Ragnacaire
Ragnacaire, ou Ragnachaire, est un roi des Francs à Cambrai, tué par son cousin Clovis Ier.
Ragnacaire | |
Titre | |
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Roi des Francs Ă Cambrai | |
Vers 460 – 489 ou 510 | |
Successeur | Clovis Ier |
Biographie | |
Titre complet | Roi des Francs Saliens |
Dynastie | MĂ©rovingiens |
Date de naissance | Vers 470 |
Date de décès | 489 ou 510 |
Enfants | incertaine |
Biographie
Grégoire de Tours raconte que Ragnacaire, roi de Cambrai, avait un favori du nom de Farron avec qui il partageait des mœurs si déréglées que Clovis, ayant eu vent de son comportement, décida d'y mettre fin en soulevant les leudes de Ragnacaire contre leur roi. Ragnacaire fut fait prisonnier avec son frère Riquier. Clovis les tua d'un coup de hache, puis se débarrassa du troisième frère, qu'il fit tuer au Mans[1]. Ce troisième frère est nommé Renomer par Grégoire de Tours, nom corrigé le plus souvent en Rignomer[2] - [3] ou Ragnomer[4], voire Richomer[5]. Quant à la localisation du royaume de Rignomer, elle est sujet à débat. Godefroid Kurth estime que Clovis n'aurait jamais laissé un prince franc se tailler un royaume au Mans après la conquête du nord de la Gaule, que Rignomer avait le titre royal en tant que membre mâle de la famille royale et qu'il a été tué au Mans sans en être le roi[2], mais l'historien contemporain Michel Rouche pense qu'Aegidius, père de Syagrius, avait installé Rignomer comme chef militaire et gouverneur du Mans[6].
Cependant, l'époque où se situe cet évènement est imprécise. Grégoire de Tours la place à la fin du règne de Clovis, c'est-à -dire vers 510. Mais Godefroid Kurth a remis en cause cette date, estimant que Grégoire de Tours tient ses informations de la tradition populaire et que celle-ci, un demi-siècle plus tard, ne date pas avec précision. Comme il aurait obtenu de la tradition populaire le récit des trois éliminations de Chlodéric, Cararic et Ragnacaire, il les aurait placées au même moment, c'est-à -dire à la fin du règne de Clovis[7]. Kurth pense en outre qu'après 507, Clovis est occupé à organiser l'administration de l'Aquitaine, récemment conquise, et n'a pas le temps de combattre les autres royaumes francs. De plus, Cararic et Ragnacaire combattent à Soissons en 486, mais ne participent plus aux campagnes suivantes. Aussi Kurth place-t-il la conquête du royaume de Cambrai entre 487 et 491, et celui de Cararic en 491[8].
Ascendance
Certitudes
Grégoire de Tours dit clairement qu'il a deux frères, Richaire (ou Richer) et Renomer (ou Rignomer, Ragnomer ou Richomer). Le témoignage se situe un demi-siècle après et n'est pas contesté.
Quasi-certitudes
Son royaume a pour siège la ville de Cambrai, conquise par Clodion le Chevelu entre 448 et 451[9]. Comme il y a au moins une lignée issue de Clodion encore vivante, il est donc très probable que Ragnacaire et ses frères soient descendants de Clodion[1].
Concernant les autres descendants de Clodion, une généalogie des rois francs, rédigée en Austrasie vers 629 ou 639 donne le texte suivant : « Clodion est le premier roi des Francs. Clodion engendre Chlodebaud. Chlodebaud engendre Mérovée. Mérovée engendre Childebrict. Childebrict engendre Genniod. Genniod engendre Childéric. Childéric engendre Clovis ». Cette généalogie est erronée, mais provient probablement d'une liste de rois francs qu'il aurait fallu lire ainsi : Clodion est le premier roi des Francs. Clodion engendre Chlodebaud et Mérovée. Mérovée engendre Childebrict (=Childebert ou Chilperic ?), Genniod (=Gennebaud ?) et Childéric. Childéric engendre Clovis. Ce qui appuie cette interprétation, c'est qu'une autre généalogie, rédigée en Neustrie entre 584 et 629, confirme que Clodebald est fils de Clodion[10] - [11].
Hypothèses
Il y en a deux, une fondée sur l'onomastique, l'autre sur la localisation des royaumes francs.
