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Saadia Mebarek

Saadia Mebarek, morte le , est une AlgĂ©rienne arrĂȘtĂ©e, torturĂ©e et tuĂ©e par des militaires français pendant la guerre d'AlgĂ©rie[1].

Saadia Mebarek
Biographie
DĂ©cĂšs

Biographie

MariĂ©e Ă  Mohamed Kader, grutier, Saadia Mebarek est enceinte lorsqu'elle est arrĂȘtĂ©e Ă  Alger le . Son Ă©poux dĂ©pose plainte deux jours plus tard, son Ă©pouse ayant Ă©tĂ© retrouvĂ©e morte au petit matin du 25 mai, apportĂ©e sur une civiĂšre par un militaire français Ă  l’hĂŽpital Mustapha-Pacha[2].

EnquĂȘte, recherches et procĂšs

Rapport officiel

Le , le PrĂ©sident Charles de Gaulle demande au premier ministre Michel DebrĂ© de diligenter une enquĂȘte : « Les faits dĂ©noncĂ©s sont d'une particuliĂšre gravitĂ©. [...] Il va de soi que si les tortures sont Ă©tablies, des sanctions exemplaires devront ĂȘtre prises »[3].

Selon le rapport de l'armĂ©e transmis le par le ministre Pierre Messmer, Saadia Mebarek Ă©tait suspectĂ©e, ainsi que quatre autres femmes, « de propagande abstentionniste pour les Ă©lections cantonales », dans un contexte oĂč le Front de LibĂ©ration nationale appelait Ă  l'abstention. RĂ©digĂ© par un colonel du secteur Alger-Sahel, le rapport indique qu'elle a Ă©tĂ© interrogĂ©e et qu'il a Ă©tĂ© nĂ©cessaire de recourir Ă  la force, mais nie les sĂ©vices. Le rapport officiel indique qu'elle aurait Ă©tĂ© libĂ©rĂ©e dans la nuit, mais retrouvĂ©e, par hasard, une demi-heure plus tard, inanimĂ©e[2].

Archives

L'ouverture des archives en 2022 donne accÚs à des documents qui attestent d'une version tout à fait différente, mais qui était connue par le pouvoir exécutif.

Robert Schmelck, alors procureur gĂ©nĂ©ral d'Alger, Ă©crit au ministre de la justice, Edmond Michelet, qu'« Ă  titre confidentiel le Docteur m’a laissĂ© entendre qu’il Ă©tait trĂšs vraisemblable que l’asphyxie Ă©tait le rĂ©sultat d’une Ă©lectrocution [
]. Selon toute vraisemblance, la dame Mebarek est morte des suites de sĂ©vices qu’on a exercĂ©s sur elle ». Une autopsie montre plusieurs lĂ©sions sur les seins, le bras droit, la cheville gauche et les parties gĂ©nitales de Saadia Mebarek[2].

Geoffroy de Courcel, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de l’ÉlysĂ©e, saisit le Maurice Patin, qui prĂ©side la commission de sauvegarde des droits et des libertĂ©s individuels. Celle-ci doit enquĂȘter sur les abus de l'armĂ©e en AlgĂ©rie. Cependant, Patin lui rĂ©pond rapidement qu'il lui apparaĂźt « d’ores et dĂ©jĂ  que ces informations, comme mes interventions, seront vaines, si les hautes autoritĂ©s militaires doivent manifester autant d’hĂ©sitation que par le passĂ© Ă  assurer, Ă  cet Ă©gard comme Ă  tous autres, la discipline de l’armĂ©e et Ă  prononcer elles-mĂȘmes les sanctions impitoyables contre les auteurs de pareils excĂšs, dont la persistance est dĂ©courageante »[2].

ProcĂšs

Le procÚs d'un lieutenant d'active, et de deux sous-lieutenants de réserve, soupçonnés d'avoir torturé à mort Saadia Mebarek se tient à huis clos en au Tribunal permanent des forces armées. Il s'agit, selon Sylvie Thénault et Raphaëlle Branche, de l'unique procÚs impliquant des militaires impliqués dans les opérations en Algérie[4].

Les accusés reconnaissent les faits qui leur sont reprochés. Cependant, les militaires siégeant au tribunal acquittent les trois inculpés[5]. Ainsi, « l'armée n'entend pas endosser la responsabilité des exactions commises pendant la guerre, dont elle tient in fine le pouvoir politique pour responsable »[4].

À l'issue du procĂšs, l'Association de la magistrature dĂ©nonce une double crise, de la magistrature et de la justice[6] - [4].

Le ministÚre des Armées forme un recours devant la Cour de cassation. Sa chambre criminelle casse le jugement du Tribunal permanent des forces armées le . Cependant, et puisque le décret du a amnistié les « faits commis dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre dirigées contre l'insurrection algérienne », la décision de la cour de Cassation annule le jugement du tribunal sans permettre de renvoi à une autre juridiction[4].

Références

  1. Saadia Mebarek: morte par la France
  2. Fabrice Arfi, « De Gaulle et la guerre d’AlgĂ©rie : dans les nouvelles archives de la raison d’État | Panoramiques », sur Mediapart, (consultĂ© le )
  3. Charles de Gaulle, Lettres, notes et carnets, tome 8 : 1958-1960, Place des Ă©diteurs, (ISBN 978-2-259-22903-6, lire en ligne), p. 225
  4. Alain Bancaud, Justice, politique et République: de l'affaire Dreyfus à la guerre d'Algérie, Editions Complexe, (ISBN 978-2-87027-926-7, lire en ligne), p. 258-259
  5. J.-M. ThĂ©olleyre, « Le tribunal militaire acquitte trois officiers accusĂ©s de tortures ayant entraĂźnĂ© la mort d'une musulmane », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
  6. « LE BULLETIN DE L'ASSOCIATION DE LA MAGISTRATURE S'INQUIÈTE DE LA " CRISE DE LA JUSTICE " », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consultĂ© le )
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