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RĂ©publique napolitaine (1647)

La première République napolitaine est fondée à Naples en à la suite de la révolte populaire initiée par Masaniello et Giulio Genoino contre le régime de la Vice-royauté espagnole. Ce bref épisode qui dura moins d'une année s'inscrit dans le cadre européen de la guerre de Trente Ans et de la rivalité franco-espagnole de cette époque.

Monnaie de bronze frappée par la République de Naples en 1648 avec les lettres « SPQN » (Senatus PopulusQue Neapolitanus).

Histoire

Origines de la révolution

Le chercheur italien Rosario Villari fait remonter les origines de cette république à la révolte de Naples de 1585 au cours de laquelle la foule tua en mai l’élu du peuple, Giovan Vincenzo Starace, accusé de spéculer sur le blé. Quoique réprimé dans le sang, ce soulèvement marqua l’entrée en scène du ceto civile (la bourgeoisie citadine) sur le plan politique ainsi que l’émergence d’un mouvement populaire réformateur[1].

Sur le plan international, Naples se trouve impliquée indirectement dans la guerre de Trente Ans, commencée en 1618 : Madrid réclame à partir de 1630 de plus en plus d'argent, et lève des impôts, qui vont peser sur la Campanie[1]. Quelques années plus tôt, le vice-roi Pedro Téllez-Girón, duc d'Osuna (1574-1624) avait tenté de réformer la situation économique et sociale en s'entourant de conseillers, dont le juriste Giulio Genoino, mais le duc est bientôt renversé par la noblesse.

Au moment des premières émeutes le , Rodriguez Ponce de Léon est le vice-roi.

Soulèvement et enjeux

La création de cette république fut soutenue par le duc Henri II de Guise, descendant du roi René d'Anjou, qui voulait renouer avec les prétentions de sa famille sur le Royaume de Naples. Elle reçut plusieurs noms officiels, tels que République sérénissime du Royaume de Naples, République royale et Monarchie républicaine sérénissime de Naples, noms singuliers qui reflètent la double nature du régime, à la fois républicain et monarchique. Son sceau comportait un écu rouge frappé du sigle S.P.Q.N (Senatus Populusque Neapolitensis), surmonté de la devise Libertas et des armes du duc de Guise.

Le manque de soutien de Mazarin à Henri, désireux de ne pas renforcer la puissance de la maison de Guise, fait avorter cette tentative.

La république est proclamée le par Gennaro Annese, et prit fin le , date de la chute du fort de Nisida et de l'entrée dans la ville des troupes espagnoles.

La révolution napolitaine est un jeu à quatre forces (la monarchie, l’aristocratie, le peuple et les robins, ou ministériales). Pour certains historiens (par exemple Benedetto Croce dans Storia del Regno di Napoli), elle s’est conclue par la victoire de l’État monarchique moderne sur une noblesse rétrograde. D’autres (comme Rosario Villari), y voient la victoire de la noblesse face à une monarchie affaiblie, marquant la faillite définitive de l’État moderne face aux forces féodales. Une autre tendance (Pier Luigi Rovito[2]) présente la magistrature comme vainqueur du conflit, aux dépens des nobles et du vice-roi. Dans cette optique, la révolution de 1647 apparaît comme une « révolution constitutionnelle » analogue à la Fronde, dont les instigateurs sont les Robins, alliés à la monarchie contre la noblesse et le petit peuple.

