Photobiomodulation
La photobiomodulation (parfois appelĂ©e thĂ©rapie par laser de faible Ă©nergie (LLLT)) est le processus par lequel des chromophores absorbent sĂ©lectivement les longueurs dâonde de basse Ă©nergie et engendrent des phĂ©nomĂšnes de signalisations cellulaires Ă lâorigine de synthĂšses biologiques majeures[1]. La photobiomodulation (PBM) a une action sur le mĂ©tabolisme cellulaire de nos tissus comparable Ă la photosynthĂšse des cellules vĂ©gĂ©tales. LâĂ©nergie lumineuse est transfĂ©rĂ©e aux diffĂ©rents organes de nos cellules pour stimuler les fonctions mĂ©taboliques qui produisent plusieurs effets cliniques remarquables comme les effets antalgiques et anti-inflammatoires ou les effets de cicatrisation[2]. GrĂące Ă ses propriĂ©tĂ©s stimulantes confirmĂ©es au cours des trois derniĂšres dĂ©cennies par de nombreuses Ă©tudes, la PBM sâest aujourdâhui Ă©tendue Ă de nombreux domaines de la mĂ©decine, tels que lâendocrinologie, la neurochirurgie, la dermatologie et la dentisterie notamment. Ce type de photothĂ©rapie comprend une large gamme de sources de lumiĂšre non ionisantes telles que le laser, les LED et la lumiĂšre visible Ă large bande dans le spectre visible et proche infrarouge Ă des doses non thermiques.
Historique
La premiĂšre rĂ©fĂ©rence Ă la LLLT date de lâannĂ©e 1967. Endre Mester, un mĂ©decin exerçant Ă Budapest en Hongrie, a dĂ©couvert que les souris traitĂ©es avec des lasers au cours d'expĂ©riences conçues pour Ă©tudier les effets cancĂ©rigĂšnes potentiels de l'exposition au laser faisaient repousser les cheveux rasĂ©s deux fois moins longtemps que les souris non rayonnĂ©es. La LLLT a permis de stimuler la croissance des cheveux[3].
En 1994, la World Association of Laser Therapy (WALT)[4] est crĂ©Ă©e Ă Barcelone. Elle devient le principal organisme mondial de promotion de la recherche, de l'Ă©ducation et des applications cliniques dans le domaine de la photothĂ©rapie avec des lasers et d'autres sources de lumiĂšre. Lâassociation sâest formĂ©e dans le but de « stimuler la recherche de haute qualitĂ© en PBM, offrir des conseils, une Ă©ducation et des normes fondĂ©s sur des preuves pour les meilleures pratiques en matiĂšre de thĂ©rapie laser de bas niveau et contribuer Ă la promotion de la santĂ© et de la qualitĂ© de vie. RenĂ©-Jean Bensadoun, oncologue-radiothĂ©rapeute en est lâactuel prĂ©sident.
Ces dĂ©couvertes dĂšs les annĂ©es 1950, qui mettent en lumiĂšre les effets que peut avoir la lumiĂšre sur le mĂ©tabolisme cellulaire, ainsi que lâinstitutionnalisation Ă travers la crĂ©ation de lâorganisation WALT en 1994 ont permis Ă la PBM de se faire une place. Pourtant, si cette derniĂšre connaĂźt un essor dĂšs les annĂ©es 2000, elle subit un certain scepticisme du milieu mĂ©dical.
Lâutilisation de la PBM pour des amĂ©liorations cosmĂ©tiques et esthĂ©tiques tend aussi Ă se dĂ©mocratiser, notamment outre-Atlantique, oĂč la stimulation de la repousse des cheveux ainsi que lâamĂ©lioration des rides du visage sont des usages courants et recourus par des stars telles que Madonna ou Britney Spears, qui contribuent Ă son rayonnement[5].
Fonctionnement
La recherche est en cours sur les mécanismes de la PBM. Ses effets semblent limités à certaines gammes de fréquence de la lumiÚre laser[6], et administrer cette thérapie au-delà d'une certaine dose ne semble pas avoir d'effet[7].
Les rĂ©actions photochimiques sont bien connues en recherche biomĂ©dicale, et la PBM utilise la premiĂšre loi de la photochimie (loi de Grotthuss-Draper) : la lumiĂšre doit ĂȘtre absorbĂ©e par une substance chimique afin qu'une rĂ©action photochimique survienne.
La théorie généralement acceptée est que pour la PBM, cette substance chimique est l'enzyme respiratoire cytochrome c oxydase impliquée dans la chaßne de transport d'électrons dans les mitochondries[8] - [9].
