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Sanshin

Le sanshin (䞉線, littĂ©ralement « trois cordes ») est un instrument Ă  cordes pincĂ©es utilisĂ© pour accompagner les chants traditionnels des Ăźles RyĂ»kyĂ» (actuel dĂ©partement d’Okinawa) et Amami (sud du dĂ©partement de Kagoshima), dans le sud du Japon. Il s’agit d’un luth sans frette. Sa caisse de rĂ©sonance est constituĂ©e d’un anneau de bois sur lequel sont tendues deux peaux de python, qui lui vaut parfois d’ĂȘtre appelĂ© jabisen (è›‡çšźç·š) ou jamisen (è›‡ć‘łç·š) (ja signifiant « serpent ») dans le Japon mĂ©tropolitain. Ce nom n’est toutefois jamais employĂ© Ă  Okinawa, oĂč on lui prĂ©fĂšre les appellations sanshin ou shamisen (䞉摳線), et reste trĂšs marginal Ă  Amami oĂč le terme d’usage courant reste shamisen (sauf lorsque l’on doit faire la distinction avec le shamisen japonais).

Histoire

Origine

Il est dĂ©rivĂ© du sanxian chinois. La date exacte de l’introduction de celui-ci dans l’archipel des RyĆ«kyĆ« est incertaine. On suppose gĂ©nĂ©ralement qu’il y a Ă©tĂ© amenĂ© par les immigrants chinois venus s’installer dans la seconde moitiĂ© du XIVe siĂšcle dans le village de Kuninda (actuellement Kume, un quartier de Naha). Ceux-ci, envoyĂ©s sur l’ordre de l’empereur Ming Hongwu afin de faciliter les Ă©changes entre la cour de Nankin et celle du royaume de RyĆ«kyĆ« qui contrĂŽlait l'archipel Ă  cette Ă©poque, Ă©taient essentiellement originaires de la province de Fujian, oĂč le sanxian Ă©tait Ă  l’époque trĂšs populaire ; il est raisonnable de penser que les immigrants de cette rĂ©gion l’ont emportĂ© dans leurs bagages au cours de leurs allĂ©es et venues.

Sanshin, sanxian, shamisen

Si Ă  Okinawa, l’appellation sanshin, dĂ©formation du chinois sanxian, est employĂ©e de trĂšs longue date, il n’existait Ă  l’origine pas de rĂ©elle distinction entre sanshin et sanxian, les musiciens des RyĆ«kyĆ« utilisant l’instrument chinois tel quel pour s’accompagner. Ce ne serait qu’au dĂ©but du XVIIIe siĂšcle que le sanshin se serait rĂ©ellement diffĂ©renciĂ© de l’instrument chinois pour prendre sa forme actuelle, en particulier sous l’influence des sanshin nushitui (äž‰ç·šäž»ć–ă„), les luthiers royaux de RyĆ«kyĆ«. Le sanshin actuel se distingue ainsi du sanxian des origines par une caisse de rĂ©sonance plus ronde et plus grande et un manche raccourci, ce qui permet notamment de jouer plus aisĂ©ment l’intervalle sol-si (en notation musicale chinoise ancienne : 侊-ć°ș) caractĂ©ristique de la gamme d’Okinawa.

Par commoditĂ©, les chercheurs utilisent en gĂ©nĂ©ral le mot sanshin pour parler de l’instrument employĂ© dans les RyĆ«kyĆ« pour accompagner le rĂ©pertoire autochtone, que ce soit avant ou aprĂšs sa transformation (le terme sanxian est par contre toujours utilisĂ© pour l’instrument utilisĂ© dans le contexte de la musique uzagaku, qui a lui gardĂ© sa forme d’origine).

