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Sautier

Un sautier est un représentant d'un office communal spécifique en Suisse. La fonction de sautier semble héritière de l'office de saltuarius ou saltarius qui, dans la tradition urbaine italienne, dénomme un gardien ou custode de la cité, en latin médiéval[1].

Etude de cas selon les cantons ou les cités hélvétiques

Berne

À Berne il prend le nom de « (Gros) Weibel », mot très abondamment attesté dès le XIIIe siècle[2].

Genève

Maria Anna Hutter, sautier du Grand Conseil, devant le marronnier officiel de Genève.
Masse du sautier.

À Genève, au moins dès le XVe siècle[3], la Ville comporte au moins 16 guets, des gardes, semblables à la police actuelle, qui patrouillent entre autres la nuit (d'où leur nom). Ceux-ci sont sous les ordres du gros sautier, qui réside à la Maison de la Ville, sorte de concierge[4], et exercent de nombreuses charges qui varient au cours des époques. Il assiste aux séances du Conseil, transmets les ordres ou messages des autorités, convoque les habitants appelés par le Conseil, garde les prisonniers détenus dans la Maison de la Ville, procède à des saisies, estime des objets donnés comme gage, gère le chauffage et le stock de bois, etc. Il porte la livrée de la Ville jusqu'en 1568, date à laquelle on préfère lui attribuer une « petite gaule noire », symbole de son office.

Aujourd'hui, Dans le canton de Genève, le sautier de la République exerce les fonctions de secrétaire général du Grand Conseil (parlement cantonal). Traditionnellement, le sautier est également chargé d'observer le marronnier officiel de Genève pour déterminer la date d'éclosion de la première feuille, une information transmise à la presse et qui annonce le début du printemps. Depuis 2017, le poste est occupé par Monsieur Laurent Koelliker.

Les sautiers ont été successivement[5] :

Début Fin Nom
Jean de Passy
Michel Lyonardi
Pierre Maniglier
Michel Lyonardi
Humbert Trenchant
Pierre Gervais
Pierre Trenchant
Pétroman Falquet
Aymé des Arts
Lupi Tissot
Jautan Fassoret
Etienne Baudières
Jean Collondaz
Pierre Fabri
David Chapuis
Claude Andrion
Amy Ramier
Gabriel Patru
David Deroches
Siméon Butini
Michel Voisine
Pierre Canal
Jacques Bitri
Nicolas Andrion
Jean des Arts
Gaspard Mestrezat
Michel Rilliet
Etienne Chabrey
Abraham Rigot
Pierre des Confins
Georges Gambiague
Paul de la Maisonneuve
Jean Revilliod
Théophile Sarasin
Isaac Piaget
André Dunant
Marc du Puy
Marc Sarasin
Pierre Galiffe
Jean de Chapeaurouge
Pierre Lect
Jaques Franconis
Gédéon Martine
Jean de la Corbière
Guillaume Dansse
André Mollet
André Gallatin
Pierre de la Rive
Jean-Jacques Trembley
Jean-Antoine de Normandie
Jean Puerary
Ami de Rochemont
Marc le Fort
Frédéric de Chapeaurouge
Jean de la Rive
Louis-Frédéric Lombard
Jean-Gabriel Philibert
Aucun sautier entre 1798 et 1815
Théodore Paul
Henri Fromont
Isaac Ruff
Joseph Lang
Samuel Démolis
Jules Véresoff
Alphonse Wiedmer
Adolphe-Emile Tombet
Albert Perréard
Henri Fontaine
Jean Hoesner
Pierre Stoller
Myriam Boussina-Mercille
Maria Anna Hutter
Laurent Koelliker

Neuchâtel

Dans le canton de Neuchâtel, les sautiers sont les huissiers du conseil d’État ou de ceux de la magistrature municipale.

Historique et origine du terme

Le mot sautier et ses variantes en ancien français ou ultérieures, saultier, soultier, soutier, sutier, voire psautier, paraît être l'évolution du mot saltuarius,saltarius, salterius en latin médiéval, c'est-à-dire le latin parlé et écrit à l'époque médiévale. Il semble que ce soit à l'origine un gardien des confins d'un grand domaine (villa ou fundus), un gouverneur (villicus) d'un territoire (parfois en partie vide), le responsable ou procureur d'un pays ou comté (pagus), d'une région (regio) sous une autorité régalienne. Le saltuarius est un haut personnage, un clerc ou un noble qui contrôle ou fait exploiter les richesses du "saltus", le vaste espace indécis entre les champs cultivés, protégés du finage (ager) et la forêt sauvage (sylva). A ce titre, il figure à côté du vice-maître, de l'intendant du domaine et du majordome.

Le mot a pris une gamme d'acception variable selon les territoires et domaines. L'essor des villes au XIe siècle ou XIIe siècle en Occident, plus précoce avec les villes-états en Italie, organisées en communes ou municipalités, lui fait parfois garder son rôle de gardien ou gouverneur spécifique, siégeant à côté du maire (major), des échevins (scabini), des syndics et autres procureurs. Est-ce sous l'influence des mutations urbaines que le sautier prend le sens d'un « fonctionnaire de l'ordre judiciaire présidant certaines cours inférieures » ? Nous pouvons répondre en partie pour la Suisse romande. L'acception la plus courante est un sautier « huissier d'un Conseil ou d'un corps constitué, chargé de convoquer, d'introduire, de veiller à la porte, de faire les messages et de diverses fonctions de police ». Le sautier, aujourd'hui encore, correspond à un « huissier communal ».

