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RĂ©volte des deux sous

La révolte des deux sous, à Lyon (France), en 1786, est une insurrection des ouvriers de la soie, prémices de la Révolte des canuts de 1831. Elle oppose, d'un côté le Consulat et les marchands en soie surnommés "soyeux", et de l'autre les ouvriers tisserands surnommés "canuts"[1], réclamant une hausse des tarifs de certaines étoffes.

Contexte

Lyon à la fin de l'époque moderne est une ville pré-industrielle dont l'activité essentielle est le travail de la soie. Vivant au gré des commandes princières et alternant des périodes de prospérité et de crise, les deuils royaux ou les changements de mode à la Cour arrêtant brutalement les commandes, le milieu ouvrier est fortement touché lors des crises de débouchés. Déjà en 1744, une première révolte pour un tarif minimal avait secoué la ville, et cette revendication revient régulièrement alimenter des conflits entre canuts et donneurs d'ordre[2].

Historique

Le , les ouvriers en soie rĂ©clamant l'application d'un tarif promis deux mois auparavant (une hausse de 2 sols par aune) se mettent en grève. Ils sont rapidement suivis par les chapeliers qui souhaitent obtenir une augmentation de leur prix de travail Ă  la journĂ©e. le consulat rĂ©agit immĂ©diatement en interdisant par une ordonnance toute rĂ©union Ă  ce sujet. MalgrĂ© cela, les canuts se rĂ©unissent le lendemain dans les cabarets ouverts aux alentours des travaux de Charpennes, et les chapeliers font de mĂŞme dans ceux de Perrache. Les meneurs des diffĂ©rents groupes, dont un chapelier nommĂ© Pierre Sauvage, appellent au calme et mènent la foule devant l'hĂ´tel particulier du prĂ©vĂ´t des marchands, Louis Tolozan de Montfort, pour qu'il Ă©tablisse le tarif demandĂ©. Devant le silence des autoritĂ©s et l'absence de rĂ©pression, les Ă©meutiers s'Ă©nervent, jettent des pierres sur la demeure de Tolozan de Montfort puis vont sur la place des Terreaux face Ă  l'hĂ´tel de ville. LĂ , ils se battent contre la marĂ©chaussĂ©e, ce qui se termine par un mort et huit blessĂ©s parmi les manifestants. Devant une situation extrĂŞmement tendue, le consulat accepte de donner une rĂ©ponse quant Ă  l'application du tarif le lendemain[3].

Place de l'hĂ´tel de ville.

Le lendemain matin, un membre du consulat et Pierre Sauvage annoncent dans la liesse générale sur le balcon de l'hôtel de ville que le tarif est accepté. A ce moment, d'autres revendications montent de la foule, que le consulat refuse d'entendre. Les chanoines-comtes de Lyon jouent alors les intermédiaires, sans succès. Le mécontentement remonte rapidement, de nombreux canuts restent en grève, de nombreux autres ouvriers étrangers prennent peur et quittent la ville, ce qui désorganise la filière soyeuse. Enfin, la crainte de débordement devient insupportable pour de nombreux maîtres soyeux. Le consulat fait finalement appel à un régiment de chasseurs qui rétablit l'ordre. Trois émeutiers, Jean-Jacques Nerin[4], Joseph-Antoine Diapano[4] ainsi que Pierre Sauvage, sont arrêtés et pendus le [5] - [3].

Le tarif est en définitive suspendu par arrêt du conseil du Roi du [6].

  • note de Tolozan de Montfort sur la rĂ©pression de la rĂ©volte.
    note de Tolozan de Montfort sur la répression de la révolte.
  • Lettre Ă  Tolozan de Montfort sur l'exĂ©cution d'ouvriers (1)
    Lettre à Tolozan de Montfort sur l'exécution d'ouvriers (1)
  • Lettre Ă  Tolozan de Montfort sur l'exĂ©cution d'ouvriers (2)
    Lettre à Tolozan de Montfort sur l'exécution d'ouvriers (2)

Postérité

Cette insurrection marquera la mémoire des ouvriers lyonnais, qui se révolteront à nouveau en 1831 et 1834[7]. Elle marque la rupture entre le groupe des tisseurs et celui des donneurs d'ordre, unis auparavant dans la défense de leur travail. De nombreux chefs d'atelier canuts se souviendront, pendant la Révolution et après, du refus des autorités et des riches marchands d'accepter une certaine solidarité de métier durant les crises[6].

Bibliographie

  • Patrice BĂ©ghain, Bruno Benoit, GĂ©rard Corneloup et Bruno ThĂ©venon, Dictionnaire historique de Lyon, Lyon, StĂ©phane Bachès, , 1501 p. (ISBN 2-915266-65-4, BNF 42001687)
  • J. Beyssac, « La sĂ©dition ouvrière de 1786 », Revue d'histoire de Lyon, Tome 6, 1907, pp. 427-458.

Notes et références

  1. De la révolte des deux sous est venue la plus ancienne apparition écrite du mot "canut" qui nous est parvenue, voir Canut#Étymologie
  2. Maria-Anne Privat-Savigny (dir.), Lyon au XVIIIe siècle : Un siècle surprenant !, Lyon, Musée Gadagne et Somogy Éditions d'art, 2012, 319 p. (ISBN 978-2-7572-0580-8), (BNF 43509536), p. 95
  3. DhL, p. 442.
  4. J.Beyssac, « La sédition ouvrière de 1786 », Revue d'histoire de Lyon,‎ , p. 450
  5. Pierre Arizzoli-Clémentel et Chantal Gastinet-Coural, Soieries de Lyon : commandes royales au XVIIIe siècle, 1730-1800, Lyon, Musée historique des tissus, coll. « Les dossiers du Musée des tissus » (no 2), 1998, 143 p. (notice BnF no FRBNF35411714), p. 17
  6. DhL, p. 443.
  7. André Pelletier, Jacques Rossiaud, Françoise Bayard et Pierre Cayez, Histoire de Lyon : des origines à nos jours, Lyon, Éditions lyonnaises d'art et d'histoire, 2007, 955 p. (ISBN 978-2-84147-190-4), (BNF 41276618), p. 621

Articles connexes

Voir aussi

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