Chronologie détaillée

1647

Masaniello
  • : RĂ©volte des Napolitains contre l’Espagne Ă  l’occasion de la perception d’une taxe sur les fruits. Le pĂŞcheur d’Amalfi Thomas Aniello, dit Masaniello prend la tĂŞte de la foule. Le vice-roi, le duc d’Arcos, se retire dans la forteresse du Château-Neuf tandis que l’insurrection se rĂ©pand dans la rĂ©gion de Salerne, dans les Pouilles et en Calabre.
  • : Masaniello, jusqu’à ce jour, date de l’entrevue avec le vice roi au Château-Neuf, avait conservĂ© ses haillons de pĂŞcheur. Il revĂŞt alors une « casaque de toile d’argent ». Il se rend au Château-Neuf en compagnie de l’archevĂŞque, le cardinal Ascanio Filomarino et une foule de peuple qui gronde quelque peu. Le duc d’Arcos lui fait mille caresses. L’entrevue dure. Le peuple se fait menaçant pour faire libĂ©rer Masaniello. Le duc d’Arcos, le cardinal et Masaniello paraissent donc au balcon. Acclamations interminables. Masaniello met un doigt sur les lèvres. Silence. Il demande alors Ă  la foule de se retirer. Elle se retire aussitĂ´t.
  • : Masaniello est assassinĂ© sur ordre du vice-roi.
  • : L’arrivĂ©e d’un nouveau vice-roi Ă  Palerme, le cardinal Giangiacomo Teodoro Trivulzio, calme les esprits.
  • : l’armurier Gennaro Annese devient chef des Napolitains. Il proclame la RĂ©publique et la place sous la protection de la France.
  • : Les insurgĂ©s font appel Ă  l’ambassadeur de France Ă  Rome. Les dĂ©putĂ©s napolitains arrivent Ă  Rome et saluent Henri II de Guise le genou Ă  terre. Assaut d’amabilitĂ©, Guise les relève, eux ne veulent pas lui parler autrement. Finalement ils parlent debout. Ils portent une lettre signĂ©e « le peuple de Naples et son royaume ». Ils ont aussi une lettre de Gennaro datĂ©e du « Du palais du royal poste du tourjon des Carmes » et signĂ©e « SA ? GĂ©nĂ©ralissime et chef du très-fidèle peuple de Naples ». Annèse entretient une correspondance secrète avec la France. Guise est appelĂ© comme protecteur de la RĂ©publique. Il dĂ©tient l’autoritĂ© militaire. Mais Annèse considère que l’autoritĂ© civile lui revient. Il refuse de considĂ©rer Guise comme son supĂ©rieur. C’est Ă  cause de cette jalousie qu’Annèse trahit.
  • : Les felouques ont attendu Guise Ă  Fiumicino pendant 7 Ă  8 jours. Les Napolitains menacent de se rendre s’ils ne sont pas secourus par la flotte française avant le samedi . Le vent est enfin favorable. Guise s’embarque. Il entend la messe, se change et paraĂ®t « le collet de buffle sur le corps » ; les abbĂ©s de Saint-Nicolas et de La Feuillade lui font la conduite en carrosse. Nouvelles oraisons. Une trompette sonne devant Guise.
  • : ArrivĂ©e Ă  11 heures du duc Henri II de Guise Ă  Naples oĂą il est proclamĂ© gĂ©nĂ©ralissime des insurgĂ©s et duc de la RĂ©publique napolitaine (). Il cherche l’appui de la noblesse locale et dĂ©daigne l’appui populaire.
  • : Au matin, Guise va entendre la messe aux Carmes. Gennaro prend toujours la droite Ă  Guise. Luigi del Terro s’est couvert d’une perruque de crin de cheval noir. Il marche devant eux en criant : « Vive le peuple, le gĂ©nĂ©ral Gennaro, le duc de Guise ! » Il donne des coups d’épĂ©e et blesse de nombreux spectateurs. Ă€ la sortie, Gennaro et Guise montent Ă  cheval pour dĂ©filer devant la foule. Gennaro est dĂ©sarçonnĂ©. ItinĂ©raire : Place du marchĂ©, la Concherie avec accueil très chaleureux de PĂ©pe Palombe. Guise le fait mestre de camp.
  • : Après huit jours de cohabitation, Guise quitte la maison de Gennaro pour s’installer aux Carmes. Il a dormi dans le propre lit de Gennaro et en sa compagnie. Cela l'incommodait quelque peu.
  • : Gennaro met la main sur un trĂ©sor sacrĂ© des jĂ©suites. Toute une nuit, il tourmente personnellement le portier pour savoir s’il ne cache pas d’autres richesses.
  • 1er dĂ©cembre : sac de Salerne par les forces populaires d'Ippolito da Pastena.
  • : Toujours dans l'expĂ©dition de Naples, attaque d’Averse, avec 3 500 hommes, dont beaucoup de gueux (Lazares) avec comme seule arme un pieu de bois brĂ»lĂ© « Ă  l’extrĂ©mitĂ© ». Le dĂ©part est diffĂ©rĂ© au lendemain. Car Guise anime deux attaques victorieuses sur deux postes de la ville.
  • 15 dĂ©cembre: violente consulta populaire; opposition de Domenico (partisan de Guise) Ă  l'idĂ©e de rĂ©publique dĂ©fendue Antonio Basso.
  • 17 dĂ©cembre : prise d’Aversa par les troupes commandĂ©es par Modène.
  • 18 dĂ©cembre : la flotte française commandĂ©e par le duc de Richelieu devant Naples.
  • 22 dĂ©cembre : combat naval.
  • 23 dĂ©cembre : coup d’État de Guise, proclamĂ© « duce di questa Serenissima Real Repubblica di Napoli » et chef unique de la rĂ©publique ; Ă©chec partiel et refuge de Guise dans la cathĂ©drale face Ă  la mobilisation d’Annese : coup qualifiĂ© de « piccolo 18 brumario » par l’historien Michelangelo Schipa.
  • 24 dĂ©cembre : Ă©lection de Guise comme duc de Naples pour sept annĂ©es et engagement de convoquer un SĂ©nat.