On suppose que le sanxian aurait Ă©tĂ© importĂ© au Japon au XVIe siĂšcle dans le port de Sakai, prĂšs d’Osaka, par des marins d’Okinawa, bien que les circonstances et la date de l’introduction de l’instrument fassent encore l’objet de vives discussions. Toujours est-il qu’il a rapidement Ă©voluĂ© pour donner naissance au shamisen japonais, notamment en intĂ©grant de nombreuses influences du jeu de biwa. Savoir si la musique des RyĆ«kyĆ« a Ă©tĂ© transmise en mĂȘme temps que l’instrument fait lĂ  encore dĂ©bat, certains chercheurs trouvant une forte ressemblance entre Yanagi-bushi d’Okinawa et RyĆ«kyĆ«-gumi, un des premiers morceaux de shamisen. Toujours est-il que l’influence de la musique des RyĆ«kyĆ« sur l’instrument japonais et son rĂ©pertoire est dans l’ensemble nĂ©gligeable.

DĂ©veloppement

L’adoption de l’instrument par la population des RyĂ»kyĂ» est elle aussi mal documentĂ©e, mais le rapport diplomatique d’un ambassadeur des Ming[1] laisse penser que son usage se serait rĂ©pandu dans la classe dominante aux alentours du XVe ou XVIe siĂšcle. On ne sait toutefois pas trĂšs bien Ă  quoi ressemblait cette musique de sanxian (en dehors de son utilisation dans l’orchestre de musique chinoise uzagaku).

Une tradition populaire veut qu’un dĂ©nommĂ© Akainku, un grand chanteur d’omoro, ait Ă©tĂ© le premier Ă  utiliser l’instrument dans le rĂ©pertoire autochtone, mais les sources Ă©crites sur ce personnage n’apparaissent qu’à une date bien ultĂ©rieure et font la part belle Ă  la lĂ©gende (Ă  l’heure de sa mort, il serait montĂ© au ciel dans une colonne de lumiĂšre) ; il est donc difficile de distinguer le vrai du faux dans cette tradition populaire.

La premiĂšre musique de sanshin dont on garde la trace aujourd'hui est l’Ɠuvre de Tansui-UĂȘkata (1623-1683), le fondateur de la musique que l’on nomme aujourd’hui musique classique des RyĂ»kyĂ» (RyĂ»kyĂ» koten-ongaku). La pratique de l’instrument ne s’arrĂȘta toutefois pas aux classes dirigeantes, mais se rĂ©pandit dans toutes les couches de la sociĂ©tĂ©. Il faisait partie de l’enseignement dispensĂ© aux courtisanes, mais accompagne Ă©galement souvent les chants et danses des classes populaires (eisĂą, mĂŽ-ashibi).

Sa pratique est aujourd’hui encore trĂšs vivace et la musique de sanshin est un Ă©lĂ©ment d’identitĂ© culturel fort pour Okinawa et la rĂ©gion d’Amami. Son enseignement est dispensĂ© dans des classes tenues par des professeurs diplĂŽmĂ©s, mais les autodidactes sont Ă©galement trĂšs nombreux. Depuis les annĂ©es 1990, en partie grĂące Ă  l’influence des dorama se passant Ă  Okinawa, sa pratique s’est considĂ©rablement dĂ©veloppĂ©e dans le Japon mĂ©tropolitain.

Caractéristiques

La principale caractĂ©ristique du sanshin est sa caisse de rĂ©sonance circulaire tendue de deux peaux de python (traditionnellement molure, parfois rĂ©ticulĂ© de nos jours) qui lui vaut parfois d'ĂȘtre appelĂ© jabisen (è›‡çšźç·š) : littĂ©ralement « peaux de serpent-cordes Â») dans le Japon mĂ©tropolitain. Il existe Ă©normĂ©ment de variantes mineures au niveau de la forme qui permettent de classer les sanshin en sept catĂ©gories suivant la forme du chevillier et l’épaisseur du manche. Ils prĂ©sentent cependant tous la mĂȘme structure.

