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Pyridoxine-doxylamine

La pyridoxine-doxylamine (Diclegis sur le marchĂ© amĂ©ricain, anciennement Bendectin aux États‑Unis ; Debendox au R.‑U.; Lenotan et Merbental dans d’autres pays, et actuellement disponible au Canada sous le nom de Diclectin) est une combinaison de chlorhydrate de pyridoxine (vitamine B6) et de succinate de doxylamine. Ce mĂ©dicament est prescrit pour le traitement des nausĂ©es et des vomissements de grossesse ou des nausĂ©es du matin.

Pyridoxine-doxylamine
Identification
Nom UICPA 4,5-bis(hydroxyméthyl)-2-méthylpyridin-3-ol ; acide butanédioique ; N,N-diméthyl-2-(1-phényl-1-pyridin-2-yléthoxy)éthanamine ; Chlorure d'hydrogène
No CAS 99007-20-2
PubChem 163685
SMILES
InChI
Considérations thérapeutiques
Voie d’administration orale

Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire.

Utilisation médicale

La combinaison de pyridoxine, plus communément appelée vitamine B6, et de doxylamine, un antihistaminique, est commercialisée sous le nom de Diclectin au Canada et de Diclegis aux États-Unis et est prescrite pour le traitement des nausées et des vomissements de la grossesse.

Une Ă©tude randomisĂ©e menĂ©e Ă  double insu contrĂ´lĂ©e par l’administration de placebos a dĂ©montrĂ© que la combinaison de 10 mg de pyridoxine et de 10 mg de doxylamine dans un comprimĂ© Ă  libĂ©ration retardĂ©e est efficace pour soulager les symptĂ´mes liĂ©s aux nausĂ©es et aux vomissements de la grossesse[1].

La doxylamine et la pyridoxine sont, Ă  l’heure actuelle, considĂ©rĂ©es comme Ă©tant des mĂ©dicaments compatibles avec la grossesse[2], et cela est validĂ© par l’évaluation de l’innocuitĂ© du produit composite par la Food and Drug Administration (FDA). Le Diclegis (Diclectin) a Ă©tĂ© classĂ© dans la catĂ©gorie A (aucun risque dĂ©montrĂ© pour le fĹ“tus) par la FDA. Ce système de classification alphabĂ©tique des risques pendant la grossesse n’est plus utilisĂ© et est sur le point d'ĂŞtre abandonnĂ© par la FDA[3].

Point de vue des organisations médicales

Aux États-Unis, l'American Congress of Obstetricians and Gynecologists (en) (ACOG) dĂ©clare que l’énoncĂ© selon lequel la prise de vitamine B6 ou de vitamine B6 et de doxylamine est sĂ»re et efficace et devrait ĂŞtre utilisĂ©e comme traitement de première intention repose sur des donnĂ©es scientifiques probantes et cohĂ©rentes[4], et a Ă©tĂ© Ă©valuĂ© par l’Agency for Healthcare Research and Quality (en) du dĂ©partement de la SantĂ© et des Services sociaux des États‑Unis, qui a convenu que la mise en Ĺ“uvre d’une telle recommandation serait avantageuse, car elle se traduirait par une diminution des nausĂ©es et des vomissements de la grossesse[5].

Au Canada, la SociĂ©tĂ© des obstĂ©triciens et gynĂ©cologues du Canada (SOGC) a publiĂ© des directives cliniques sur le traitement des nausĂ©es et des vomissements de la grossesse dans lequel elle dĂ©clare que la « combinaison doxylamine/pyridoxine devrait constituer le traitement de rĂ©fĂ©rence puisque qu’elle a le plus grand nombre de preuves Ă  l'appui de son efficacitĂ© et de sa sĂ©curitĂ©[6]. » Le programme Motherisk, un centre d’information sur la tĂ©ratologie reconnu Ă  l’échelle internationale, situĂ© Ă  l’Hospital for Sick Children de Toronto, a publiĂ© un document faisant le point sur la pratique courante pour le traitement des nausĂ©es et des vomissements de la grossesse. Cet algorithme mis Ă  jour recommande la combinaison de 10 mg de doxylamine et de 10 mg de pyridoxine comme traitement de première intention pour le traitement des nausĂ©es et des vomissements de la grossesse[7].