La définition du sautier ou saltuarius initial en un gardien du saltus (saltaris ou saltus custos) ouvre un débat. Qu'est ce que le saltus ? En latin médiéval, le mot est polysémique[6]. Mais il est certes facile de garder le premier sens d'espace non cultivé, à moitié sauvage, mais accessible aux hommes pour de multiples prédations de ressources (animales, végétales ou ligneuses, minérales ou minières...). Typiquement, il y a des bois que l'on peut couper, des espaces forestiers et des clairières que l'on peut entailler ou ouvrir, faire pâturer en extensif ou en intensif à divers troupeaux (chèvres, porcs, bovins), des cours d'eau à aménager... Mais en latin médiéval saltus se confond allègrement avec forêt ou sylva.

L'hypothèse que le saltus se confonde avec un fundus ou latifundus, « fonds de terre » ou « grand domaine foncier », rejoint l'hypothèse d'une extension du rôle du saltuarius, surveillant omnipotent, qui gère autant les petits domaines clos, les jardins, les champs ou terres ouvertes et leurs moissons (messium), les vignes et ses récoltes (vitium), les prés que les clairières, les eaux et les poissons, les arbres et les haies, le gibier et la « forêt » du domaine. Dans le monde rural, il est aisé de comprendre que la digne fonction de sautier, disparue ou morcelée à l'échelle communautaire ait parfois ainsi perdu son prestige, en devenant une fonction commune ou un office rustique, probablement à partir de la fin du XIIIe siècle, au même titre que le « garde messier, celui qui garde les moissons », le « garde forestier » ou mieux le « garde champêtre ».

Dans les archives rurales, le sautier apparaît en garde forestier ou en garde champêtre. Une des premières mentions date de 1333, dans la Meuse[7]. Mais on le retrouve aussi fréquemment en Franche-Comté, en Italie du Nord ou dans les Grisons. On trouve aussi l'acception de garde forestier à Genève, dès 1358[8]

Notes et références

  1. Glossaire du sieur du Cange, opus cité, entrée "saltuarius".
  2. William Pierrehumbert, Dictionnaire historique..., p. 551.
  3. Jaakko Ahokas propose 1528 comme premier emploi du mot « sautier » comme fonctionnaire régulier de la ville, obligatoirement citoyen de la Ville (p. 276). Gaudy-Lefort écrit que « la charge de sautier, l'époque de la dernière sommation de Gaillard, était chez nous une création toute nouvelle, car elle ne fut instituée qu'après l'alliance de 1526, et à l'exemple de Berne et de Fribourg ». Cependant le mot est employé dès le siècle précédent au moins.
  4. Les ordonnances sur les offices de 1543 le précisent noir sur blanc: « Qu'il ait la garde de la Maison de la Ville comme concierge » (A.E.G., P.H. 1294, édité dans S.D.G., t. II, p. 430-431).
  5. « Les sautiers depuis 1483 », sur ge.ch, Grand Conseil de la République et canton de Genève, .
  6. Du Cange, opus cité, livre à la va-vite cinq acceptions générales : i)"saltus" latin entre ager (monde agraire) et sylva (forêt profonde, quasi-mythique), mais fort imprécis, par exemple, dès qu'il ne s'agit plus de pâturages ou de paisson/glandée de porcs. ii)assaut, irruption souvent violente, saillie, sortie, invasion iii) saut (faire des bonds et des sauts) iv) passage d'une notion à une autre, divagation v) maladie (physique), perte d'esprit (folie, faire le grand saut), danse saint Jean, danse saint Gui, cauchemar (nocturne).
  7. F.E.W., p. 122.
  8. Emile Rivoire et Victor van Bercheim, Sources du droit de Genève, Genève, 1927, t. 1, p. 151-154, note 1: "Permodo de Orney salterio de Bossier".

Bibliographie

  • Charles Dufresne Du Cange, Glossarium mediae et infimae latinitatis, Paris: Firmin Didot, 1846, vol. VI, p. 44a-c
  • Aimé-Jean Gaudy (dit Gaudy-Lefort), Promenades historiques dans le canton de Genève, Genève: Chez Joël Cherbuliez, 1849, p. 189-190
  • François Bonivard, Advis et devis de l'ancienne et nouvelle police de Genève..., Genève: Impr. J.-G. FIck, 1865, p. 26-27
  • Frédéric Godefroy, Dictionnaire historique de l'ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle, Paris: F. Vieweg, 1892, vol. 7, p. 331b-c
  • William Pierrehumbert, Dictionnaire historique du parler neuchâtelois et suisse romand, Neuchâtel / Paris: ed. Victor Attinger, 1926, p. 550-551
  • Jaakho Ahokas, Essai d'un glossaire genevois d'après les Registres du Conseil de la ville 1409-1536, Helsinki: Société Néophilologique, 1959, p. 275-276
  • Walther v. Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch..., Basel: Zbinden Druck, 1964, 11 bd, p. 122a-b
  • André Holenstein, « Grand sautier » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne, version du .
  • André Holenstein, « Huissier » dans le Dictionnaire historique de la Suisse en ligne.

Liens externes

  • Sautier, sur le site du Grand Conseil genevois.
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