R. c. Mann
R. c. Mann [1] est un arrĂȘt de principe de la Cour suprĂȘme du Canada rendu en 2004 sur la dĂ©tention momentanĂ©e Ă des fins d'enquĂȘte par les agents de la paix en common law.
Les faits
Le 23 décembre 2000, à Winnipeg vers minuit, deux policiers ont répondu à une introduction par effraction. En fouillant le quartier, ils ont repéré un jeune homme correspondant à la description du suspect. Il a été décrit comme un homme autochtone de 21 ans, mesurant 5 pieds 8 pouces, portant une veste noire.
Les agents ont intercepté l'homme, lui ont posé quelques questions, puis l'ont palpé. En effectuant la palpation de sécurité de l'homme, l'agent a remarqué un objet mou dans l'une de ses poches. L'agent a tendu la main et a sorti un sac contenant 27 grammes de marijuana.
Le jeune homme a Ă©tĂ© arrĂȘtĂ© et mis en garde pour possession Ă des fins de trafic en vertu de l'article 5(2) de la Loi rĂ©glementant certaines drogues et autres substances[2].
ProcĂšs
Au procĂšs, le juge a conclu que la fouille contrevenait Ă l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s[3] et que le sac devait ĂȘtre exclu de la preuve car cela porterait atteinte Ă l'Ă©quitĂ© du procĂšs en vertu du article 24 (2) de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s[4]. Le juge a conclu que la fouille par palpation Ă©tait raisonnable pour des raisons de sĂ©curitĂ© uniquement, mais qu'il n'Ă©tait pas prĂ©vu de fouiller dans les poches du suspect.
Appel
En appel, la Cour a conclu que la fouille et la détention étaient raisonnables compte tenu des circonstances, l'acquittement a donc été annulé et un nouveau procÚs a été ordonné.
Questions en litige devant la Cour suprĂȘme
- Existeâtâil, en common law, un pouvoir habilitant les policiers Ă dĂ©tenir une personne aux fins dâenquĂȘte?
- Dans lâaffirmative, existeâtâil, en common law, un pouvoir de fouille accessoire Ă une dĂ©tention aux fins dâenquĂȘte?
- La fouille de la poche de cette personne Ă©taitâelle abusive?
- Dans lâaffirmative, lâĂ©lĂ©ment de preuve doitâil ĂȘtre Ă©cartĂ© en vertu de l'art. 24 de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s?
Jugement de la Cour suprĂȘme
Le pourvoi de Mann est accueilli et lâacquittement est rĂ©tabli.
Le jugement de la Cour a été rendu par le juge Iacobucci, rejoint par les juges Major, Binnie, LeBel et Fish. Les juges Deschamps et Bastarache ont inscrit une dissidence.
Motifs du jugement
Le juge Iaccobucci a statuĂ© que lorsqu'un agent de police dĂ©tient un suspect pour des motifs raisonnables, il n'est autorisĂ© Ă le palper qu'Ă titre de mesure de protection. Ce ne sont pas toutes les fouilles aux fins de la dĂ©tection et de la cueillette dâĂ©lĂ©ments de preuves qui sont fondĂ©es sur des motifs raisonnables.
En l'espĂšce, la palpation initiale Ă©tait peu intrusive. Cependant, la fouille de la poche doit ĂȘtre fondĂ©e sur une justification raisonnable, qui en l'espĂšce n'a aucune justification.
Le tribunal a statuĂ© que mĂȘme s'il n'existe pas de pouvoir gĂ©nĂ©ral de dĂ©tention Ă des fins d'enquĂȘte, les agents de police peuvent dĂ©tenir un individu s'il existe des motifs raisonnables de soupçonner Ă la lumiĂšres de toutes les circonstances que l'individu est liĂ© Ă un crime particulier et que la dĂ©tention est raisonnablement nĂ©cessaire sur une vision objective des circonstances. Ces circonstances comprennent la mesure dans laquelle l'atteinte Ă la libertĂ© individuelle est nĂ©cessaire Ă l'exercice des fonctions de l'agent, Ă la libertĂ© atteinte, ainsi qu'Ă la nature et Ă l'Ă©tendue de l'atteinte.
Au minimum, les personnes dĂ©tenues Ă des fins d'enquĂȘte doivent ĂȘtre informĂ©es, dans un langage clair et simple, des raisons de leur dĂ©tention. Les dĂ©tentions aux fins d'enquĂȘte effectuĂ©es conformĂ©ment au pouvoir de common law reconnu en l'espĂšce ne porteront pas atteinte aux droits du dĂ©tenu en vertu de l'article 9 de la Charte canadienne des droits et libertĂ©s[5].
Ils devraient ĂȘtre de courte durĂ©e, de sorte que le respect de l'art. 10b)[6] n'excusera pas la prolongation, indĂ»ment et artificiellement, d'une telle dĂ©tention.
Les dĂ©tentions aux fins d'enquĂȘte n'imposent pas Ă la personne dĂ©tenue de rĂ©pondre aux questions posĂ©es par la police. Lorsqu'un agent de police a des motifs raisonnables de croire que sa sĂ©curitĂ© ou celle d'autrui est en danger, l'agent peut procĂ©der Ă une fouille prĂ©ventive par palpation de la personne dĂ©tenue. Le pouvoir de dĂ©tention aux fins d'enquĂȘte et de fouille prĂ©ventive doit ĂȘtre distinguĂ© d'une arrestation et du pouvoir accessoire de fouiller lors d'une arrestation.
Notes er références
- [2004] 3 RCS 59
- LC 1996, c. 19
- Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art 8, <https://canlii.ca/t/dfbx#art8>, consulté le 2021-12-19
- Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art 24, <https://canlii.ca/t/dfbx#art24>, consulté le 2021-12-19
- Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art 9, <https://canlii.ca/t/dfbx#art9>, consulté le 2021-12-19
- Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11, art 10, <https://canlii.ca/t/dfbx#art10>, consulté le 2021-12-19