En 2013, la Food and Drug Administration (FDA) a approuvé Diclectin pour usage aux États-Unis sous le nom de Diclegis. En 2015, Diclectin a également été approuvé en Israël[8].

En , un comité consultatif scientifique de Santé Canada ainsi que la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC) ont passé en revue le vaste ensemble de preuves scientifiques concernant Diclectin et ont réitéré leur pleine confiance en sa sécurité et son efficacité[8].

Innocuité pendant la grossesse

Comme il y a de nombreuses donnĂ©es scientifiques probantes dĂ©montrant que le risque d’avoir un enfant prĂ©sentant des anomalies congĂ©nitales ou de connaĂ®tre d’autres issues dĂ©favorables de la grossesse est le mĂŞme chez les mères qui ont pris de la pyridoxine‑doxylamine pendant la grossesse que celles qui n’ont pas pris cette combinaison de mĂ©dicaments, les deux ingrĂ©dients du mĂ©dicament sont considĂ©rĂ©s comme Ă©tant compatibles avec la grossesse[2] ou classĂ©s dans la catĂ©gorie de mĂ©dicaments A dans l’ancien système de classification des facteurs de risque durant la grossesse[1].

Depuis le milieu des annĂ©es 1950,plus de 33 millions de femmes ont utilisĂ© la combinaison de pyridoxine/doxylamine pendant la grossesse, et des analyses scientifiques ont Ă©tĂ© effectuĂ©es sur plus de 200 000 grossesses exposĂ©es Ă  ce mĂ©dicament afin de dĂ©terminer si cette combinaison est nocive pour le fĹ“tus[1] - [9]. Aucune Ă©tude Ă©pidĂ©miologique n’a dĂ©montrĂ© d’effet tĂ©ratogène[9].

Deux mĂ©ta‑analyses distinctes ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es et visaient Ă  Ă©valuer les rĂ©percussions sur la grossesse de l’utilisation d’une combinaison de pyridoxine et de doxylamine avec ou sans dicyclomine durant le premier trimestre de grossesse[10] - [11]. La première mĂ©ta‑analyse, publiĂ©e en 1988, combinait les donnĂ©es de 12 Ă©tudes de cohorte et de cinq Ă©tudes cas‑tĂ©moin[10], et la deuxième mĂ©ta‑analyse, publiĂ©e en 1994, combinait les donnĂ©es de 16 Ă©tudes de cohorte et de 11 Ă©tudes cas‑tĂ©moin[11]. Ces Ă©tudes regroupaient plus de 200 000 grossesses exposĂ©es au Bendectin, et aucun risque accru de malformations majeures n’a Ă©tĂ© observĂ©[10] - [11]. Des analyses distinctes ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es pour des malformations prĂ©cises, y compris des malformations cardiaques, des malformations des membres (membres plus petits), des becs‑de‑lièvre et des malformations du système gĂ©nital ; aucun risque accru pour ces malformations n’a Ă©tĂ© observĂ©[11].

En 1989, un rapport sur l’innocuitĂ© du mĂ©dicament combinant la pyridoxine-doxylamine aux fins du traitement des NausĂ©es et Vomissements de Grossesse (NVG) a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© par un groupe d’experts canadiens et amĂ©ricains pour le ComitĂ© consultatif sur la physiologie de la reproduction Ă  l’intention de la Direction gĂ©nĂ©rale de la protection de la santĂ© (maintenant appelĂ©e la Direction gĂ©nĂ©rale des produits de santĂ© et des aliments) de SantĂ© Canada[12]. Ces experts scientifiques ont conclu que de nombreuses Ă©tudes sur les animaux et les humains qui ont Ă©tĂ© rapportĂ©es dans la littĂ©rature scientifique et mĂ©dicale ont dĂ©montrĂ© que le Bendectin n’est pas un tĂ©ratogène. L’innocuitĂ© du Bendectin/Diclectin aux fins du traitement des nausĂ©es et des vomissements de la grossesse a Ă©tĂ© Ă©tablie par son utilisation par des milliers de femmes enceintes[12].

