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Rouennais (langue)

Le rouennais (parfois dĂ©signĂ© sous le nom de purin de Rouen ou purinique que lui donnaient ses habitants au XIXe siècle) est une variĂ©tĂ© de la langue normande parlĂ©e autrefois Ă  Rouen par la population des bas quartiers de la ville. Cette langue, aux traits linguistiques très proches du brayon et du cauchois, mais aussi du français, s’est progressivement rarĂ©fiĂ©e Ă  partir des annĂ©es 1960 mais survit dans le parler rouennais contemporain ainsi que dans la mĂ©moire des habitants de Rouen qui la connaissent encore bien, quoique ne la parlant souvent plus spontanĂ©ment dans la vie quotidienne mais la rappelant quand il s’agit de faire sentir un parler « local Â» et « rustique Â» de manière humoristique. Cette mĂ©moire est facilitĂ© par la proximitĂ© du normand rouennais avec le français, puisqu’il s’agit de deux langues d’oĂŻl. En outre, le normand rouennais a donnĂ© beaucoup de mots, de tournures de phrase, de variations dans la conjugaison des verbes et mĂŞme son accent au français que parlent les Rouennais aujourd’hui, Ă  tel point que la francisation de surface a remarquablement intĂ©grĂ© et conservĂ© beaucoup du rouennais.

Le rouennais a donné une littérature assez riche avec notamment les vers burlesques de La Muse Normande au XVIIe et XVIIIe siècles.

Grammaire

Articles

L'article défini rouennais se décline comme suit :

  • au masculin le est prononcĂ© « l’ Â» voire « eul Â» : l'gardin (« le jardin »), j' sieus dans l' c'min (« je suis dans le chemin »), i' cante eul mauvais cant (« il chante le mauvais chant Â»), l'homme euq j'ai vu (« l'homme que j'ai vu ») ;
  • au fĂ©minin, comme en français : la, qui devient l' devant une voyelle : la fille, c'est l'heure d'y aller ;
  • au pluriel les se prononce l'z devant une voyelle : les vakes sont icite (« les vaches sont ici »), l'z Ă©fants sont r'venus (« les enfants sont revenus »), dans l'z annèyes passèyes (« dans les annĂ©es passĂ©es »).

l'article indéfini se décline comme suit :

  • au masculin un : un âb'e su' l' c'min (« un arbre sur le chemin »), un liv'e (« un livre ») ;
  • au fĂ©minin eune : eune bonne dame, eune feis (« une fois ») ;
  • au pluriel des, qui devient d'z devant une voyelle : des bĂ©zots (« des gamins »), d'z oreilles (« des oreilles »), j' mets d'z herbes (« je mets des herbes »).

L'article démonstratif se décline comme suit :

  • au masculin çu (parfois chu comme tous les mots en -c- comprenant ce son, le chuintement si typiques du normand et du picard n’est pas aussi net en rouennais qu’en cauchois ou en brayon), devant une voyelle il devient c't : çu biau temps (« ce beau temps »), j' vis c't asticot-lĂ  (« j'ai vu cet olibrius ») ;
  • au fĂ©minin c'te et c't' devant voyelle : c'te corporance (« cette corpulence »), est c't' adrèche-cite (« c'est cette adresse »).
  • au pluriel ces, qui devient c'z devant une voyelle : ces caires (« ces chaises »), c'z agaches (« ces pies »).

En rouennais comme en français, l’accent binaire hĂ©ritĂ© du latin est responsable de ces alternance de prononciation pour la voyelle « e Â».

Morphologie et syntaxe

  • yi correspond au pronom COI lui, il se rĂ©duit en i après j’ : i yi rĂ©pondit qu’i n’vouleit brin (« il lui rĂ©pondit qu’il ne voulait pas Â»), j’i ai dit nenni (« je lui ai dit non Â»).
  • yeux (prononcĂ© yeuz, d’oĂą cet -x) correspond Ă  leur COI : i yeux a baillĂ© (« il leur a donnĂ© Â»)
  • les pronoms sont toujours dans l’ordre COD-COI, alors qu’en français standard ces positions sont variables. Ainsi, on dira j’èl me donne (« je le me donne Â») alors qu’en français, la phrase serait spontanĂ©ment je me le donne. D’oĂą le sobriquet rouennais « refais-le-me-le Â».