Les éléments
  • le manche sĂŽ (æŁč) : d’une seule piĂšce, les tsugi-zao (manches dĂ©montables) du shamisen japonais sont rarissimes. D’une longueur totale d’environ 80 cm, il ne comporte ni touche ni frette. La distance entre le chevillier et le chevalet (mobile et en bambou) est d’environ 60 cm. Les bois employĂ©s sont Distylium racemosum, mĂ»rier, palissandre, Pterocarpus indicus, Hibiscus tiliaceus. Le plus prisĂ© reste l’ébĂšne, et en particulier l’ébĂšne de Yaeyama qui est rĂ©putĂ© pour ses propriĂ©tĂ©s acoustiques. Mais cette variĂ©tĂ© ayant Ă©tĂ© surexploitĂ©e par les luthiers, elle est aujourd’hui protĂ©gĂ©e. La majoritĂ© de l’ébĂšne utilisĂ© provient maintenant d’Asie du Sud-Est.
  • la caisse de rĂ©sonance chĂźga (ăƒăƒŒă‚Ź) : cadre en bois presque circulaire, d’un diamĂštre d’environ 20 cm et d’une profondeur de 10 cm. Sur chacune des deux faces est tendue une peau qui sert de membrane. Cette peau est traditionnellement celle d’un python (Ă  l’origine python molure). Toutefois, en raison de diffĂ©rentes rĂ©gulations, dont la CITES, et de diffĂ©rents facteurs d’approvisionnement, le python rĂ©ticulĂ© est aujourd’hui souvent employĂ© Ă  sa place. À noter qu’on ne trouve pas de python Ă  l'Ă©tat naturel Ă  Okinawa : il s’agit de peaux importĂ©s de Chine ou du Sud-Est asiatique.
Différents substituts existent
  • shibu-baĂŻ : jusqu’au milieu du XXe siĂšcle, la peau de python Ă©tait rare et donc extrĂȘmement coĂ»teuse (d’autant plus qu’elle nĂ©cessite d’ĂȘtre remplacĂ©e rĂ©guliĂšrement). Les musiciens du rĂ©pertoire populaire utilisaient donc divers matĂ©riaux : papier japonais durci avec de la rĂ©sine, Ă©corce d’arbre, pour un rĂ©sultat acoustique plus ou moins rĂ©ussi. Certains grands noms de la musique min'yƍ (Noborikawa Seijin entre autres) tĂ©moignent avoir appris Ă  jouer sur ces sanshin « faits maison » dans leur jeunesse. Cependant, avec la dĂ©mocratisation de la peau de serpent aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, ces techniques de fabrication se sont peu Ă  peu perdues et les trĂšs rares shibu-baĂŻ sanshin que l’on trouve encore aujourd’hui sont des objets de curiositĂ©, bien souvent trop abĂźmĂ©s pour ĂȘtre jouĂ©s ;
  • les peaux artificielles sont Ă©galement trĂšs rĂ©pandues : moins chĂšres, plus solides et d’un entretien plus facile que le serpent. Ce type de peau n’est par contre utilisĂ© que pour les instruments d’entraĂźnement, il est trĂšs rare d’en voir sur scĂšne ;
  • un compromis consiste Ă  coller une peau de serpent sur une peau artificielle. Cette mĂ©thode est de plus en plus apprĂ©ciĂ©e car elle combine les propriĂ©tĂ©s acoustiques et visuelles d’une vraie peau avec la soliditĂ© d’une peau artificielle ;
  • aprĂšs la Seconde Guerre mondiale, il Ă©tait devenu presque impossible de se procurer les matĂ©riaux nĂ©cessaires Ă  la fabrication d’un sanshin. Les musiciens ont alors fait preuve d’imagination en utilisant les boĂźtes de conserve de l’armĂ©e d’occupation amĂ©ricaine comme caisse de rĂ©sonance : c’est ce que l’on appelle un kankara sanshin.
Les cordes
  • autrefois en soie, elles sont aujourd’hui en nylon. L’idĂ©e de remplacer la soie par le nylon plus solide remonterait lĂ  encore Ă  l’immĂ©diat aprĂšs-guerre, oĂč certains musiciens tendaient sur leur instrument les suspentes des parachutes de l’armĂ©e amĂ©ricaine.