Une Ă©tude a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e pour dĂ©terminer si la combinaison de pyridoxine et de doxylamine avait des rĂ©percussions sur le dĂ©veloppement neurologique de l’enfant y Ă©tant exposĂ© dans l’utĂ©rus. Selon les rĂ©sultats de cette Ă©tude, il n’y a aucune diffĂ©rence quant au quotient intellectuel entre les enfants qui ont Ă©tĂ© exposĂ©s Ă  la pyridoxine/doxylamine dans l’utĂ©rus et ceux qui n’y ont pas Ă©tĂ© exposĂ©s[13].

Effets secondaires

La pyridoxine est une vitamine hydrosoluble habituellement considĂ©rĂ©e comme une vitamine n’entraĂ®nant pas d’effets indĂ©sirables[14] - [15].

La réaction indésirable liée à la doxylamine la plus souvent signalée est la somnolence[16]. Les autres réactions indésirables associées au succinate de doxylamine peuvent notamment comprendre des vertiges, de la nervosité, des douleurs épigastriques, des maux de tête, des palpitations, de la diarrhée, une désorientation, de l’irritabilité, des convulsions, une rétention urinaire ou de l’insomnie[15].

Il n’est pas recommandé de prendre de la doxylamine avec d’autres médicaments de la même catégorie, avec des médicaments qui agissent sur le système nerveux central (SNC) ou avec de l’alcool puisque cela peut augmenter le risque d’effets indésirables[15] - [16]. Pour diminuer le risque de certains effets indésirables, la personne qui prend des médicaments de la catégorie des inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) ne devrait pas prendre de la doxylamine. De plus, la personne qui présente certains problèmes médicaux devrait faire preuve de prudence lorsqu’elle utilise de la doxylamine ou même s’abstenir d’en utiliser[15] - [16].

Comme la doxylamine a une masse moléculaire suffisamment petite pour passer dans le lait maternel, les femmes ne devraient pas allaiter si elles utilisent des produits contenant de la doxylamine puisque cela pourrait entraîner des effets indésirables pour l’enfant allaité[15].

Historique

La combinaison de doxylamine et de vitamine B6 a d’abord Ă©tĂ© prĂ©sentĂ©e sur le marchĂ© amĂ©ricain sous le nom de Bendectin, en 1956. Ă€ cette Ă©poque, le Bendectin Ă©tait un mĂ©dicament sur ordonnance composĂ© de trois ingrĂ©dients. Le troisième ingrĂ©dient, la dicyclomine, un anticholinergique/antispasmodique classĂ© dans la catĂ©gorie B du système de classification des risques pendant la grossesse, a Ă©tĂ© retirĂ© de la formule en 1976 en raison de son manque d’efficacitĂ©. Le Bendectin (doxylamine/vitamine B6) a volontairement Ă©tĂ© retirĂ© du marchĂ© en 1983 par son fabricant, Merrell Dow Pharmaceuticals, Ă  la suite de nombreuses poursuites selon lesquelles le mĂ©dicament causait des malformations congĂ©nitales, et ce, mĂŞme si un groupe d’experts de la FDA a conclu qu’aucun lien entre le Bendectin et les malformations congĂ©nitales n’avait Ă©tĂ© Ă©tabli[17]. Dans le cadre de ces poursuites, on allĂ©guait que le Bendectin entraĂ®nait toutes sortes de malformations fĹ“tales et de problèmes connexes, y compris des malformations des membres et d’autres malformations musculosquelettiques, des lĂ©sions faciales et cĂ©rĂ©brales, des anomalies du système respiratoire, gastro-intestinal, cardiovasculaire et gĂ©nito‑urinaire, des maladies du sang et le cancer[17]. Le cas le plus populaire concernant ce mĂ©dicament est l’affaire Daubert c. Merrell Dow (en) en 1993. Cette instance a Ă©tĂ© menĂ©e par le cĂ©lèbre avocat de la dĂ©fense Melvin Belli[18]. Il a plus tard Ă©tĂ© Ă©tabli que le tĂ©moin vedette dans l’affaire contre le mĂ©dicament Bendectin, William McBride (en), avait falsifiĂ© des recherches portant sur les effets tĂ©ratogènes du mĂ©dicament, et il a Ă©tĂ© radiĂ© du registre des mĂ©decins en Australie[19] - [20].