Explication détaillée
La mitochondrie a une fonction vitale : la respiration cellulaire. Câest lĂ que le glucose achĂšve son mĂ©tabolisme en rencontrant lâoxygĂšne apportĂ© par les globules rouges. Cette rencontre permet Ă la cellule de produire une molĂ©cule qui constitue son rĂ©servoir Ă©nergĂ©tique. Cette molĂ©cule, câest lâadĂ©nosine triphosphate, ou ATP. Ce mĂ©tabolisme du glucose va permettre Ă des protons et Ă des Ă©lectrons de se dĂ©placer en produisant de lâeau et de lâATP. Pour permettre aux courants Ă©lectriques de se dĂ©placer, la cellule utilise une chaĂźne de molĂ©cules, et parmi celles-ci, on trouve une protĂ©ine bien particuliĂšre : le cytochrome c oxydase. Son rĂŽle est capital : si elle ne reçoit pas sous forme dâĂ©lectrons lâĂ©nergie qui vient du glucose, la cellule sâarrĂȘte de fonctionner aprĂšs avoir vidĂ© ses rĂ©serves dâATP[10]. En effet, la synthĂšse de lâATP serait impossible si une grosse molĂ©cule de protĂ©ine ne lui apportait pas du courant Ă©lectrique, commandant en quelque sorte tout le processus. Or cette protĂ©ine, la cytochrome c oxydase, qui contient du fer et du cuivre, est hypersensible Ă la lumiĂšre rouge et infrarouge : dĂšs quâun photon la touche, elle donne lâordre de fabriquer de lâATP et la cellule repart et fonctionne de plus belle[11].
Quel est le rĂŽle de la lumiĂšre dans tout cela ? Lorsquâun rayonnement lumineux visible, plus particuliĂšrement les frĂ©quences qui vont du rouge au proche infrarouge, touche cette grosse molĂ©cule, cette derniĂšre va se mettre Ă fonctionner, Ă donner lâordre de fabriquer de lâATP. Pourquoi ? Parce qu'elle contient du cuivre et du fer, et que câest au niveau de ces atomes que la lumiĂšre va ĂȘtre absorbĂ©e en cĂ©dant son Ă©nergie. La lumiĂšre produit donc un effet immĂ©diat : activer la protĂ©ine et dĂ©livrer de lâĂ©nergie Ă la cellule[10].
Ce schĂ©ma illustre le mĂ©canisme de PBM dans les longueurs d'onde proches de lâinfrarouge (630-1 000 nm). La lumiĂšre cible l'enzyme mitochondriale « cytochrome c oxydase », ce qui entraĂźne une stimulation directe dans la respiration mitochondriale et la dissociation de l'oxyde nitrique, augmentant ainsi indirectement la respiration mitochondriale. Ces processus entraĂźnent notamment une Ă©lĂ©vation de l'ATP, ce qui a un impact sur les voies de signalisation en aval, dĂ©clenchant l'augmentation des processus anti-inflammatoires, la synthĂšse des protĂ©ines, la production de protĂ©ines anti-apoptotiques, la rĂ©paration/ mĂ©tabolisme/prolifĂ©ration/migration cellulaire et les antioxydants[12].
Dans la pratique
Deux types dâappareils peuvent ĂȘtre utilisĂ©s dans le cadre de la PBM. Dâune part, les LLLT, qui sont les appareils lasers basse Ă©nergie utilisĂ©s en PBM, et dâautre part les LED, qui sont les appareils utilisant cette technologie en PBM. La dĂ©nomination LLLI dĂ©signe tout appareil dĂ©livrant une illumination basse Ă©nergie, quâelle soit basĂ©e sur les LED, les LLLT ou les deux associĂ©s[1]. Les appareils sont trĂšs rĂ©glementĂ©s et doivent correspondre Ă la norme mĂ©dicale ISO 13485.
