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Première enceinte de Bruxelles

Grâce aux plans et autres documents anciens, ainsi qu’aux vestiges conservés, le tracé des remparts de la première enceinte de Bruxelles est parfaitement connu. D’une longueur de quatre kilomètres, l’enceinte englobe d’une part le premier lieu de développement de la ville, l’île Saint-Géry et le premier port en bord de Senne et d’autre part les collines du Treurenberg avec la première collégiale romane Saints-Michel-et-Gudule (XIe siècle) et du Coudenberg avec le château ducal.

Courtine de Villers (intra-muros).
Cette carte de 1555 montre les fortifications de Bruxelles, dont la première enceinte, plus à l'intérieur.
Plan de la première enceinte à l'intérieur du pentagone.

L’enceinte, construite à l’aide de pierres et de terre, est composée de piliers à section carrée espacés d’environ quatre mètres et reliés entre eux par des arcades enterrées dans un talus et surmonté d’une muraille percée de meurtrières. Une seconde série d’arcades supporte le chemin de ronde protégé par un parapet à créneaux. La défense du mur est complétée par une quarantaine de tours et par un large fossé qui pouvait être inondé dans certaines parties de la ville. L’accès à la ville étant assurés par sept portes principales et cinq guichets secondaires.

Date de construction

Pour le professeur et médiéviste Paul Bonenfant, qui l'a démontré dans une substantielle monographie[1], la première enceinte de Bruxelles remonte aux environs de l'année 1100 et est sûrement antérieure à l'année 1134, date d'un acte dans lequel il est fait mention d'un oratoire extra muros opidi Bruxellensis. D'autres actes de 1138 et 1141 utilisent les mêmes expressions, qui supposent l'existence autour de l'oppidum de Bruxelles d'une limite bien nette[2]. Et ainsi, poursuit-il, il ne paraît pas que l'on puisse échapper à cette conclusion que dès 1134 existait à Bruxelles un rempart ayant le même tracé que cette enceinte[3].

Pour d'autres auteurs, notamment Guillaume Des Marez, dont le professeur Bonenfant estime les thèses[4] erronées, l’époque du commencement de la construction de la première enceinte de Bruxelles est estimée au début du XIIIe siècle[5] sous le règne de Henri Ier de Brabant, comte de Louvain et premier duc de Brabant, mais l’édification a pu s’étaler durant plusieurs décennies.

La thèse d'une construction plus tardive est également soutenue par le professeur Georges Despy, acceptant en cela les travaux de l'archiviste et historienne Mina Martens. Il note que l'enceinte de Bruxelles n'est expressément mentionnée qu'aux environs de 1220-1230.[6].

Il est vrai aussi que la controverse sur la construction plus tardive de la première enceinte de Bruxelles naît surtout de l'interprétation du mot oppidum qui peut avoir deux sens : soit une ville emmuraillée (ce que soutient surtout le professeur Bonenfant pour défendre son opinion, même s'il n'ignore pas la double acception du terme), soit une franchise urbaine peuplée de bourgeois (sens que défend le professeur Des Marez, suivi en cela par Mina Martens et Georges Despy). Il faut cependant noter que le rôle nécessairement militaire d'un oppidum a été démontré par Albert Vermeesch[7], ce qui conforterait la thèse du professeur Bonenfant.

DĂ©saffectation progressive

Très vite, la ville se sent à l’étroit dans ses murailles, des hameaux sont construits hors des murs. Après la mort de Jean III de Brabant (1355) et le conflit de succession qui en résulte, le comte Louis II de Flandre envahit Bruxelles. Grâce à la révolte menée par Éverard t'Serclaes, les Flamands sont chassés et les Brabançons reprennent la ville.

À la suite de cet épisode, il sera décidé la construction de la seconde enceinte de Bruxelles qui agrandira considérablement l’étendue de la cité.

Les deux fortifications ont longtemps coexisté. Le démantèlement de la première enceinte s’étale selon les quartiers du XVIe au XVIIIe siècle.

Principaux vestiges

Malgré les démolitions, les vestiges de la première enceinte ne sont pas insignifiants. Les vestiges montrent que la pierre qui a servi à la construction est[8] sans le moindre doute du grès à nummulites variolaria de la partie inférieure de l'étage wemmelien. Ce grès affleure à mi-côte sur les coteaux à l'ouest de Bruxelles, où se reconnaissent des traces évidentes d'anciennes exploitations notamment au lieu-dit Eyckelenberg[9], à mi-distance entre Berchem-Sainte-Agathe et Dilbeek, à Dilbeek, près du château, au sud de Schepdael, au sud d'Assche, etc.

On compte les éléments de huit tours et d’une bonne dizaine de murailles ainsi que les traces de deux portes. La plupart ont échappé à la pioche grâce à leur intégration au cours du temps dans d’autres constructions en tant que fondations ou murs de maisons ou d’immeubles. Si certains ont été dégagés et sont aujourd’hui visibles de la voie publique, la plupart ne sont pas accessibles.