1648

: La reddition de Naples à Don Juan d’Autriche, toile de Carlo Coppola, 1648
  • : Guise capture, grâce Ă  ses espions, le duc de Tursi et son petit-fils, le prince d’Avelle, le secrĂ©taire de Don Juan d’Autriche Ă  l’église Li Patri Luchezi dans le faubourg de Chiaia.
  • : Le jour des rois. Les troupes de Guise ont quelque peu pillĂ© Ă  Averse. Le lendemain des rois, Guise arrive vers 10 heures du matin Ă  Averse. Il est accueilli par le baron de Modène.
  • : 300 mulets arrivent Ă  Naples chargĂ©s de blĂ©. Guise avance au-devant du convoi et, Ă  16 heures, voit dans le ciel une sorte de comète très lumineuse qui tombe et se fragmente en trois morceaux.
  • : Guise va entendre la messe Ă  l’hĂ´pital des incurables (dont son confesseur, le P . Capece, est le recteur). Il a amenĂ© sa musique et est accueilli par « un grand concours de peuple ». Le mĂŞme jour, la galère capitaine de la flotte espagnole se mutine. La galère s’échoue près de Naples. Ses avaries sont trop graves pour la rĂ©cupĂ©rer. Guise avec les forçats turcs dont il ne sait trop quoi faire une excellente compagnie de soldats animĂ©s par une forte haine des Espagnols.
  • : DĂ©part de la flotte espagnole de Naples pour l’Espagne. Elle veut effectuer des rĂ©parations.
  • : Jour de l’attaque gĂ©nĂ©rale, Guise fait sonner l’attaque Ă  la pointe du jour. Les bandits de Paul de Naples après un semblant d’offensive, se cachent Ă  plat ventre derrière un mur. Le chevalier de Forbin leur donne des coups de canne pour les faire avancer. En vain. Il frappe mĂŞme les officiers.
  • : Mort de Cerisantes. Guise : « Il y courut et l’émotion ou quelque nĂ©cessitĂ© pressante l’ayant obligĂ© de mettre chausses bas derrière une muraille, il reçut une mousquetade qui lui emporta l’ongle du gros orteil, oĂą la gangrène se mettant, il mourut trois jours après. »
  • : Don Juan de San-Severine, comte de La Saponare (puis prince de Bisignane) se rallie Ă  Guise.
  • : ArrivĂ©e du Comte d’Ognate dans la garnison espagnole de Naples. Le roi l’a nommĂ© vice-roi ignorant que don Juan l’avait prĂ©cĂ©dĂ© en rĂ©voquant le duc d’Arcos et en se nommant soi-mĂŞme Ă  sa place. Guise espère un conflit entre les deux hommes qui ne se produit pas.
  • : La nuit, Guise a fait creuser dans le plus grand secret une galerie de plus de 1 500 pas qui conduit Ă  la citerne Ă  huile derrière les lignes espagnoles et permet de lancer une attaque par surprise. Mais ils sont dĂ©couverts.
  • : DĂ©couverte de la tentative d’assassinat du duc de Guise, montĂ©e par les Espagnols, par la main de Vincenzo de Andrea. Guise devait ĂŞtre arquebusĂ© par Cicio de Regina, capitaine de rĂ©giment, le au cours de la messe Ă  l’église de l’Annonciade.
  • : Cicio de Regina est traĂ®nĂ© sur une claie jusqu’au MarchĂ©. Comme d’habitude il est pendu par un pied, dĂ©capitĂ© et sa tĂŞte est placĂ©e sur l’épitaphe du MarchĂ©.
  • : Ascanio Filomarino propose Ă  Guise de la part des Espagnols qu’il leur remette le royaume de Naples en Ă©change de la Sardaigne. Refus ironique de Guise.
  • : Guise intercepte un courrier du marquis de Velade, gouverneur de Milan, au comte d'Ognate qui montre que les Espagnols craignent de devoir abandonner Naples et qu’ils s’attendent Ă  une offensive française sur Milan. Guise, content de ces bonnes nouvelles ne veut pas en priver le comte d’Ognate et rend la dĂ©pĂŞche au courrier en l’invitant Ă  terminer sa course.
  • 1er avril : Éclipse Ă  Naples.
  • : Guise reçoit la visite de Cucurulle, le plus grand astrologue d’Italie : les astres annoncent un renversement de fortune en faveur des Espagnols. C’est la raison pour laquelle, Cucurulle est venu voir Guise. Il souhaite qu’on lui dĂ©livre un passeport pour quitter Naples.
  • : Après avoir entendu la messe Ă  Notre Dame des Carmes, et après avoir dĂ®nĂ©, Guise marche avec quatre pièces de canon et 500 ou 600 hommes vers l’île de Nisita. Cette Ă®le est sĂ©parĂ©e de la terre par un bras de mer de deux cents pas. Guise bombarde quelques maisons oĂą se sont retranchĂ©s des mousquetaires espagnols.
  • : Jour des Rameaux. D’abord messe. Guise dĂ©loge d’abord les Espagnols du petit lazaret, un petit rocher entre l’île et la terre ferme qui servait aux quarantaines. Il y met trente mousquetaires. Guiche couche Ă  Pausilippe.
  • : Messe de bonne heure. Les felouques nĂ©cessaires au dĂ©barquement sont arrivĂ©es. Les Espagnols sont « fort incommodĂ©s » par les tirs d’artillerie de Guise. Guise donne enfin l’assaut. Saint-Amour, un cornette a le bras cassĂ© par une mousquetade, il en meurt quatre jours plus tard. L’île est prise. Mais les Espagnols se sont retranchĂ©s dans une tour au centre de l’île. Annèse livre Naples Ă  Don Juan d’Autriche et aux Espagnols. Il remet aux Espagnols les clefs de la Tour des Carmes. Les autres points stratĂ©giques de la ville sont livrĂ©s aux Espagnols. Don Juan transmet presque aussitĂ´t l’autoritĂ© sur la ville au comte d’Onatte. Il oublie encore plus vite la promesse d’amnistie et nomme une junte pour juger les responsables des troubles. Annèse et ses compagnons auront la tĂŞte tranchĂ©e. Henri II de Guise est fait prisonnier par le nouveau vice-roi de Naples, le comte d’Onate. Le mercredi Saint, Poderico propose Ă  Guise - qui accepte - d’entendre les TĂ©nèbres[3]. Lorsque la France envoie une vĂ©ritable flotte (mai), il est trop tard.
  • : En , jour de l’Ascension, Guise s’embarque sur une galère pour l’Espagne. Il sera ensuite traitĂ© durement et restera en Espagne jusqu'au . C'est CondĂ© qui obtiendra sa libĂ©ration.
  • : après un simulacre de procès, Gennaro Annese est exĂ©cutĂ© avec ses compagnons, sa tĂŞte est exposĂ©e aux habitants.

