2 chevaux[3]. En Scandinavie, la snekkja Ă©tait au service du roi dans le cadre du leiĂ°angr, la levĂ©e de l'armĂ©e navale qui Ă©tait utilisĂ©e pour la dĂ©fense du territoire et obligeait les paysans rĂ©partis en circonscriptions maritimes, Ă  fournir un navire de guerre tout Ă©quipĂ© et ravitaillĂ©[3]. En gĂ©nĂ©ral, les historiens contemporains tendent Ă  considĂ©rer que cette levĂ©e navale peut ĂŞtre mise en parallèle avec la progression du système fĂ©odal en Scandinavie, plutĂ´t qu'avec la pĂ©riode viking[3]. C'est sans doute le leiĂ°angr (bien que le mot n'ait pas de cognat dans les lois ducales) qui permit Ă  Guillaume le ConquĂ©rant de construire et de rassembler une flotte en un temps record pour envahir l'Angleterre. La Chronique anglo-saxonne rapporte aussi qu'en Angleterre mĂŞme, Edouard le Confesseur possĂ©dait une flotte de 40 snacc Ă©quipĂ©es dans le port de Sandwich[3]. Toujours est-il qu'avec la conquĂŞte de l'Angleterre, l’esneque acquiert un statut particulier, c'est le navire type au service du duc-roi[3]. Il devint mĂŞme une sorte de ferry-boat aristocratique qui assurait le trafic transmanche entre le duchĂ© de Normandie et le royaume d'Angleterre, Ă  ce titre, il y avait vraisemblablement plusieurs navires qui assuraient ce service[3]. Par ailleurs, le service de ce navire, documentĂ©, est appelĂ© ministerium de esnecca et son trajet le plus frĂ©quent est Barfleur / Portsmouth aller-retour[3].

Description et usage

Il est plus petit que le skeid (skeið), il est conçu pour des besoins différents, à savoir pour des voyages et pour la guerre[3]. Plus polyvalent que le skeið, il fait office de transport de troupes et correspond sans doute au développement de nouvelles stratégies navales[3] (voir ci-dessus).

Il peut mesurer plus de 30 mètres de long, et avancer Ă  la voile sous l'effet du vent, mais aussi par des avirons. Au large, les Vikings naviguaient le plus souvent Ă  la voile, mais se servaient des avirons près des cĂ´tes et pour remonter les cours d'eau Ă  l'intĂ©rieur des terres. Les sagas islandaises le prĂ©sente comme un langskip de 20 bancs (tvĂ­tugsessa) de nage servis par 40 rameurs[3]. L'Ă©quipage total pouvait atteindre les 50 hommes, voire davantage. Le moine de l'abbaye de Saint-Wandrille qui rĂ©dige les Miracula sancti Vulfranni le compare Ă  un ingens paro, c'est-Ă -dire un immense navire de guerre, paro dĂ©signant au Moyen Ă‚ge un petit navire rapide, comme par exemple un navire de pirate[3].

Exemples de navires

Notes et références

Notes

  1. Le mot est mentionnĂ© par Johan Ihre dans son Glossarium suiogothicum, dictionnaire suĂ©dois-latin, dans lequel figure Ă©galement le mot drakar utilisĂ© par Augustin Jal pour forger le mot drakkar. Il s'agit d'un pluriel en -ar suĂ©dois : *snekkar qu'il utilise au lieu de snäckar (pluriel de snäcka) qui dĂ©signe bien ce type de bateau, mais aussi l'escargot. En tout Ă©tat de cause, le mot *snekkar est inconnu en suĂ©dois moderne. Quant au pluriel de snekkja « type de bateau Â», c'est snekkjur. En revanche, le nom norrois du serpent est snákr, pluriel snákar cf. islandais snákur, pluriel snákar « serpent Â»
  1. comme par exemple celui-ci http://machus.duhavre.free.fr/orig_noms.htm
  2. Guy Nondier, « Sur le lancement du "Drakkar" Â» in Études normandes, n° thĂ©matique : Marins normands d'hier - GĂ©ographie Ă©lectorale d'aujourd'hui, 1992, 41-4, p. 91 (lire en ligne)
  3. Elisabeth Ridel, Les Vikings et les mots : l'apport de l'ancien scandinave à la langue française, Paris, Errance, 2009, p. 77-78-79.
  4. Elisabeth Ridel 2009, p. 200-201.
  5. France 3 NPDC, « Snekkar Arctic, 30 ans après le naufrage », sur francetvinfo.fr, (consulté le ).

Références

  • Élisabeth Ridel, « La Snekkja ou les pĂ©rĂ©grinations d'un navire de guerre Viking Ă  travers l'Europe Â», in Les Vikings, premiers EuropĂ©ens : VIIIe – XIe siècle. Les nouvelles dĂ©couvertes de l’archĂ©ologie, sous la direction de RĂ©gis Boyer, Ă©ditions Autrement, 2005, pages 52 Ă  93

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • david bocquelet, « Snekkar » [html], sur Navistory, l'encyclopĂ©die maritime (consultĂ© le )
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