Vocabulaire

  • ne brin : ne pas
  • boujou : bonjour
  • boujou bien : salut ! (en partant)
  • bardi-barda ! : patatra !
  • rien + adjectif : très (en ancien français, rien – du latin rem – voulait dire chose, son usage dans le sens de « très Â» dĂ©rive de ce qu’on renforçait le sens de la phrase en associant au sujet le mot chose : c’est rien grand voulait littĂ©ralement dire c’est chose grande ou c’est chose de grand)
  • cor ou cĂ´ : encore
  • Ă  c't'heure et Ă  c't'heure-cite : maintenant
  • orains : il y a peu, il n’y a pas longtemps (de l’ancien français orainz du latin hora antes, « l’heure d’avant Â»)
  • pou(r) mais qu’ : pourvu que
  • âb'e : arbre
  • caboche : chou
  • nom des Dieppes ! : juron
  • neuche : noce
  • cauche : chaussure (on dit les cauches pour les chaussures)
  • cauchie : chaussĂ©e, voie
  • caud : chaud
  • souler : « souloir Â», avoir l’habitude de ...
  • arder : brĂ»ler
  • attivelle : ornement, chose, truc
  • câtel (-l final parfois muet) ou câtiau (pluriel dans tous les cas : des câtiaux) : château
  • un appel > des appiaux : un appel > des appels (ancienne forme appeaux, la plupart des mots français se terminant en -eau se terminent en rouennais en -el — l’-l final est parfois muet –, leur pluriel est toujours en -iaux)
  • veir : voir
  • grigner ou greigner : grimacer
  • faire des grignies (ensuite francisĂ© en faire des grignĂ©es) : bouder, faire la moue
  • quièv'e : chèvre (de l’ancien normand kievre contre chievre en ancien français parisien)
  • quien : chien
  • yoghourt (le -t final est muet) : yaourt
  • cat : chat
  • iau : eau
  • manger > j' manjue : manger > je mange (cette conjugaison vient directement de l’ancien français : le verbe mangier faisait en effet je manjue aux 3 premières personnes de l’indicatif prĂ©sent singulier)
  • qu'mencher : commencer
  • mâquer : mâcher, manger
  • pucheux : seau pour aller au puits
  • mâqueux : mangeur
  • pĂŞqueux : pĂŞcheur
  • queval, gueval ou geval : cheval
  • digonner : titiller
  • catouiller : chatouiller
  • ĂŞt'e catouille : ĂŞtre sensible

Littérature

Le Coup d'Ĺ“il purin, Rouen, 1773

C'est David Ferrand qui a publié de 1625 jusqu'en 1653 des poèmes en language purinique. Ces poèmes ont été repris en 1655 dans son Inventaire général de la Muse Normande. Louis Petit a fait paraître en 1658 un recueil La Muse normande. Vers la fin du xviie siècle La Farce des Quiolards a été publiée à Rouen.

Pendant la première moitié du xviiie siècle, Lettre de deux paisans de Caux, purins à Rouen, sur les affaires du temps. Le Coup d'œil purin de 1773 critiquait les ministres de Louis XV.

Bibliographie

  • Le parler rouennais des annĂ©es 1950 Ă  nos jours, GĂ©rard LarchevĂŞque, Ă©d. Le Pucheux, Rouen, 2007, (ISBN 2952691215)
  • La Normandie dialectale, Lepelley, Caen 1999, (ISBN 2841330761)
  • Lettres de deux paysans normands sur la guerre de la succession d'Espagne : pièces inĂ©dites en langage purin publiĂ©es par J. FĂ©lix, Rouen, Imprimerie de Henry Boissel, 1881.- VII-7 p. ; 20 cm.
  • David Ferrand, La I. II. et III. partie de la Muse normande : Recueil de plusieurs ouvrages facĂ©cieux en langue purinique, ou gros normand, Paris, Pierre Seyer, imprimeur, 1763-1767, 24 p. (lire en ligne).
  • Catherine Bougy, « Les dĂ©signations du sexe dans la Muse Normande de David Ferrand », Annales de Normandie, nos 45-4,‎ , p. 393-404 (lire en ligne, consultĂ© le ).
  • Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand, poète dialectal rouennais du XVIIe siècle : auteur de La muse normande, Caen,
    Thèse universitaire

Voir aussi

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