Notes

  1. « Un sogno di libertà. Napoli nel declino di un impero, 1585-1648 by Rosario Villari », critique de Stefano Condorelli, dans Annales. Histoire, Sciences sociales, 69, 2, avril-juin 2014, p. 536-538.
  2. (it) Pier Luigi Rovito, Il viceregno spagnolo di Napoli : ordinamento, istituzioni, culture di governo, Naples, Arte tipografica, (lire en ligne).
  3. En parlant de l'office de la Semaine sainte, on appelle office des Ténèbres les Matines qui se chantent l'après-dînée des trois derniers jours.

Annexes

Bibliographie

  • Giuseppe Donzelli, Partenope liberata o vero Racconto dell'heroica risolutione fatta dal popolo di Napoli per sottrarsi con tutto il Regno dall'insopportabil giogo delli spagnuoli, Naples, 1647, in-4°.
  • L. de Lavergne, « La RĂ©volution de Naples en 1647 », Revue des deux Mondes, tome 1, 1849 — Critique du Sublevacion de Napoles, capitaneada por Mazanielo, estudio historico, d'Angel Saavreda, duc de Rivas, Madrid, Impr. M. Rivadeneyra, 1848.
  • (it) Rosario Villari, Un sogno di libertĂ . Napoli nel declino di un impero, 1585-1648, Milan, Mondadori, 2003, rĂ©Ă©dition 2012, (ISBN 9788804459071).
  • Alain Hugon, Naples insurgĂ©e 1647-1648. De l’évĂ©nement Ă  la mĂ©moire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, (ISBN 9782753513860) — Lire le compte-rendu critique sur Cairn.info.

Articles connexes

Liens externes

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