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Sept de Göttingen

Les Sept de Göttingen (Göttinger Sieben en allemand) sont un groupe de sept professeurs de Göttingen qui protestent contre l'abrogation en 1837 de la constitution du pays par le nouveau roi de Hanovre Ernest-Auguste Ier et refusent de lui prêter serment. Ils sont menés par Friedrich Christoph Dahlmann, l'un des rédacteurs de la constitution initiale. Les autres membres sont les frères Wilhelm et Jacob Grimm, célèbres pour avoir rassemblé et écrit de nombreux contes et légendes traditionnels allemands, le juriste Wilhelm Eduard Albrecht, l'historien Georg Gottfried Gervinus, le physicien Wilhelm Eduard Weber et le théologien et spécialiste de l'Orient Heinrich Georg August Ewald[1].

Contexte

En 1837 le roi de Hanovre Ernest-Auguste Ier abroge la constitution du pays. Celle-ci date de 1833, époque à laquelle il n'est encore que prince héritier. L'historien et homme politique Friedrich Christoph Dahlmann a contribué à sa rédaction et refuse de l'adapter aux goûts du prince. Dahlmann est également député au sein de la seconde chambre de la cour en tant que représentant de l'université de Göttingen[2].

Ernest-Auguste, roi de Hanovre.

La mort du roi Guillaume IV du Royaume-Uni le a de grandes conséquences sur la position politique du Hanovre au sein du groupe des États disposant une constitution de la Confédération germanique. L’union personnelle entre le royaume de Hanovre et celui de Grande-Bretagne est rompue, le frère de Guillaume prend sa succession à la tête du premier État, tandis que sa nièce Victoria accède au trône du Royaume-Uni. La loi salique en vigueur à Hanovre empêche en effet une femme de régner[2].

Un mois après son ascension au trône, Ernest décide de s'attaquer à la constitution. Il déclare qu'il n'est pas lié à celle-ci, son consentement n'ayant jamais été demandé. Il affirme également qu'elle aurait été différente ou inexistante, s'il avait été au pouvoir du temps de sa rédaction. Il veut donc la réécrire pour qu'elle soit mieux en accord avec ses valeurs[3].

Dahlmann rĂ©agit immĂ©diatement et essaie de persuader ses collègues de l'universitĂ© de Göttingen au sĂ©nat de dĂ©sapprouver la dĂ©cision royale, au moyen d'actions symboliques si nĂ©cessaire[4]. Aucun des 40 membres du comitĂ© ne veut le supporter, ne voulant pas causer de l'agitation publique durant les festivitĂ©s pour les 100 ans de l'universitĂ©[5].

Protestation et conséquences

Le de la même année, le roi déclare la constitution nulle. Certains autres États allemands critiquent cette décision politique[6]. Dahlmann renouvelle alors son appel à l'université et tente de former une opposition contre le souverain.

Il reçoit cette fois le soutien de six autres professeurs et ensemble ils refusent de prêter serment au nouveau roi[7] - [8]. Ce groupe est dès lors connu sous le nom des Sept de Göttigen. La lettre de Dahlmann est publiée le et rencontre un grand écho dans l'opinion publique. Les étudiants de l'université impriment des copies par centaines et les répandent dans le pays.

Ces protestations obligent le roi à réagir. Les sept professeurs sont entendus devant un tribunal interne à l'université le . Le , ils sont relevés de leurs postes au sein de l'établissement et deux d'entre eux, les frères Grimm, malgré leur popularité[9], se voient intimés l'ordre de quitter le pays sous trois jours[10] - [11]. Le départ de ces professeurs est une grande perte pour l'université, qui le reconnaît plus tard par écrit.

Mémorial en bronze des sept de Göttingen proche du parlement régional de Hanovre.

Les conséquences directes de ces protestations sont limitées. Toutefois, l'opinion publique et les médias, allemands mais aussi européens, s'intéressent à ces événements avec beaucoup d'attention. Chaque membre du groupe a ses raisons personnelles de défier le roi, mais c'est le fait qu'ils aient franchi le pas qui est très remarqué. Les Sept de Göttingen jouissent par ailleurs d'une grande popularité au sein de la population[1] - [12]. De manière plus générale, l'action des Sept de Göttingen prend place dans la période du Vormärz et du développement du libéralisme en Allemagne, qui conduit à la révolution de mars en 1848[13].

En 1848, les frères Grimm disposent d'un siège d'honneur dans le parlement de Francfort. Albrecht, Dahlmann et Gervinus y sont députés.

Postérité

Dans les environs immédiat du parlement régional de l'État de Basse-Saxe, situé dans le Leineschloss à Hanovre, se trouve une place dénommée Platz der Göttinger Sieben, littéralement « place des sept de Göttingen ». Elle est ornée d'un monument de bronze réalisé par l'artiste italien Floriano Bodini.

