Patronymes des anciens esclaves de la Guadeloupe
Les patronymes des anciens esclaves de la Guadeloupe ont été essentiellement choisis après la seconde abolition de l'esclavage de 1848. Ces patronymes ont été attribués aux esclaves de la Guadeloupe lorsqu'ils sont devenus affranchis, par initiative individuelle ou après la fin définitive de l'esclavage.
Avant 1848
Si le Code noir exige des maîtres qu'ils baptisent leurs esclaves, ceux-ci sont considérés comme des biens meubles. Ils portent le « nom » que leurs propriétaires leur attribuent après l'achat, et sont marqués au fer des initiales de l'acquéreur à l'aide d'une estampille[1]. Les esclaves n'ont pas d'état civil[2]. Les appellations attribuées ne sont pas des noms de famille : elles ne se transmettent pas aux descendants[3].
Une ordonnance du impose que les esclaves portent un numéro matricule, et soient déclarés et enregistrés par leurs propriétaires sur des registres matricules d’esclaves, qui sont établis dans chaque commune. Un numéro ou un surnom peut être attribué aux esclaves dans des cas d'homonymie. Cette ordonnance précise également que les affranchis devront se voir attribuer un nom patronymique et un prénom, excluant « des noms patronymiques connus pour appartenir à une famille existante, à moins du consentement exprès et par écrit de tous les membres de cette famille », et disposant que « seront seuls reçus comme prénoms, sur les registres de l’état civil, les noms en usage dans le calendrier grégorien et ceux des personnages connus dans l'histoire ancienne »[2].
Après 1848
Le est définitivement aboli l'esclavage en Guadeloupe par le gouverneur Marie Jean-François Layrle. Conformément aux instructions de la Commission pour l'abolition de l'esclavage, présidée par Victor Schœlcher, sont établis des « registres des nouveaux libres », pour recenser les patronymes attribués aux nouveaux affranchis, selon « un système de noms variés à l’infini par interversion des lettres de certains mots pris au hasard ». Supervisée par des officiers d'état civil, l'opération commence en aux Abymes et se termine en à Sainte-Rose, alors qu'elle ne devait durer que quelques mois. Elle concerne 87 752 Guadeloupéens sur une population totale de 129 109 habitants[3].
Dans la pratique, le choix du patronyme est à l'initiative de l'officier d'état civil. Un certain nombre de noms sont choisis pour être « saugrenus ou dégradants »[3] - [4].
Action mémorielle
Le , à la veille de la commémoration de la fin de l'esclavage, le conseil régional de la Guadeloupe et le Comité marche du publient un site web, anchoukaj.org[5], « premier site qui répertorie les patronymes attribués aux esclaves au moment de l'abolition »[6].
Le , une stèle d'hommage aux esclaves est installée à Saint-Denis, en présence des ministres Victorin Lurel et George Pau-Langevin. Elle comporte « 213 prénoms, matricules d’esclaves et patronymes attribués aux nouveaux libres de la Guadeloupe et de la Martinique après l’abolition de 1848 »[7].
Références
- Gérard Thélier, Le Grand Livre de l'esclavage, des résistances et de l'abolition, Chevagny-sur-Guye, Orphie, , 158 p. (ISBN 978-2-87763-056-6 et 2-87763-056-0), « Le débarquement et la vente », p. 47.
- Gordien 2013.
- « La nomination des Guadeloupéens après l’abolition de l’esclavage », sur anchoukaj.org (consulté le ).
- Anton Vos, « Esclavage : Les noms de la honte », Campus, Université de Genève, no 92,‎ , p. 32-33 (lire en ligne [PDF], consulté le ).
- « anchoukaj.org »
- Nathalie Calimia-Dinane, « Anchoukaj.org pour tout savoir sur les noms de nos aïeux », France-Antilles, (consulté le ).
- « 213 noms sur une stèle à Saint-Denis », Le Parisien, (consulté le ).
Annexes
Bibliographie
- Emmanuel Gordien, « Les patronymes attribués aux anciens esclaves des colonies françaises », In Situ, no 20,‎ (DOI 10.4000/insitu.10129).
- Non an Nou : Le livre des noms de familles guadeloupéennes, éditions Jasor, coll. « Lanmèkannfènèg », , 352 p. (ISBN 978-2-912594-79-2).
- Philippe Rossignol et Bernadette Rossignol, « 1848 : la dernière grande entreprise d’attribution de patronymes. L’exemple de la Guadeloupe. », dans Écrire le nom : les noms de personnes dans l’histoire et dans les lieux. : Actes du 134e Congrès national des sociétés historiques et scientifiques, « Célèbres ou obscurs : hommes et femmes dans leurs territoires et leur histoire », Bordeaux, 2009., Paris, Éditions du CHTS, (lire en ligne), p. 56-71Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, 134-2.
- Philippe Chanson, La blessure du nom : Une anthropologie d'une séquelle de l'esclavage aux Antilles-Guyane, Academia-Bruylant, , 154 p. (ISBN 978-2-87209-860-6, lire en ligne).