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Procès de Prague

Les procès de Prague, ou procès Slánský — du nom du principal accusé —, qui ont eu lieu du 20 novembre 1952 au 27 novembre 1952, ont eu pour objectif d'éliminer des cadres du Parti communiste tchécoslovaque présentés de façon mensongère comme des opposants au régime de la République socialiste tchécoslovaque. Ils sont inspirés des purges staliniennes des années 1930 en URSS, notamment les procès de Moscou.

Procès verbal du procès pénal contre la direction du centre de conspiration antiétatique, qui s'est déroulé devant le Sénat de la Cour d'État de Prague du 20 au 27 novembre 1952.

Cause

En 1951, le président de la République et du Parti communiste tchécoslovaque (KSČ), Klement Gottwald, est confronté à de sérieuses difficultés :

  • un fort mĂ©contentement populaire contre les pĂ©nuries de toutes sortes, notamment alimentaires, et l'absence de libertĂ© ;
  • une rivalitĂ© sous-jacente avec Rudolf SlánskĂ˝, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du KSÄŚ ;
  • une pression de Staline qui « voit des espions partout » et qui exige que le KSÄŚ procède aux mĂŞmes purges que celles qui ont cours en Union soviĂ©tique et dans les autres pays de l'Est, dans le but d'Ă©viter une contagion yougoslave.

Comme dans le complot des blouses blanches, en Union soviétique, qui vise essentiellement des Juifs et qui est concomitant aux procès de Prague, onze des quatorze accusés sont juifs et accusés d'un « complot titiste ».

Mise en Ĺ“uvre

En organisant lui-même une purge qui décapite la direction du Parti, dans le plus pur style stalinien, Klement Gottwald poursuit plusieurs objectifs à la fois :

  • il se dĂ©barrasse d'un rival dangereux, que Staline aurait pu utiliser contre lui ;
  • l'origine juive de 11 des 14 inculpĂ©s permet de trouver des boucs Ă©missaires faciles Ă  dĂ©noncer — il s'agit d’un complot sioniste ourdi par des trafiquants juifs — dans un pays Ă  l’antisĂ©mitisme latent[1] ;
  • Gottwald s'en prend aux anciens de la guerre d'Espagne, soupçonnĂ©s de trotskisme ; ceux-ci, le plus souvent, avaient activement participĂ© Ă  la rĂ©sistance anti-nazie, alors que lui-mĂŞme Ă©tait restĂ© rĂ©fugiĂ© Ă  Moscou, ce qui pouvait entacher sa lĂ©gitimitĂ© rĂ©volutionnaire ;
  • une nouvelle gĂ©nĂ©ration de militants communistes, qui lui doit tout, arrive aux commandes du Parti ;
  • enfin, il se justifie vis-Ă -vis de Staline en montrant qu'il peut frapper Ă  très haut niveau en n'Ă©pargnant personne : tous les condamnĂ©s sont membres du ComitĂ© central ou du Politburo du KSÄŚ, sinon du gouvernement tchĂ©coslovaque.

Les victimes de cette purge sont :

  • Rudolf SlánskĂ˝, secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du Parti communiste tchĂ©coslovaque, condamnĂ© Ă  mort ; exĂ©cutĂ© ;
  • VladimĂ­r Clementis, ministre des Affaires Ă©trangères, condamnĂ© Ă  mort ; exĂ©cutĂ© ;
  • Otto Fischl, vice-ministre des Finances, condamnĂ© Ă  mort ; exĂ©cutĂ© ;
  • Josef Frank, vice-secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral du KSÄŚ, condamnĂ© Ă  mort ; exĂ©cutĂ© ;
  • LudvĂ­k Frejka, chef du comitĂ© de l'Ă©conomie Ă  la chancellerie du prĂ©sident, condamnĂ© Ă  mort ; exĂ©cutĂ© ;
  • BedĹ™ich Geminder, chef de la section internationale du secrĂ©tariat du Parti, condamnĂ© Ă  mort ; exĂ©cutĂ© ;
  • Vavro HajdĹŻ, vice-ministre des Affaires Ă©trangères, condamnĂ© Ă  la prison Ă  vie ;
  • EvĹľen Löbl, vice-ministre aux Affaires commerciales, condamnĂ© Ă  la prison Ă  vie ;
  • Artur London, vice-ministre des Affaires Ă©trangères, condamnĂ© Ă  la prison Ă  vie ;
  • Rudolf Margolius (en), vice-ministre des Affaires commerciales, condamnĂ© Ă  mort ; exĂ©cutĂ© ;
  • BedĹ™ich Reicin (en), vice-ministre Ă  la DĂ©fense nationale, condamnĂ© Ă  mort ; exĂ©cutĂ© ;
  • Otto Katz, dit AndrĂ© Simone, Ă©diteur du journal RudĂ© Pravo, condamnĂ© Ă  mort ; exĂ©cutĂ© ;
  • Otto Ĺ ling (en), secrĂ©taire rĂ©gional du Parti, condamnĂ© Ă  mort ; exĂ©cutĂ© ;
  • Karel Ĺ váb, vice-ministre de la SĂ©curitĂ© d’État, condamnĂ© Ă  mort ; exĂ©cutĂ©.

Les condamnés à mort sont pendus et les corps incinérés. Le fourgon transportant les cendres se trouve bloqué sur la route par la neige, et les occupants dispersent les cendres en bordure de route pour alléger le fourgon.

Gottwald ne survit que très peu de temps à ses victimes : en effet, moins de quatre mois après les exécutions capitales, de retour des funérailles de son inspirateur, le « Petit père des peuples », Gottwald, atteint depuis longtemps de syphilis et souffrant d'alcoolisme — faits tenus cachés —, est victime d’une rupture d’un anévrisme de l'aorte et meurt le 14 mars 1953.

D'autres procès suivront cependant :

  • celui d'Osvald ZávodskĂ˝ (de) , ministre de la SĂ©curitĂ© d’État, arrĂŞtĂ© dès 1951, qui sauvera brièvement sa vie en se faisant l'accusateur de ses camarades et qui sera nĂ©anmoins condamnĂ© Ă  mort lors d'un procès Ă  huis clos le et pendu le .

Film

Les procès de Prague sont à la source de L'Aveu de Costa-Gavras avec Yves Montand et Simone Signoret. Le film est basé sur le livre éponyme d’Artur London, l'un des rares survivants des procès.

Documentaire

En 2021, Ruth Zylberman réalise Le procès - Prague 1952, qui retrace la trajectoire de trois accusés, brisés par un monde qu'ils avaient contribué à édifier. Le documentaire s'appuie entre autres sur les bobines de films que des ouvriers ont retrouvées dans un entrepôt en 2018 et ainsi que sur des témoignages de contemporains.

Notes et références

  1. Laurent Joly, « Michel Dreyfus, L'antisĂ©mitisme Ă  gauche. Histoire d’un paradoxe, de 1830 Ă  nos jours, Paris, La DĂ©couverte, rĂ©Ă©d. augmentĂ©e 2011, 358p., (ISBN 9782707169983) Â», Revue d'histoire moderne et contemporaine, 2011/4 (n° 58-4).

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

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