Rhétorique nucléaire
La rhétorique nucléaire est une stratégie militaire datant de 1988[1] donnant des « formes ouvertes – conventionnelles, nucléaires et asymétriques - »[2] de conflit armé associé au conflit économique (voire à la progression interne économique), où l'emploi d'armes nucléaires de haute technologie à petites doses n'aboutirait pas à la Troisième Guerre mondiale. Il s'agit d'un « affaiblissement des limites entre états de paix et de guerre » selon la « doctrine Gerasimov » qui change le statut illégal de la guerre qui a été établi depuis 1945[2] - [note 1]. C'est une forme de communication dans la politique étrangère d'un ou plusieurs états.
Histoire
Il s'agit de l'évolution de la dissuasion nucléaire constituée après la deuxième guerre mondiale (1959-65) « où deux camps s'affrontent en étant égaux » en évitant la catastrophe[3] - [1].
La naissance de cette stratégie plus évoluée que la dissuasion en tout ou rien, et son emploi, qui situe le conflit entre « grande » et « petite » guerre porte aussi bien sur le PIB d'un pays que l'humiliation « nationale » ressentie[4].
Si la dissuasion nucléaire aboutit à la guerre froide et la non-prolifération des armes nucléaires[3], le conflit frontalier est un élément de géopolitique aboutissant à la rhétorique argumentation militaire depuis la présidence Obama ayant fabriqué la « guerre chirurgicale »[2] comportant ou ne comportant « pas encore »[note 2] des destructions physiques chez le « voisin infréquentable »[note 3]. Ce qui s'accompagne depuis 2005 d'une guerre hybride avec « gesticulation » médiatique[2].
La « rhétorique nucléaire » présente plusieurs aspects de posture[5] ou d'« imposture » prédictive (par exemple en 2022 pour l'Ukraine[6] communication pour le camp russe ou propagande pour le camp Otan et réciproquement), les actions nocives sont attribuées à l'autre camp (dans ce cas dans ces deux "salles d'audience" on aboutit à une « escalade militaire »[3] - [7] voulue par au moins un des deux camps).
Application de cette stratégie
Pays de l'Est Russie
Ce sujet a produit l'utilisation de la locution rhétorique nucléaire courant mars 2022 dans les médias français à la suite de l'emploi de drones, de destruction d'infrastructures (dont centrale d'électricité nucléaire), mais surtout de menaces d'emploi de bombes radiologiques à contamination nucléaire) en Ukraine par la Russie « qui se sent menacée » dans ses frontières[8].
Dans les évènements d'Ukraine de 2022 appelée guerre par l'Organisation du traité de l'Atlantique nord et ses tenants autour des États-Unis, et Opération militaire spéciale en Ukraine par les tenants de l'invasion russe avec l'annexion du territoire, les deux camps ne sont ni militairement ni économiquement ni démographiquement égaux. Cet aspect est totalement lié à l'interdépendance Europe de l'Ouest et Russie pour les énergies fossiles[9] qui correspond à une diplomatie ouvrant sur une façon nouvelle de penser la politique étrangère[3] montrant la faible efficacité (et la faible utilité de jugement) de l'Organisation des Nations Unies dans un Droit dit international[note 4] à respecter par sa charte.
Notes et références
Notes
- « La crise ukrainienne nous rappelle que l’équilibre stratégique en Europe repose toujours sur le fait nucléaire. Le point le plus nouveau, en tout cas le plus visible, fut le maniement de la rhétorique nucléaire tout au long de la crise : la « messagerie stratégique nucléaire » a été ouverte pour ne plus se refermer. » Olivier Kempf op. cit..
- Le problème en Asie entre la Corée du Nord, la Corée du Sud, le Japon ne comporte pas au 05/11/2022 de destruction physique volontaire chez un voisin ou un autre.
- « La résolution 984 de l’ONU du 11 avril 1995 proscrit l’usage de l’arme nucléaire comme moyen de pression exercé par une puissance nucléaire sur un État non doté...Après l’annexion de la Crimée en 2014. Russes, Chinois et Américains développent des armes de nouveaux types, les engins hypersoniques, sans préjudice pour les forces nucléaires patrimoniales (sous-marins, engins balistiques, bombardiers), ni pour les systèmes centraux de défense, tels que l’anti-missiles ou le cyber. » Philippe Wodka-Gallien, « Russie, Corée du Nord : la rhétorique nucléaire à l’épreuve. », sur contrepoints.org, .
- Droit à respecter qui ne concerne que des états cf.« Droits et devoirs d'un membre de l'ONU (exemple de la Palestine) », sur Le Figaro.
Références
- « The defense prevail » (in Fiscal Year 1984-1988 Defense Guidance) étudié par Jacques Derrida, « No apocalypse, not now, sept missives, sept missiles (extrait) », : « une apparente innovation rhétorique, le choix d'un mot nouveau…to prevail (p.81) », p. 79-83.
- Il note en prémices que « L'organisation mondiale du socius humain [Composante sociale du comportement et de la vie mentale d'un être vivant. CNRTL est aujourd'hui suspendue à la rhétorique nucléaire » puis que « La croyance apparente [depuis Reagan] pourrait pousser un leader à penser qu'il pourrait prendre le risque d'engager une guerre nucléaire parce qu'il serait capable de l'arrêter juste avant une catastrophe totale ».
- Olivier Kempf, « L’indirection de la guerre ou le retour de la guerre limitée », Politique étrangère 2015/4 (Hiver) : « Nous serions face à un nouveau cycle conflictuel – que nous nommerons ici « indirection » –, basée sur une stratégie indirecte élargie. La différence ne tient pas ici seulement à l’agencement des moyens à disposition – c’est le rôle traditionnel de la stratégie –, mais au fait qu’on en revient à des objectifs plus limités et que l’on réussit à maîtriser l’action pour les atteindre, sans se laisser entraîner au-delà. Une telle logique réunit, selon le vocabulaire de Beaufre, l’approche indirecte – dans la manœuvre militaire – et la stratégie indirecte – utilisation d’autres moyens que la guerre comme instrument de la politique. Dès lors, les moyens – forces spéciales, drones, etc. –, comme les voies – pressions économiques et guerre de l’information – de la stratégie se conjuguent en faveur du but stratégique initialement défini. L’indirection de la guerre, c’est-à-dire sa pratique indirecte, caractérise notre époque indécise. », p. 157-169
- Philippe Wodka-Gallien, « Russie, Corée du Nord : la rhétorique nucléaire à l’épreuve. », sur contrepoints.org,
- Gomart 2015.
- Camille Grand, « Retour sur le Sommet de Varsovie : les aspects nucléaires [article] », REVUE DEFENSE NATIONALE, Concerne l'attitude de la Russie et la guerre nucléaire de voisinage.
- « Échange de W. Poutine et E. Macron sur la centrale nucléaire », sur C dans l'air, consulté le 8 mars 2022, vidéo non active
- « L'Ukraine accepte d'abandonner son arsenal nucléaire (1994) », sur Ina
- « conflit Russie Ukraine », sur Radio France internationale, (Sources)
- « La dépendance de l’Europe au pétrole russe met 285 millions de dollars dans les poches de Poutine chaque jour », sur Transport environnement
Voir aussi
- Pierre Manent, « Retour ou déclin de la guerre ? », Inflexions (N° 33), , p. 85-94
- Thomas Gomart, « Russie : de la « grande stratégie » à la « guerre limitée » », Politique étrangère, 2015/2 (Été), p. 25-38