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Prise de Pando

La prise de Pando (Uruguay) est une opĂ©ration de guĂ©rilla urbaine des Tupamaros (MLN-T) qui eut lieu le , date du deuxième anniversaire de la mort de Che Guevara et du dĂ©mantèlement de la guĂ©rilla de l'ELN. Les Tupamaros avaient choisi la ville de Pando non seulement pour sa proximitĂ© avec la capitale, Montevideo (30 km), mais aussi pour son caractère industriel, ce qui lui donnait une importance bien plus grande que sa faible population (12 000 habitants)[1]. Les Tupamaros eux-mĂŞmes ont dĂ©crit cette opĂ©ration dans Actas Tupamaras (Madrid, RevoluciĂłn, 1972)[2]. L'opĂ©ration elle-mĂŞme, qui eut lieu sous le gouvernement autoritaire de Jorge Pacheco Areco, fut un succès spectaculaire (Ă  l'exception d'un civil tuĂ© par un policier), mais tout dĂ©rapa lors de la retraite : dix-neuf des 49 guĂ©rilleros, dont Fernández Huidobro, furent alors arrĂŞtĂ©s, et trois autres exĂ©cutĂ©s de sang froid.

Daniel Viglietti lors d'un Festival en faveur des travailleurs de canne à sucre (les peludos) à Bella Union, (Artigas). Le guitariste fit une chanson en l'honneur de la prise de Pando, jouée en décembre 1969.

Déroulement de l'opération

Quarante-neuf guĂ©rilleros, appartenant Ă  diffĂ©rentes colonnes des Tupamaros, et coordonnĂ©es par HĂ©ctor Amodio PĂ©rez, ont participĂ© Ă  l'opĂ©ration. Les cadres du MLN, dont RaĂşl Sendic, JosĂ© Mujica, et les chefs de colonnes, Ă©taient en première ligne[1]. La moitiĂ© des Tupamaros Ă©tait dĂ©guisĂ©e en tant que membres d'un pseudo-cortège funĂ©raire : la mise en scène avait Ă©tĂ© conçue par l'auteur de théâtre Mauricio Rosencof, encore dans la lĂ©galitĂ©, et qui deviendra membre du comitĂ© exĂ©cutif du MLN[1]. Vers 13 h, ils mirent des brassards blancs pour se reconnaĂ®tre, et se dirigèrent vers leurs objectifs. Ils s'emparèrent alors de la caserne des pompiers, du commissariat, de la centrale tĂ©lĂ©phonique et de trois banques, desquelles ils sortirent 240 000 dollars[1]. Les policiers furent dĂ©sarmĂ©s, mais quelques imprĂ©vus eurent lieu : après que les communications du central aient Ă©tĂ© coupĂ©es, 200 personnes vinrent se plaindre au central tĂ©lĂ©phonique, et 50 d'entre elles durent ĂŞtre enfermĂ©es[1]. Certains Tupamaros avaient oubliĂ© les chargeurs de rechange de leurs armes, tandis qu'une Tupamara blessa de son arme Ă  feu un compagnon[1]. Par ailleurs, deux policiers qui rĂ©sistèrent en tirant tuèrent un passant ; pensant que c'Ă©tait un membre de la guĂ©rilla, ils le laissèrent perdre son sang sans le soigner[1]. Ă€ part lui, il n'y eut aucun autre mort durant l'opĂ©ration [1].

Une retraite ratée

L'opération dérapa lors de la retraite : pas assez de véhicules avaient été prévus pour s'enfuir, sans compter les pannes intempestives[1], tandis que la police bloquait certaines voies, forçant quelques guérilleros à s'enfuir à travers champs[1]. Dix-neuf Tupamaros furent fait prisonniers, dont Fernández Huidobro, et trois Tupamaros (Jorge Salerno, 24 ans, Alfredo Cultelli, 18 ans, et Ricardo Zabalza, 20 ans, frère de Jorge Zabalza[3]) exécutés après s'être rendus[1]. L'argent, quant à lui, fut récupéré par la police[1].

Conséquences

À plus long terme – mais ni l'opinion publique, ni les Tupamaros ne s'en rendirent compte sur le coup – certains militaires commencèrent à envisager une réplique plus importante vis-à-vis de la guérilla que ce que la police se contentait de faire[1]. À court terme, l'action eut une répercussion importante, et joua comme propagande efficace, amenant beaucoup de jeunes à adhérer aux Tupamaros[1]. Daniel Viglietti fit une chanson jouée dès .

Par ailleurs, l'opĂ©ration inspira la prise de GarĂ­n du , organisĂ©e en Argentine par les Forces armĂ©es rĂ©volutionnaires (FAR), qui devait s'appeler Ă  l'origine « opĂ©ration Pandito Â» en l'honneur des Tupamaros[4].

RĂ©trospectivement, la prise de Pando a pu faire l'objet d'autocritiques de la part de quelques Tupamaros, y compris parmi les plus radicaux, tels que Jorge Zabalza, pour qui il s'agit d'un « pĂ©chĂ© originel Â» qui a conduit les Tupamaros Ă  « affronter Â» directement « les Forces armĂ©es Â» sans avoir constituĂ© un vĂ©ritable mouvement de masse rĂ©volutionnaire[5].

Notes et références

  1. Alain Labrousse (2009), Les Tupamaros. Des armes aux urnes, Paris, Ă©d. du Rocher, p. 45-48
  2. traduit et publié par Régis Debray (Nous les Tupamaros, Maspero, 1972)
  3. Entretien avec Jorge Zabalza, Irma Leites, Bruno Laza et Gabriel Carvajal “Saracho”, CX 36 Radio Centenario, 4 octobre 2004 ; voir aussi autre entretien,
  4. Con el fusil del Che, entretien avec un des dirigeants des FAR, publié dans América Latina en Armas, Ediciones M.A., Buenos Aires, janvier 1971, mis en ligne par Cedema. Il y a deux entretiens, portant le même titre et très similaires, mais avec quelques variations : l'autre a été originellement publié dans Granma, puis republié dans la revue Cristianismo y Revolución, avril 1971
  5. Tupamaros. De las armas a las urnas, entretien avec Jorge Zabalza, 2008

Voir aussi

Liens externes

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