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Postnationalisme

Le postnationalisme ou non-nationalisme est le processus ou la tendance selon laquelle les États-nations et des identitĂ©s nationales perdent de leur importance par rapport Ă  des entitĂ©s supranationales et mondiales. Bien que « postnationalisme » ne soit pas strictement antonyme de « nationalisme », les deux termes et leurs hypothĂšses sous-jacentes sont souvent vus comme antithĂ©tiques.

Selon la conception classique Ă©tablie par Ernest Gellner, le principe nationaliste « exige la congruence de l’unitĂ© politique et de l’unitĂ© nationale ». Soit, une nation pour un État, un État pour une nation. Par contre, selon Jean-Marc Ferry, dans le postnationalisme, « le citoyen ne voit plus dans la nation la rĂ©fĂ©rence et l’appartenance politiques ultimes [de telle sorte que] les motifs suprĂȘmes d’adhĂ©sion Ă  une communautĂ© politique ne sont plus ceux de la parentĂ©, de la proximitĂ©, de la filiation, ni mĂȘme les motifs de la nationalitĂ© selon Renan, mais l’adhĂ©sion Ă  des principes universalistes tels qu’ils s’expriment dans les droits de l’homme, l’État constitutionnel, la dĂ©mocratie[1]. »

Le passage du national au postnational est induit par divers facteurs : internationalisation de la production des biens et des services, ainsi que des marchés financiers, importance croissante des autorités supranationales et expansion des normes internationales protégeant les droits de la personne. En outre, les médias et le secteur du divertissement ont une empreinte globale qui favorise la formation d'une culture supranationale. Ce phénomÚne est accentué par les mouvements migratoires qui contribuent à l'expansion de la double citoyenneté et à forger des identités postnationales.

Union européenne

La problĂ©matique postnationale se pose de façon particuliĂšrement aiguĂ« dans l'Union europĂ©enne, oĂč le modĂšle national traditionnel est parfois vu comme antithĂ©tique Ă  la formation d'un sentiment d'appartenance europĂ©enne. Selon Jean-Marc Ferry, cette opposition peut ĂȘtre surmontĂ©e Ă  condition que les pays membres soient rĂ©gis par « un cadre juridique unifiĂ© de principes et de rĂšgles homogĂšnes » et qu'ils partagent une culture politique commune « offrant une mĂ©diation entre l’unitĂ© du cadre juridique et la pluralitĂ© des cultures nationales[1]. »

Dans les sports

Le passage à une identité postnationale est évident dans le sport professionnel. Ainsi, le Championnat d'Europe de football 2008 est, selon Simon Kuper, le premier championnat postnational parce que pour les joueurs et les supporters, la célébration du sport était plus importante que les rivalités nationales[2].

Par ailleurs, comme les équipes nationales cherchent à engager les meilleurs joueurs, elles sont amenées à recruter des entraßneurs et des joueurs en dehors de leurs frontiÚres et ceux-ci acquiÚrent normalement la citoyenneté aprÚs quelques années de séjour.

Il n'en va cependant pas toujours ainsi. Lors de la Coupe du monde de football 2022, afin de se conformer aux rÚgles de la FIFA exigeant que tous les joueurs aient la nationalité du pays pour lequel ils jouent, le Qatar a accordé à ses joueurs étrangers une citoyenneté d'une classe spéciale, qui n'est pas permanente et ne leur donne aucun des bénéfices dont jouissent les citoyens qataris[3].

Critique

Si la perspective d'un dépassement des identités nationales au profit d'un ordre mondial était assez bien accueillie dans les années 1990, elle a été démentie par l'histoire récente du XXIe siÚcle qui a vu s'ériger des barriÚres à l'immigration et la montée des régimes autoritaires et de la xénophobie. L'attachement à une identité nationale reste trÚs fort[4].

Selon l'historien et essayiste Pankaj Mishra, le point de rupture se serait manifestĂ© vers 2015 avec le Brexit et l'Ă©lection de Trump : « Donald Trump a fait surgir sur le devant de la scĂšne les nationalistes blancs enragĂ©s d’avoir Ă©tĂ© dupĂ©s par des libĂ©raux mondialisĂ©s[5]. »

DĂšs lors, comme le note le sociologue et historien GĂ©rard Bouchard, « le cadre national comme lieu dĂ©mocratique [a] encore bien des annĂ©es devant lui. Reposant sur un fond de rĂȘves, de mĂ©moire et de solidaritĂ© Ă©laborĂ© dans une longue durĂ©e et aguerri par les Ă©preuves, il sera difficile Ă  remplacer. » Bouchard estime cependant que le dĂ©passement de l'État-nation et de ses limites pourrait venir de « la prise de conscience de plus en plus vive des citoyens et des citoyennes, les pressions fermes, agressives mĂȘme sur les dĂ©cideurs au grĂ© d’engagements persistants et conjuguĂ©s Ă  l’échelle planĂ©taire, motivĂ©s par l’impatience et l’inquiĂ©tude croissante[6]. »

Bibliographie

  • (en) Irene Bloemraad, « Who Claims Dual Citizenship? The Limits of Postnationalism, the Possibilities of Transnationalism, and the Persistence of Traditional Citizenship », International Migration Review, vol. 38-2,‎ .
  • GĂ©rard Bouchard, « L’«ordre» mondial et l’État-nation », Le Devoir,‎ (lire en ligne).
  • Jean-Marc Ferry, « IdentitĂ© postnationale et identitĂ© reconstructive », Revue Toudi,‎ (lire en ligne).
  • Thomas Friedman (trad. Laurent Bury), La Terre est plate. Une brĂšve histoire du XXIe siĂšcle, Paris, Perrin, .
  • JĂŒrgen Habermas, AprĂšs l'État-nation : une nouvelle constellation politique, Fayard, .
  • (en) Ruud Koopmans et Paul Statham, « Challenging the Liberal Nation‐State? Postnationalism, Multiculturalism, and the Collective Claims Making of Migrants and Ethnic Minorities in Britain and Germany », American Journal of Sociology, vol. 105-3,‎ , p. 652–96.
  • (ne) Simon Kuper, « Steeds Liever », Vrij Nederland,‎ , p. 24.
  • Pankaj Mishra (trad. Zulma), L'Ăąge de la colĂšre, Zulma, 2019 (2017).

Notes et références

  1. Ferry 1998.
  2. Kuper 2008.
  3. (en) Joseph Burton, « Team Qatar Wanted Immigrant Players—Not Citizens », Foreign Policy,‎ (lire en ligne)
  4. Bloemraad 2004.
  5. Pankaj Mishra 2017, p. 97.
  6. Bouchard 2022.
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