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Passions de C.P.E. Bach

En tant que Director Musices Ă   Hambourg de 1768 Ă  1788Carl Philipp Emanuel Bach a composĂ© vingt-et-une passions, auxquelles s’ajoute une cantate sacrĂ©e.

C. P. E. Bach en 1760.

Il a Ă©tĂ© le dernier compositeur de la pĂ©riode « Oratorio Passion » hambourgeoise,  inaugurĂ©e en 1643  par Thomas Selle, Ă  laquelle a succĂ©dĂ©, Ă  partir de 1789 , celle de la « Passion Oratorio ».

Aucune des vingt-et-une n’est une œuvre originale. Il s’agit de pasticcios, que C.P.E Bach a composés à partir d’emprunts, soit à lui-même, soit à son père, à Georg Philipp Telemann ou d’autres compositeurs, tant pour les livrets que pour la musique.

Les Passions étaient interprétées durant le Carême, successivement dans les cinq principales églises de Hambourg. L’évangile de l’année était choisi en fonction d’un cycle rotatif établi dès le XVIIe siècle, soit dans l’ordre suivant : Matthieu, Marc, Luc et Jean.

Elles Ă©taient imprimĂ©es chaque annĂ©e, sous  forme de livrets destinĂ©s Ă  la vente,  mais elles n’ont jamais Ă©tĂ© publiĂ©es du vivant de Bach.

Tous les manuscrits, conservés à l’Académie de chant de Berlin, ont été imprimés et numérisés en 1999 par le Packard Humanities Institute.

De nos jours, les Passions de C.P.E Bach sont rarement interprétées.

  Historique

Carl Philipp Emanuel Bach a occupĂ© le poste de Director Musices Ă  Hambourg de 1768 Ă  1788, annĂ©e de sa mort.  Durant cette pĂ©riode, il a composĂ© vingt-et-une passions et la cantate sacrĂ©e Die letzten Leiden des Erlösers (Les ultimes souffrances du RĂ©dempteur) H. 776, composĂ©e en 1769-1770[1].

Style

La tradition de la passion allemande a débuté à Hambourg avec la Passion selon saint Jean de Thomas Selle en 1643. Elle s'est poursuivie sans interruption durant presque un siècle et demi, jusqu'à la mort de C.P.E. Bach en 1788. Les œuvres de cette période font partie de la catégorie «Oratorio Passion» (la «manière ancienne»), à laquelle a succédé la «Passion Oratorio» (la «manière moderne»), déjà adoptée depuis plusieurs décennies dans les autres régions du pays[2].

Le musicologue allemand Ulrich Leisinger (en) Ă©crit:

« Les vingt-et-une Passions de Carl Philipp Emanuel Bach représentent l’étape finale de la longue tradition des Oratorios Passion à Hambourg[3] »

Textes

Les noms des librettistes sont  rarement connus  pour diffĂ©rentes raisons : soit il s’agissait d’ auteurs ou de poètes peu ou pas cĂ©lèbres,  soit parce que Bach a rĂ©utilisĂ© des Ĺ“uvres provenant de diverses sources [4].

Les textes sont des adaptations libres des Évangiles plutĂ´t que des citations de ceux-ci. C.P.E. Bach lui-mĂŞme faisait la distinction entre l’ «Oratorio Passion » et la  «Passion oratorio»,  lorsqu'il demandait Ă  Georg Michael Telemann (le petit fils de Georg Philipp, le plus connu) le  , Ă  propos des reprĂ©sentations de la Passion Ă  Hambourg:

« (...) est-elle présentée à la manière historique et ancienne, avec l'évangéliste et d'autres personnes (c’est-à-dire en citant des textes bibliques racontant une histoire= Oratorio Passion), ou est-elle organisée à la manière d'un oratorio avec des réflexions (c-à-d : avec lyrisme= Passion Oratorio), comme c'est le cas dans le texte de Ramler Der Tod Jesu?[3] »

L’œuvre de Karl Wilhelm Ramler dont parle Bach, est sa Passion Der Tod Jesu (La mort de Jésus), dont la mise en musique la plus célèbre est sans doute celle de Carl Heinrich Graun.

La «manière historique et ancienne» évoquée ici, perdurera jusqu’en 1789, car le clergé de Hambourg, très conservateur, ne décidera de l’abandonner qu’après la mort du compositeur, alors que la «manière moderne» avait déjà été adoptée depuis plusieurs décennies dans d’autres régions allemandes[5] - [3].

Les textes Ă©taient choisis selon un cycle rotatif, comme le voulait la tradition hambourgeoise Ă©tablie Ă  la fin du XVIIe siècle, soit dans  l'ordre: Matthieu, Marc, Luc et Jean.  Il n’y a eu qu’une seule exception en 1769, annĂ©e de la première Passion de Bach, qui a programmĂ© une Saint Matthieu (H. 782), au lieu d’une Saint Jean. Les Ă©vĂ©nements Ă©taient racontĂ©s Ă  partir de l’ arrestation de JĂ©sus Ă  GethsĂ©mani , jusqu’à sa crucifixion. Le texte biblique comprenait des rĂ©citatifs (l’ÉvangĂ©liste, Pierre, JĂ©sus …), des chorals et des arias qui ponctuaient l'action, des chĹ“urs de turbae[3].

La Passion de l’année était imprimée sous forme de livrets, dont la vente constituait une importante source de revenus. Des exemplaires sont conservés aux Archives d'État de la ville de Hambourg (de)[6] - [3].