Le campus de l'université de Göttingen possède également sa Platz der Göttinger Sieben, où trône depuis 2011 une statue de Günter Grass en l'honneur des professeurs engagés[14].

Références

  1. (en) Donald R. Hettinga, The Brothers Grimm : Two Lives, One Legacy, Clarion Books, (ISBN 0-618-05599-1).
  2. (en) « Sept de Göttingen », dans Encyclopædia Britannica, 1911 [de Göttingen (en) Lire en ligne sur Wikisource].
  3. (en) Gregory A. Kimble, Michael Wertheimer, C. Alan Boneau et Charlotte White, Portraits of pioneers in psychology, Lawrence Erlbaum Associates (ISBN 978-0-8058-2198-7 et 0-8058-2198-8).
  4. (en) Fanny Lewald et Hanna Ballin Lewis (trad. de l'allemand), A Year of Revolutions : Fanny Lewald's Recollections of 1848, Providence/Oxford, Berghahn Books, , 164 p. (ISBN 1-57181-099-4).
  5. (de) Constance Reid, Hilbert, Springer, , 228 p. (ISBN 0-387-94674-8, lire en ligne).
  6. (de) Marshall Dill, Germany : A Modern History, University of Michigan Press, (ISBN 0-472-07101-7).
  7. (en) Suzanne L Marchand, Down from Olympus : Archaeology and Philhellenism in Germany, 1750-1970, Princeton University Press, , 400 p. (ISBN 0-691-11478-1, lire en ligne), sur Google Livres.
  8. (en) Margaret B. W. Tent, The Prince of Mathematics, Carl Friedrich Gauss, Wellesley (Mass.), A K Peters, , 245 p. (ISBN 1-56881-261-2).
  9. (en) Christa Jungnickel et Russell McCormmach, Intellectual Mastery of Nature : Theoretical Physics from Ohm to Einstein, University of Chicago Press, , 384 p. (ISBN 0-226-41582-1, lire en ligne), p. 133.
  10. (en) Hajo Holborn, A History of Modern Germany : 1840-1945, Princeton University Press, , 846 p. (ISBN 0-691-00797-7, lire en ligne).
  11. (en) E. Michael Iba et Thomas L. Johnson, The German Fairy Tale Landscape, (ISBN 978-3-9808714-8-8 et 3-9808714-8-7, lire en ligne).
  12. (en) John Derbyshire, Prime Obsession : Bernhard Riemann and the Greatest Unsolved Problem in Mathematics, Joseph Henry Press, , 446 p. (ISBN 0-309-08549-7, lire en ligne).
  13. (de) Klaus Hentschel (trad. de l'allemand), Physics and National Socialism : An Anthology of Primary Sources, Basel/Boston/Berlin, Birkhäuser, , 406 p. (ISBN 3-7643-5312-0, lire en ligne).
  14. (de) « Göttinger Sieben », sur goettingen.de (consulté le ).

Bibliographie

  • (de) Ulrich Hunger, Ernst Böhme (dir.) et Rudolf Vierhaus (dir.), Vom DreiĂźigjährigen Krieg bis zum AnschluĂź an PreuĂźen – Der Wiederaufstieg als Universitätsstadt (1648–1866), GĹ“ttingue, Vandenhoeck und Ruprecht, (1re Ă©d. 1987), 1136 p. (ISBN 978-3-525-36197-9 et 3-525-36197-1, lire en ligne), « Die Georgia Augusta als hannoversche Landesuniversität. Von ihrer GrĂĽndung bis zum Ende des Königreichs », p. 197
  • (de) Jörg H. Lampe, Ernst Böhme (dir.) et Rudolf Vierhaus (dir.), Vom DreiĂźigjährigen Krieg bis zum AnschluĂź an PreuĂźen – Der Wiederaufstieg als Universitätsstadt (1648–1866), GĹ“ttingue, Vandenhoeck und Ruprecht, (1re Ă©d. 1987), 1136 p. (ISBN 978-3-525-36197-9 et 3-525-36197-1, lire en ligne), « Politische Entwicklungen in Göttingen vom Beginn des 19. Jahrhunderts bis zum Vormärz », p. 45–137
  • (de) Miriam Saage-MaaĂź, Die Göttinger Sieben – demokratische Vorkämpfer oder nationale Helden?, GĹ“ttingue, V&R unipress, , 240 p. (ISBN 978-3-89971-368-8)
  • (de) Klaus von See, Die Göttinger Sieben. Kritik einer Legende (The Göttinger filters. Criticism of a legend), UniversitätsĂ©diteur Winter, , 124 p. (ISBN 978-3-8253-1058-5)
  • (en) Mary Fulbrook, German History Since 1800, Oxford University Press US, (ISBN 0-340-69200-6)

Liens externes

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