LâATP38 est une technologie mĂ©dicale employĂ©e dans le domaine, notamment utilisĂ©e par le prĂ©sident de la WALT, RenĂ©-Jean Bensadoun. Son nom fait rĂ©fĂ©rence au rendement Ă©nergĂ©tique de la respiration cellulaire : chaque molĂ©cule de glucose entiĂšrement oxydĂ©e par la respiration cellulaire est susceptible de produire 38 molĂ©cules d'ATP. LâATP38 utilise le principe de la PBM, et exploite les bĂ©nĂ©fices de la lumiĂšre qui est composĂ©e de petites particules quâon appelle les photons. Les photons agissent sur la fabrication de lâĂ©nergie nĂ©cessaire au fonctionnement des cellules. Lâappareil est composĂ© dâune tablette sur laquelle lâordinateur portable possĂ©dant le logiciel de pilotage est posĂ©. Cette tablette est reliĂ©e Ă 3 Ă©crans LEDs via un bras articulĂ© permettant dâajuster au mieux la position des panneaux lumineux par rapport au visage du patient. Ces 3 Ă©crans en aluminium sont composĂ©s de semi-conducteurs polychromatiques collimatĂ©s (SCPC) qui Ă©mettent la lumiĂšre sans aucune hausse de tempĂ©rature puisquâil sâagit dâathermothĂ©rapie[13]. GrĂące Ă ces panneaux, le praticien peut piloter les longueurs dâonde Ă lâaide du logiciel. Lâutilisation de ces longueurs dâonde correspondent Ă un champ dâaction bien prĂ©cis et une pathologie bien dĂ©finie. LâĂ©nergie transportĂ©e par ce rayonnement (photons) a un effet stimulant sur lâATP[14]. LâefficacitĂ© de la PBM sur le tissu ciblĂ© dĂ©pend des paramĂštres tels que la source de lumiĂšre, la longueur dâonde, la durĂ©e dâapplication de la lumiĂšre sur le tissu[15].
Chaque dosage de longueurs dâonde sâadapte Ă un type dâapplication. La dosimĂ©trie relĂšve dâune importance capitale dans la rĂ©ussite dâun traitement. En effet, bien que la plupart des Ă©tudes aient dĂ©montrĂ© lâefficacitĂ© de la PBM dans la rĂ©paration des tissus affectĂ©s Ă la fois de maniĂšre aiguĂ« et chronique, toutes les Ă©tudes sur la PBM n'ont pas donnĂ© des rĂ©sultats positifs. Ces rĂ©sultats divergents peuvent ĂȘtre attribuĂ©s Ă plusieurs facteurs, le plus important Ă©tant la dosimĂ©trie[16].
Spectre
En ce qui concerne les longueurs dâonde, la PBM utilise principalement des longueurs dâonde au sein dâune fenĂȘtre de lumiĂšre, entre 630 et 1 000 nm. La pĂ©nĂ©tration tissulaire est maximisĂ©e dans la plage IR. La NASA a rĂ©ussi Ă dĂ©montrer quâun rayon de 940 nm peut pĂ©nĂ©trer la peau jusquâĂ 23 centimĂštres[17]. Les longueurs dâonde courtes (lumiĂšre bleue, verte et jaune) sont prĂ©fĂ©rĂ©es pour le traitement des tissus superficiels, tandis que les longueurs dâonde plus longues sont choisies pour les tissus plus profonds en raison de leur pĂ©nĂ©tration plus profonde dans les tissus. La lumiĂšre IR peut en effet pĂ©nĂ©trer jusquâĂ 4-5 cm de profondeur (au maximum 23), comparativement Ă 5-10 mm pour la lumiĂšre rouge.
Lâutilisation de ces longueurs dâonde correspondent Ă un champ dâaction bien prĂ©cis et une pathologie bien dĂ©finie, tel que le dĂ©montre lâimage Ă gauche. On voit sur l'image de gauche que la longueur dâonde du bleu agira sur lâĂ©piderme, alors que la longueur dâonde du rouge atteindra le derme et sera donc prĂ©fĂ©rĂ©e dans le cas dâune blessure plus profonde par exemple.
Notes et références
- Christine Noé, Photobiomodulation en dermatologie, Comprendre et utiliser les LED, DOIN, , 8 p. (ISBN 9782704014163)
- Hubert Guillemant, « LS », n°76,â
- (en) « The Growth of Human Scalp Hair Mediated by Visible Red Light Laser and LED Sources in Males », Lasers in Surgery and Medicine 45,â , p. 487â495
- « WALT », sur waltza.co.za (consulté le )
- (en-US) « What beauty treatments do celebrities use? », sur Victorian Cosmetic Dermal Clinics, (consulté le )
- J. M. Bjordal, R. A. Lopes-Martins, J. . Joensen, C. . Couppe, A. E. Ljunggren, A. . Stergioulas et M. I. Johnson, « A systematic review with procedural assessments and meta-analysis of Low Level Laser Therapy in lateral elbow tendinopathy (tennis elbow) », BMC Musculoskeletal Disorders, vol. 9,â , p. 75 (PMID 18510742, PMCID 2442599, DOI 10.1186/1471-2474-9-75)
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Liens externes
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