  • La courtine et la tour de Villers : long tronçon de muraille entre la rue des Alexiens (extra-muros) oĂą il n’est visible que d’une cour d’école, et la rue de Villers oĂą la rangĂ©e de petites maisons qui s’y adossaient ont Ă©tĂ© dĂ©molies. La courtine porte encore les traces de son ancienne intĂ©gration dans les logements, fenĂŞtre percĂ©es ou arches obturĂ©es.
  • La « Tour Noire » : situĂ© derrière l’église Sainte-Catherine. La dĂ©molition de cette partie de l’enceinte date du XVIe siècle lors de l’amĂ©nagement de nouveaux bassins du port de Bruxelles reliĂ©s au canal. La tour, utilisĂ©e comme entrepĂ´t, a Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©e. DĂ©saffectĂ©e, cachĂ©e par de nouvelles constructions, on finit par l’oublier pour la redĂ©couvrir en 1887 Ă  l’occasion de la dĂ©molition du quartier de la Vierge noire. MenacĂ©e de dĂ©molition, le conseil communal de la Ville de Bruxelles, sous l’impulsion des premiers dĂ©fenseurs du patrimoine et du bourgmestre Charles Buls, vota sa restauration. L’architecte de la ville la transforma selon l’idĂ©e que l’on se faisait Ă  l’époque de l’architecture mĂ©diĂ©vale, l’affublant d’une toiture conique surmontĂ©e d’une girouette.
  • La tour d’angle ou « Tour Anneessens » : visible boulevard de l’Empereur, Ă©tait la première tour voisine de la porte qui dĂ©fendait la rue Haute, la Steenpoort qui servit ensuite de prison. Les arcs des fondations sont totalement dĂ©gagĂ©s du sol, ce qui la fait paraĂ®tre plus haute qu’elle n’était Ă  l’époque. Les dĂ©molitions pour la construction de la jonction Nord-Midi l’ont entièrement dĂ©gagĂ©e.
  • La courtine du Treurenberg et la tour du PlĂ©ban : cette partie de l’enceinte qui entourait la collĂ©giale Saints-Michel-et-Gudule est parfaitement conservĂ©e dans les jardins des maisons de la rue du Bois sauvage, derrière la cathĂ©drale. Dans le jardin de la cure, la tour a Ă©tĂ© dĂ©gagĂ©e des murs plus rĂ©cents qui la transformaient en cellier. Les cinq arcades restaurĂ©es sont encore connectĂ©es aux traces de la porte du Treurenberg, dĂ©molie en 1760[10].

Quant au grand pan de mur visible dans le hall d’un hôtel de la rue du Fossé aux Loups, il s’agit en fait d’une reconstruction plus proche de l’attraction touristique que du monument historique.

Références

  1. Paul Bonenfant, Les Premiers Remparts de Bruxelles, Annales de la Société royale d'archéologie de Bruxelles, tome XL, 1936, pages 7 à 47.
  2. Paul Bonenfant, op.cit., p. 32.
  3. Paul Bonenfant, op.cit., p. 35.
  4. Les conclusions de Des Marez n'ont jamais, il est vrai, fait l'objet d'un exposé complet et détaillé, écrit le professeur Bonenfant, op.cit., p. 10.
  5. Guillaume Des Marez, Études inédites, avec préface de Paul Bonenfant, Bruxelles, 1936, page 93 en note 1 : Des raisons, tant générales, inhérentes à l'apparition du système défensif urbain en Belgique, que particulières et propres au développement de Bruxelles, nous ont amené à défendre cette idée qu'aucune enceinte urbaine ne pouvait exister au XIIe siècle. L'enceinte de Bruxelles fut élevée vers 1200, après l'abandon de l'île Saint-Géry par le duc et l'octroi des premières franchises (...).
  6. Georges Despy, Un dossier mystérieux : Les origines de Bruxelles ; in: Bulletin de la Classe des lettres et des sciences morales et politiques, tome 8, no 1-6, 1997. p. 241-303, et spécialement page 287, à lire en ligne : .
  7. Albert Vermeesch, Les oppida en Brabant (1123 - 1355), dans Album E. Lousse, Nauwelaerts, Louvain, s.d., Tome I, p. 31-46.
  8. Paul Bonenfant, op.cit., p. 29, note 76, citant Rutot.
  9. Le long du Ring de Bruxelles, et Ă©galement sous celui-ci, entre les sorties 12 et 13, oĂą se trouvent aujourd'hui l' Eikelenbergstraat et l' Oude Eikelenberg.
  10. Vanessa Lhuillier, Redécouverte de la Porte de Louvain, Le Soir, , p. 7.

Voir aussi

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