Perte sĂšche
La perte sĂšche (deadweight loss en anglais) est une notion d'Ă©conomie qui fait rĂ©fĂ©rence Ă une perte d'efficience Ă©conomique lorsque l'Ă©quilibre pour un bien ou un service sur un marchĂ© n'est pas optimal au sens de Pareto. En d'autres termes, soit des agents qui ont une utilitĂ© marginale supĂ©rieure Ă leur coĂ»t marginal n'achĂštent pas un bien ou un service, soit des agents qui auraient Ă l'Ă©quilibre un coĂ»t marginal supĂ©rieur Ă leur utilitĂ© marginale achĂštent ou vendent quand mĂȘme un bien. Par consĂ©quent, le surplus du producteur diminue, tandis que celui du consommateur est Ă©galement affectĂ©, mais positivement ou nĂ©gativement, selon les situations.
La perte sÚche est une caractéristique de certains marchés économiques, en particulier dans des situations de concurrence monopolistique, d'externalités, de taxes ou de subventions gouvernementales.
Exemples
Par exemple, considĂ©rons un marchĂ© de clous, oĂč le prix de chaque clou est de 10 centimes, et oĂč la courbe de demande est telle que la demande est Ă©levĂ©e pour un prix des clous nul, et nulle pour un prix de 1,10 euro. Dans un marchĂ© de concurrence pure et parfaite, les producteurs, Ă©galisant le prix du marchĂ© Ă leur coĂ»t marginal devraient appliquer un tarif de 10 centimes. Ainsi, tous les consommateurs prĂȘts Ă payer un prix Ă©gal ou supĂ©rieur Ă dix centimes pourraient acquĂ©rir un clou au prix de dix centimes. Cependant, s'il n'y a qu'un unique producteur de clous sur le marchĂ©, (situation de monopole), il imposera un prix lui permettant de maximiser son profit : l'Ă©galitĂ© entre le prix du marchĂ© et le coĂ»t marginal n'est donc dĂšs lors plus rĂ©alisĂ©e. Par exemple, s'il impose un prix de 30 centimes, seuls les consommateurs qui avaient prĂ©vu de dĂ©penser une somme de 30 centimes ou plus vont acquĂ©rir un clou : par consĂ©quent, il y aura vraisemblablement moins d'acheteurs que pour un prix de 10 centimes. La perte sĂšche correspond alors au profit Ă©conomique qui est perdu du fait de cette situation.
à l'inverse, la perte sÚche peut aussi bien venir des consommateurs, qui acquiÚrent un bien à un prix inférieur à son coût marginal. Pour illustrer cette situation, on peut reprendre l'exemple du marché de clous étudié précédemment. Cependant, on se place cette fois-ci dans une situation de concurrence pure et parfaite, en supposant que le gouvernement subventionne la production de clous à hauteur de 3 centimes le clou. Dans ce cas, et d'aprÚs le mécanisme du marché, le prix d'un clou sera de 7 centimes. Ainsi, des consommateurs pourront acquérir un clou d'une valeur réelle de 10 centimes pour la somme de 7 centimes. La perte sÚche tient ainsi cette fois-ci à cette dépense inattendue, qui tient aux subventions gouvernementales.
Perte sĂšche en cas de fixation des prix
Il arrive que le gouvernement intervienne dans la fixation des prix de certains biens. Par exemple, il peut fixer le prix du lait au-dessus de la valeur qui Ă©galise lâoffre et la demande afin de garantir un revenu minimum aux agriculteurs. Parfois il fixe un prix du pain ou de lâessence en dessous de la valeur dâĂ©quilibre afin de protĂ©ger les consommateurs dâune hausse trop brusque des prix. Toutes ces interventions conduisent Ă des pertes dâefficience Ă©conomique.
Prenons le cas dâun prix fixĂ© en dessous de la valeur dâĂ©quilibre. A lâĂ©quilibre, le surplus du consommateur est la surface entre le prix dâĂ©quilibre et la courbe de demande. Le surplus du producteur est la surface entre la courbe dâoffre et le prix dâĂ©quilibre. Si le prix est fixĂ© en dessous de la valeur dâĂ©quilibre, le surplus du consommateur est la surface orange et celui du producteur la surface bleue. En additionnant la perte et le gain Ă©ventuel de surplus, on observe quâil reste une perte nette, par rapport au cas dâĂ©quilibre. Cette perte de bien due Ă la fixation du prix est appelĂ©e une perte sĂšche. Elle est reprĂ©sentĂ©e par la surface jaune.
La perte sĂšche dâune taxe
Si le gouvernement introduit une taxe sur la vente dâun produit, la perte sĂšche peut ĂȘtre calculĂ©e de la maniĂšre suivante. Selon la thĂ©orie du consommateur, les demandes des biens dĂ©pendent des prix et du revenu. Soit le revenu et le vecteur des prix. La taxe fait augmenter les prix de Ă et le vecteur des demandes sera . La perte sĂšche est alors :
oĂč est lâutilitĂ© du consommateur aprĂšs la hausse des prix et sous la contrainte est la fonction de coĂ»t ou de dĂ©pense (voir surplus du consommateur).
Bibliographie
- Auerbach A, âThe Theory of Excess Burden and Optimal Taxationâ in Handbook of Public Economics, vol. I, ed. by A. Auerbach and M. Feldstein, Amsterdam, 1985
- Hausman J. and W.K. Newey, âNonparametric Estimation of Exact Consumers Surplus and Deadweight Lossâ, Econometrica, vol. 63, 1995, pp. 1445-1476
- Hines J.R., âThree sides of Harberger Triangleâ, Journal of Economic Perspectives, vol. 13, 1999, pp. 167-188