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Résurrection d'une espèce éteinte

La résurrection, également appelée désextinction, est le processus de création d’une espèce apparentée à une espèce éteinte grâce aux avancées récentes en génétique et biologie synthétique. Le sujet de la désextinction suscite de nos jours une certaine controverse. En effet, une idée fréquemment soutenue est qu’il serait préférable de se concentrer sur les espèces en voie de disparition aujourd’hui.

Le Bouquetin des Pyrénées (Capra pyrenaica pyrenaica) fut ajouté à la longue liste des espèces animales disparues, après que sa dernière représentante a été retrouvée morte le 6 janvier 2000

Définition

En 2016, l’Union Internationale pour la conservation de la nature (IUCN) a publié un ensemble de lignes directrices sur la désextinction des espèces [1]. Elle le présente comme outil potentiel de restauration de la biodiversité, de stabilisation et renforcement des écosystèmes. L’objectif de cette publication est d’engager le dialogue dans la communauté scientifique et le débat public. Il est précisé que le terme de désextinction prête à confusion puisqu’il n’est pas possible de créer des copies conformes d’espèces éteintes, le terme d’espèces proxy est préféré. Le terme de désextinction sous-entend que toute espèce éteinte peut être ressuscitée par les biotechnologies et peut mener à une baisse de soutien économique et politique dans les efforts de conservation actuellement menés.

Principe et enjeux

Jeune mammouth en position de marche, dans une vitrine.
Le jeune mammouth Lyuba, qui avait encore de la nourriture dans son estomac, constituerait un excellent candidat à la désextinction grâce à l'excellente conservation de son patrimoine génétique (Musée Field). Voir l'article Recréation du Mammouth laineux.

Si faire revenir sur Terre des dinosaures comme dans le film de science-fiction Jurassic Park semble impossible, parce que l'ADN retrouvé sur des fossiles vieux de 65 millions d'années est trop dégradé, il serait par contre possible de ressusciter certaines espèces disparues depuis moins longtemps[2].

Différentes solutions permettraient ce processus de renaissance : le clonage, par transfert de cellules somatiques adultes provenant de tissus relativement bien conservés de l'espèce éteinte, dans des ovules ou des œufs d'une espèce proche ; l'ingénierie génétique, par séquençage du génome et insertion des séquences d'ADN faisant la spécificité de l'espèce éteinte dans le génome d'une espèce proche toujours vivante ; ou une méthode d'élevage avec sélection par croisement des individus ayant le génome se rapprochant le plus du génome ancestral [2].

Des essais de croisement effectués de 1920 à 1930 avaient déjà abouti à la reconstitution vraisemblable d'une sorte de cousin de l'Aurochs, nommée Aurochs de Heck.

Le clonage a permis la naissance d'un bouquetin des Pyrénées en , ce qui en fait le premier cas de résurrection d’une sous-espèce animale éteinte, même si celle-ci ne dura que quelques minutes, le nouveau-né étant mort rapidement à cause d’une malformation pulmonaire[3] - [4].

Plusieurs éléments limitent cependant l'intérêt de cette démarche : le manque de robustesse des populations ainsi conçues (par manque probable de diversité génétique), la difficulté de leur intégration dans un environnement qui a évolué sans elles, et le coût, notamment si l’on considère que les mêmes fonds pourraient être consacrés à la préservation d'espèces actuelles[5].

Débats

La désextinction est depuis récemment entrée dans le débat public et scientifique. Certains projets phare comme la résurrection du mammouth laineux ou le pigeon voyageur ont été largement médiatisés et ont stimulé le débat public [6], à travers des événements comme la conférence TEDx sur la désextinction par The Long Now Fundation [7].

De nombreuses controverses gravitent autour de ce sujet, dues aux multiples incertitudes à propos du financement, de la faisabilité, de la mise en pratique, du contrôle et des potentiels bénéfices et risques d’une telle pratique. En particulier, une compétitivité face aux stratégies de conservation actuelles ainsi qu'une mauvaise perception des enjeux par le public sont redoutées. Par exemple, il serait néfaste de considérer la désextinction comme une solution miracle et de ne plus considérer la préservation des espèces en danger comme une priorité [8].