Première hypothèse
Dans une de ses lettres Sidoine Apollinaire raconte la venue à Lyon en 469 d'un prince franc dans le but de se marier. Son épouse n'est pas précisée, mais il est fort probable qu'elle soit fille d'un des souverains de Lyon, c'est-à -dire soit Chilpéric Ier (selon Christian Settipani), soit son frère Gondioc (selon Franz Staab), tous deux rois des Burgondes. La motivation de ce mariage serait une alliance commune des Burgondes et des Francs ripuaires contre les Alamans[12]. Sigemer, en tant que Franc ripuaire serait fils de Clodebald ou Clodebaud. Une autre princesse burgonde du nom de Ragnachilde a épousé Euric, roi des Wisigoths. Christian Settipani y voit la coïncidence onomastique et propose de considérer Ragnachaire et ses frères comme fils de Sigemer et neveux de Ragnachilde[11].
Clodion le Chevelu (†451) roi des Francs | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Mérovée (†457) roi des Francs | Clodebald roi des Francs | Gondioc ou Chilpéric Ier roi des Burgondes | Ragnahild princesse burgonde x Euric roi des Wisigoth | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Childéric Ier (†481) roi des Francs | Genniod | Chilpéric | Sigemer prince franc en 469 | Ne | |||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Clovis Ier (†511) roi des Francs | Ragnacaire roi de Cambrai | Richer roi | Ragnomer roi (du Mans ?) | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Seconde hypothèse
Elle est basée sur la localisation des royaumes. Clodion ayant eu deux fils son royaume a été partagé en deux, la partie occidentale avec Tournai pour Mérovée, la partie orientale vers Cologne pour Clodebald. Cambrai est en fait à proximité de Tournai et il semble plus logique de considérer cette ville comme faisant partie de la part de Mérovée. Ragnachaire et ses frères seraient alors des fils d'un des frères de Childéric Ier. On peut déplorer l'absence de l'élément onomastique exposé par l'autre hypothèse. Mais il y a déjà deux alliances assorties de mariages entre les Francs et les Burgondes : celle de Sigemer, en 469, et celle de Clovis avec Clotilde vers 492. Il pourrait très bien y avoir eu une troisième alliance entre les parents de Ragnacaire et une princesse burgonde.
Clodion le Chevelu (†451) roi des Francs | |||||||||||||||||||||||||||||||||
Mérovée (†457) roi des Francs | Clodebald roi des Francs | ||||||||||||||||||||||||||||||||
Childéric Ier (†481) roi des Francs | Genniod | Chilpéric | |||||||||||||||||||||||||||||||
Clovis Ier (†511) roi des Francs | Ragnacaire roi de Cambrai | Richer roi | Ragnomer roi (du Mans ?) | ||||||||||||||||||||||||||||||
Descendance
Les trois frères n'ont aucun descendant connu. Toutefois, sur la base de l'onomastique, certains noms sont proposés pour figurer comme enfant de l'un des trois rois :
- Richomer (†v. 530) évêque de Meaux[13].
- Magnachaire (†565), duc des Francs transjurans, père de Marcatrude, première épouse du roi Gontran[13] - [14].
- Ragnoara, princesse « de race royale », mariée à Pastor, noble orléanais, et mère des évêques Austrène d'Orléans (de 587 à 604) et d'Aunachaire d'Auxerre (de 561 à 605)[15].
Notes et références
- Kurth 1896, p. 255-6.
- Kurth 1896, p. 259.
- Rouche 1996, p. 327.
- Settipani 1989, p. 123 et Settipani 2014, p. 227.
- Settipani 1996, p. 31.
- Rouche 1996, p. 187.
- Chlodéric, ayant combattu à Vouillé, était encore vivant en 507. Clovis est mort en 511.
- Kurth 1896, p. 257-9.
- Feffer et PĂ©rin 1987, p. 86.
- Settipani 1990, p. 7-8.
- Settipani 1996, p. 30.
- Staab 1997, p. 546-550.
- Settipani 1989, p. 121-4 et Settipani 1989, p. 222-227.
- Settipani 1993, p. 77.
- Settipani 1989, p. 121-4 et 143 et Settipani 1989, p. 222-227 et 247-248.