Les cordes utilisĂ©es Ă  Amami sont plus fines que celles utilisĂ©es Ă  Okinawa, et permettent ainsi d’accorder l’instrument jusqu’à une quinte au-dessus. Les cordes employĂ©es Ă  Amami sont jaunes (blanches Ă  Okinawa) : cette couleur viendrait du fait qu’autrefois on badigeonnait les cordes en soie de jaune d’Ɠuf pour les rendre plus solides.

Jeu

À Okinawa, le musicien utilise un plectre en forme de corne, en bois, en plastique, mais le plus souvent en corne de buffle d’eau, qu’il place sur son index droit. Dans le registre populaire, le musicien peut Ă©galement utiliser un mĂ©diator de guitare ou de basse ou directement l’ongle de son index droit. De base, le plectre vient fortement appuyer sur la corde, de haut en bas, mais il n’existe pas de technique percussive comme dans le shamisen de gidayĆ«-bushi.

À Amami, le plectre consiste en une tige de bambou : on glisse une extrĂ©mitĂ© de cette tige entre le majeur et l’annulaire et on pince l’autre entre le pouce et l’index. La main droite est plus percussive et utilise bien plus frĂ©quemment les upstroke qu’à Okinawa.

Accord

Il existe cinq façons d'accorder le sanshin[2] (les hauteurs données ci-dessous ne sont que relatives, chaque chanteur accordant son instrument en fonction de sa tessiture vocale) :

  • hon chƍshi (æœŹèȘżć­) : accord standard (ex. : C3, F3, C4) ;
  • ni-agi chƍshi (äșŒæšèȘżć­) : deuxiĂšme corde montĂ©e (ex. : C3, G3, C4) ;
  • ichi, ni-agi chƍshi (侀、äșŒæšèȘżć­) : premiĂšre et deuxiĂšme cordes montĂ©es (ex. : D3, G3, C4) ;
  • dan-sage chƍshi (侉例げèȘżć­) : troisiĂšme corde baissĂ©e (ex. : C3, F3, B♭3), dans les faits identique Ă  l'accord prĂ©cĂ©dent ;
  • ichi-agi chƍshi (䞀揚èȘżć­) : premiĂšre corde montĂ©e (ex. : E♭3, F3, C4), que l'on trouve dans quelques trĂšs rares morceaux des Ăźles Yaeyama.

RĂ©pertoire

Le sanshin est l’instrument d’Okinawa par excellence, accompagnant aussi bien les chants populaires folkloriques, qu’on regroupe de nos jours sous le nom d’Okinawa min'yƍ, que la musique de cour de RyĆ«kyĆ«.

Amami est Ă©galement le berceau d’un rĂ©pertoire de chants traditionnels que l’on distingue sous le nom d’Amami min'yƍ, ou plus couramment shimauta.

Le sanshin est aussi employĂ© dans des genres plus contemporains, tel que le rock ou la pop (Natsukawa Rimi, BEGIN), le reggae (U-dou & Platy) voire dans l’électro (Shisa). Il connaĂźt depuis les annĂ©es 1990 un certain succĂšs qui dĂ©passe les rĂ©gions d’Okinawa et d’Amami, et on le voit parfois employĂ© de façon marginale dans des contextes fort Ă©loignĂ©s de son utilisation d’origine, tels que les fanfares publicitaires chindon'ya.

Notes et références

  1. (ja) 䟃 陳, Shi-RyĂ»kyĂ»-roku äœżç‰çƒéŒČ, YĂŽju-sha 投æšč瀟 Naha, Okinawa,‎ 1995-1996.
  2. (ja) ćș·ç›› æ»ćŽŸ, RyĆ«kyĆ« minyƍ kunkunshi ç‰çƒæ°‘èŹĄć·„ć·„ć››, RyĆ«kyĆ« ongaku gakufu kenkyĆ«sho ç‰çƒéŸłæ„œæ„œè­œç ”ç©¶æ‰€, Naha, Okinawa,‎ .

Annexes

Articles connexes

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