Il est donc nécessaire que ce sujet soit débattu à tous les niveaux, comme le souligne l'IUCN [1], pour définir une potentielle mise en place de la désextinction, les acteurs ayant un rôle à jouer et en cerner les enjeux. Certains aspects du débat, notamment la relation entre technologie et préservation de la nature, se retrouvent dans des débats déjà menés. Il peut être bénéfique d’incorporer les leçons apprises d’anciens projets, comme sur le clonage d’espèces en danger [7].

Économie

La dynamique économique de tels programmes est aussi matière à débat : on peut redouter un détournement des fonds alloués à la conservation des espèces. Le premier modèle des impacts de la désextinction sur la conservation a simulé trois scénarios pour lesquels la source des financements diffère. Un seul des trois scénarios simulé, pour lequel les fonds proviennent de sources indépendantes de la conservation de la nature, mène à un gain net de biodiversité et l'article argumente que cela reste un manque à gagner pour les espèces existantes [9].

D’autres[6] pensent qu’un investissement dans les biotechnologies liées à la résurrection des espèces peut avoir des retombées positives pour la conservation d’espèces existantes : le programme de clonage du mammouth laineux résurrection du mammouth laineux a lancé la recherche pour la culture de virus de l’herpès d’éléphant, un pathogène létal qui menace les populations d’éléphants d’Asie. Aussi, la dépense initiale des programmes de résurrection, notamment la recherche in silico est déjà couverte par d’autres disciplines puisque l’ADN des espèces éteintes est séquencé indépendamment de ces programmes .

Place de la désextinction dans la conservation de la nature

La définition de la résurrection des espèces est débattue puisqu’il est question de sa place dans la conservation de la nature ainsi que la façon de la mettre en application, en vue des lois de protection des espèces par exemple. On peut citer l'exemple des critiques adressées contre l'acte des espèces en danger des États-Unis, après qu'une espèce de vache en danger eut été clonée [7].

Certains experts [6] pensent que la définition de l’IUCN est problématique puisqu’elle implique que cloner une espèce éteinte ne produit qu’une espèce proxy vu qu’elle est épigénétiquement différente, et donc qu’une altération de l’humain sur l’épigénétique d’une espèce remplacerait celle-ci par un proxy anthropogénique. Ceci sous-entend que les efforts actuels dédiés à la conservation ont mené les espèces protégées à leur extinction. Il est proposé de définir la désextinction comme le remplacement écologique des espèces éteintes par modification phénotypique d’espèces existantes au moyen de plusieurs techniques comme la sélection artificielle, l’élevage rétro sélectif, et l’hybridation facilitées par la manipulation génétique.

De ce fait la désextinction se voudrait être une extension ou un outil de la restauration de l’écologie dont la seule différence serait les techniques utilisées, notamment les biotechnologies. La réintroduction serait alors une forme de désextinction : un exemple connu est la réintroduction des loups dans le parc de Yellowstone, ils ne sont pas des descendants directs de la population éteinte puisqu’ils proviennent d’une autre sous-espèce [6].

Rôle des biotechnologies

La désextinction pose aussi la question d’une nouvelle classification d’espèces en danger. Les biotechnologies remettent en question le concept de désextinction : certaines espèces comme le rhinocéros blanc du nord ne peuvent pas se reproduire sans assistance biotechnologique [6].

D’autres espèces sont conservées sous forme unicellulaire, comme dans le plus grand zoo congelé du monde à San Diego. Puisque tous les organismes passent par un stade unicellulaire dans leur cycle de vie, il peut être pertinent de reconsidérer la classification dichotomique actuelle, en vie/éteint, pour mieux adapter les stratégies en place et à venir, comme par exemple : l’extinction locale, l’extinction en milieu sauvage, l’extinction fonctionnelle, l’extinction par espèce engourdie et extinction globale [6].

Dette envers les espèces éteintes

On sait aujourd’hui que de nombreuses espèces ont disparu pour des raisons anthropiques. La Tourte voyageuse qui a disparu à la fin du 19e siècle à la suite d’une forte augmentation de sa chasse ainsi que la destruction de son habitat par l’homme[10], en est un exemple.