Un examen complet des données probantes présentées dans le cadre des procédures judiciaires relatives au médicament Bendectin a été résumé, et il a été conclu que rien n’indique que l’utilisation clinique du médicament entraîne des anomalies congénitales[21].

En 1999, la FDA a publiĂ© une dĂ©claration[22] oĂą elle rĂ©sumait son opinion Ă  l’égard de l’innocuitĂ© de la pyridoxine‑doxylamine durant la grossesse : « La FDA a dĂ©terminĂ© que le mĂ©dicament Bendectin, un comprimĂ© composĂ© de chlorhydrate de pyridoxine (10 mg) et de succinate de doxylamine (10 mg) pour la prĂ©vention des nausĂ©es de la grossesse n’avait pas Ă©tĂ© retirĂ© du marchĂ© pour des raisons d’innocuitĂ© ou d’efficacitĂ©. »

Le lundi , la FDA a approuvĂ© le retour de la combinaison doxylamine‑pyridoxine sous la nouvelle marque de commerce Diclegis. Le mĂ©dicament est fabriquĂ© par Duchesnay Inc.

Société et culture

L’affaire Bendectin et le retrait subséquent du médicament du marché américain ont entraîné de nombreuses conséquences[23]. D’abord, il y a immédiatement eu une augmentation du taux d’hospitalisation pour des nausées et des vomissements durant la grossesse[24]. Ensuite, cela a créé un manque au chapitre des traitements, c'est‑à‑dire qu’il n’existait plus de médicament reconnu comme étant sécuritaire pouvant être utilisé pour soulager les nausées du matin chez les femmes enceintes aux États‑Unis, une affection qui, dans sa forme la plus grave, communément appelée hyperemesis gravidarum, peut mettre la vie des femmes en danger et les forcer à mettre fin à leur grossesse[25].

L’absence sur le marché d’un médicament sûr et efficace pour le traitement des nausées et des vomissements de la grossesse a mené à l’utilisation d’autres médicaments ayant fait l’objet de moins d’études durant la grossesse[23] - [26] - [27]. Puis, il a été avancé que, à la suite de l’affaire Bendectin, les sociétés pharmaceutiques n’ont plus voulu élaborer de médicaments pour les patientes enceintes[28]. Par conséquent, seuls quelques médicaments ont été approuvés par la FDA pour le traitement d’affections liées à la grossesse au cours des dernières décennies[29]. Enfin, la perception selon laquelle tous les médicaments sont tératogènes s’est répandue chez les femmes enceintes et les professionnels de la santé[30]. La peur non fondée de prendre des médicaments durant la grossesse a forcé de nombreuses femmes à s’abstenir de recevoir le traitement approprié dont elles avaient besoin[30]. Le fait de ne pas traiter des affections médicales durant la grossesse peut entraîner des issues indésirables de la grossesse ou une mortalité accrue chez la mère et le bébé[30]. Une sensibilisation continue des médecins et de la population en général a entraîné des améliorations quant à la perception de l’utilisation de médicaments durant la grossesse; cependant, d’autres progrès sont nécessaires pour qu’on puisse surmonter les effets dévastateurs de la saga Bendectin[21] - [23].

D’un point de vue juridique, l’affaire Daubert c. Merrell Dow Pharmaceuticals (en) de 1993 a établi une nouvelle norme pour l’admission du témoignage d’un expert devant les tribunaux fédéraux en remplacement de la norme Frye (en).

Références

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