Annexes
Articles connexes
Sources
Grégoire de Tours, Histoires, livre II, chapitre XLII :
« Il y avait alors à Cambrai lui roi nommé Ragnachaire, si effréné dans ses débauches qu’à peine épargnait-il ses proches parents eux-mêmes. Il avait un conseiller nommé Farron, qui se souillait de Semblables dérèglements. On rapporta que lorsqu’on apportait au roi quelque mets ou quelque don, ou quelque objet que ce soit, il avait coutume de dire que c’était pour lui et son Farron, ce qui excitait chez les Francs une indignation extrême. Il arriva que Clovis ayant fait faire des bracelets et des baudriers de faux or (car c’était seulement du cuivre doré), les donna aux Leudes de Ragnachaire pour les exciter contre lui. Il marcha ensuite contre lui avec son armée. Ragnachaire avait des espions pour reconnaître ce qui se passait. Il leur demanda, quand ils furent de retour, quelle pouvait être la force de cette armée. Ils lui répondirent : C’est un renfort très considérable pour toi et ton Farron. Mais Clovis étant arrivé lui fit la guerre. Ragnachaire voyant son armée défaite, se préparait à prendre la fuite lorsqu’il fut arrêté par les soldats, et amené, avec son frère Richaire, les mains liées derrière le dos, en présence de Clovis. Celui-ci lui dit : Pourquoi as-tu fait honte à notre famille en te laissant enchaîner ? il te valait mieux mourir ; et ayant levé sa hache, il la lui rabattit sur la tête. S’étant ensuite tourné vers son frère il lui dit : Si tu avais porté du secours à ton frère, il n’aurait pas été enchaîné ; et il le frappa de même de sa hache. Après leur mort, ceux qui les avaient trahis reconnurent que l’or qu’ils avaient reçu du roi était faux. L’ayant dit au roi, on rapporte qu’il leur répondit : Celui qui, de sa propre volonté, traîne son maître à la mort, mérite de recevoir un pareil or ; ajoutant qu’ils devaient se contenter de ce qu’on leur laissait la vie, s’ils ne voulaient pas expier leur trahison dans les tourments. À ces paroles, eux voulant obtenir sa faveur, lui assurèrent qu’il leur suffisait qu’il les laissât vivre. Les rois dont nous venons de parler étaient les parents de Clovis. Renomer fut tué par son ordre dans la ville du Mans. Après leur mort, Clovis recueillit leurs royaumes et tous leurs trésors »
.
Bibliographie
- Godefroid Kurth, Clovis, Tours, Alfred Mame et fils, , XXIV-630 p. (présentation en ligne, lire en ligne)Réédition : Godefroid Kurth, Clovis, le fondateur, Paris, Tallandier, coll. « Biographie », , XXX-625 p. (ISBN 2-84734-215-X)
- Laure Charlotte Feffer et Patrick Périn, Les Francs (tome 1 - À la conquête de la Gaule), Paris, Armand Collin Éditeur, (ISBN 2-200-37080-6, BNF 37700985).
- Christian Settipani, Les AncĂŞtres de Charlemagne, Paris, , 170 p. (ISBN 2-906483-28-1).
- Addenda to Les AncĂŞtres de Charlemagne, Paris,
- Les Ancêtres de Charlemagne, Oxford, P & G, Prosopographia et Genealogica, coll. « Occasional Publications / 16 », , 2e éd. (1re éd. 1989), 347 p. (ISBN 978-1-900934-15-2)
- Christian Settipani, La Préhistoire des Capétiens (Nouvelle histoire généalogique de l'auguste maison de France, vol. 1), Villeneuve-d'Ascq, éd. Patrick van Kerrebrouck, , 545 p. (ISBN 978-2-95015-093-6).
- Christian Settipani, « Clovis, un roi sans ancêtre », Gé-Magazine, no 153,‎ .
- Franz Staab (de), « Les royaumes francs au Ve siècle » dans Clovis - Histoire et Mémoire - Actes du colloque international d'histoire de Reims, vol. 1, Presses Universitaires de la Sorbonne, (ISBN 2-84050-079-5, lire en ligne), p. 541-566 .
- Michel Rouche, Clovis, Paris, Éditions Fayard, (ISBN 2-2135-9632-8).