Comme le suggère le philosophe David Heyd[11], nous pourrions être menés à croire que l’homme a une sorte de dette envers certaines espèces éteintes [10], d’autant plus qu’il a aujourd’hui les capacités technologiques de les ressusciter par différentes techniques telles que le clonage animal et le transfert nucléaire.

Il existe trois questions déontologiques à ce sujet[11] : une espèce est-elle en soi une entité ayant des droits ? Si oui, une espèce éteinte en a-t-elle ? Et enfin, si elle en a et y a droit, ces droits requièrent-ils sa résurrection ? Or, comme le dit le philosophe légal et politique Joel Feinberg[11], les individus d’une espèce peuvent avoir des intérêts mais pas l’espèce en soi. De ce fait, il ne serait pas possible de lui faire du mal mais seulement à ses individus. En effet seuls les individus ont un niveau de bien-être et une âme[10]. Il serait donc impossible pour l’homme de payer cette dette par la résurrection et devrait plutôt prendre conscience de ce qu’il a commis dans le passé et s’engager à ne pas répéter ces erreurs[10].

Présomption de l’humain

Une préoccupation qui surgit souvent avec la question de la biotechnologie transgénique est celle d’incarner une sorte de personnage divin. En effet cette pratique suggère que les génomes des espèces ne sont que des pièces de puzzle que l’homme pourrait se permettre d’assembler afin de faire mieux que la nature. Alors que certains critiquent les scientifiques qui ont parfois tendance à surestimer leurs capacités à contrôler l’impact des technologies, surtout lorsqu’il s’agit d’interférer avec des dynamiques aussi grandes que les écosystèmes, d’autres sont d’avis que ce serait trop arrogant de vouloir contrôler directement l’effet du problème au lieu d’agir sur les raisons sociales et comportementales qui en sont à l’origine[10].

Cependant, on pourrait croire que la première fois que nous avons « joué à Dieu » a été au moment de l’extinction causée par l’homme des espèces en question[11]. Et que nous serions actuellement en train d’agir plutôt par culpabilité que par arrogance, ce qui se rapproche plus de l’humilité que du rôle divin.

Notes et références

  1. IUCN SSC guiding principles on creating proxies of extinct species for conservation benefit, 2016
  2. Pierre Barthélémy, « Doit-on ressusciter les espèces disparues ? », http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr, (consulté le )
  3. Folch, J., Cocero, M. J., Chesne, P., Alabart, J. L., Dominguez, V., Cognie, Y., Roche, A., Fernandez-Arias, A., Marti, J. I., Sanchez, P., Echegoyen, E., Beckers, J. F., Bonastre, A. S. & Vignon, X. (2009) First birth of an animal from an extinct subspecies (Capra pyrenaica pyrenaica) by cloning. Theriogenology, 71, 1026-1034.
  4. Jean Etienne, « Premier clonage – presque – réussi d’un animal disparu », sur www.futura-sciences.com, (consulté le )
  5. (en) Alexandre Robert, Charles Thévenin, Karine Princé, François Sarrazin et Joanne Clavel, « De-extinction and evolution », Functional Ecology, (DOI 10.1111/1365-2435.12723, lire en ligne).
  6. Novak, B. J. De-Extinction, Genes 9, (2018).
  7. Friese, C. & Marris, C. Making De-Extinction Mundane? PLoS Biol. 12, (2014).
  8. (en) Jacob S. Sherkow et Henry T. Greely, « What If Extinction Is Not Forever? », Science, vol. 340, no 6128, , p. 32-33 (lire en ligne)
  9. Bennett, J. et al. Spending limited resources on de-extinction could lead to net biodiversity loss, Nat. Ecol. Evol. 1, 0053 (2017)
  10. Sandler, R. The Ethics of Reviving Long Extinct Species, Conserv. Biol. 28, 354–360 (2014).
  11. Cohen, S. The Ethics of De-Extinction, NanoEthics 8, 165–178 (2014).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) Alexandre Robert, Charles Thévenin, Karine Princé, François Sarrazin et Joanne Clavel, « De-extinction and evolution », Functional Ecology, (DOI 10.1111/1365-2435.12723, lire en ligne).

Liens externes

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