Du vivant du compositeur, les Passions n'ont jamais Ă©tĂ© publiĂ©es et sont restĂ©es Ă  l'Ă©tat de manuscrits. Certains d'entre eux, disparus durant et après la Seconde Guerre mondiale, n'ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s qu'en 1999. Depuis, ils sont  conservĂ©s  Ă  l’AcadĂ©mie de chant de Berlin (Sing-Akademie zu Berlin). Le Packard Humanities Institute de Los Altos (Californie) a entrepris,  en 1999, de rendre disponible, en format imprimĂ© et numĂ©rique, une Ă©dition critique des Ĺ“uvres complètes du compositeur[alpha 1].

Musique

Sur le plan stylistique, les passions de C.P.E Bach  prĂ©sentent plus de similitudes avec celles  de Georg Philipp Telemann qu’avec celles de son père, lesquelles, Ă  Leipzig, Ă©taient destinĂ©es Ă  ĂŞtre jouĂ©es dans le cadre d’un service liturgique distinct. Ă€ l’un et Ă  l’autre il a empruntĂ© des thèmes pour les passages bibliques, les chorals et les turbae. Pour les arias  et les choeurs , il s’est principalement inspirĂ© des Ĺ“uvres de ses contemporains, comme Gottfried August Homilius, Jiří AntonĂ­n Benda ou encore Gottfried Heinrich Stölzel. Il a Ă©galement, Ă  plusieurs reprises, rĂ©utilisĂ© ses propres compositions antĂ©rieures[3] - [7].

Aucune des vingt-et-une passions n’est une Ĺ“uvre entièrement originale. Ce sont des pasticcios, pratique courante  Ă  l’époque, dans lesquels les emprunts n'Ă©taient pas toujours modifiĂ©s: soit ils Ă©taient repris tels quels, soit les modifications portaient sur l’instrumentation ou le registre. Plus largement, quand cela s’avĂ©rait nĂ©cessaire, la musique Ă©tait adaptĂ©e aux normes en vigueur Ă   Hambourg. Quant aux autres contraintes musicales (système de portĂ©es ...) , elles Ă©taient calquĂ©es sur les Ĺ“uvres de Telemann (celles de la dernière dĂ©cennie,1757-1767)[3].

Interprétation

La Passion de l'annĂ©e Ă©tait interprĂ©tĂ©e  successivement dans les  cinq Hauptkirchen (Ă©glises principales) luthĂ©riennes de la ville, de la plus ancienne Ă  la plus rĂ©cente, soit dans l’ordre: Église Saint-Pierre de Hambourg, puis celle de  Saint Nicolas, de Sainte Catherine, de  Saint Jacques et enfin celle de Saint Michel, et aussi dans quelques Ă©glises secondaires [3].

Elle Ă©tait programmĂ©e pour les services religieux des dimanches du CarĂŞme (Ă  l’exception du 3e, celui de l’oculi). Sa durĂ©e Ă©tait limitĂ©e Ă  une heure environ, car utilisĂ©e dans le cadre du service dominical rĂ©gulier, et non comme  Ă  Leipzig, dans le contexte d'un service de la Passion sĂ©parĂ©, durant la cĂ©lĂ©bration des VĂŞpres du Vendredi saint[7].

L’ensemble  des interprètes se composait de huit chanteurs au maximum (solistes et  chĹ“ur) et des d’instrumentistes (environ une quinzaine) du Hamburger Ratsmusik (de) (Musiciens  du Conseil municipal de Hambourg). S’agissant de pasticcios, les Passions n'Ă©taient pas transmises aux interprètes sous forme de partitions complètes, mais plutĂ´t en parties individuelles autographes[3].

Liste des Passions

L’ordre de composition est le suivant[alpha 2] - [8] :

  • Passions selon Saint Matthieu: H.782 (1769),  H.786 (1773), H.790 (1777), H.794 (1781), H.798 (1785), H.802 (1789) [alpha 3] ;
  • Passions selon Saint Marc: H.783 (1770), H.787 (1774) , H.791 (1778), H.795 (1782), H.799 (1786) ;
  • Passions selon Saint Luc: H.784 (1771), H.788 (1775), H.792 (1779), H.796 (1783), H.800 (1787) ;
  • Passions selon Saint Jean:H.785 (1772), H.789 (1776), H.793 (1780), H.797 (1784), H.801 (1788).

Discographie sélective

De nos jours, les vingt-et-une passions de C.P.E. Bach sont rarement interprétées.

Passion selon Saint Matthieu

  • C.P.E Bach. Matthäus-Passion : Christus, der uns selig macht, H.782 (1769) , Amsterdam Baroque Orchestra, direction Ton Koopman, Edition Alte Musik n° ORF 316, 2003.
  • C.P.E Bach. Matthäus-Passion: O Lamm Gottes, im Staube, H.798 (1785), Sing-Akademie zu Berlin, direction Joshard Daus (de), Julio Fernandez (tĂ©nor), Jochen Kupfer (en) (baryton), Thomas Dewald (tĂ©nor) Daniel Jordan (baryton), Isabella Stettner (soprano), Label: Capriccio n° C60113, 2005.

Passion selon Saint Marc

  • C. P. E. Bach. Markus-Passion: Ach groĂźer König, groĂź zu allen Zeiten, H.799 (1786), Mendelssohn Symphonia, EuropaChorAkademie (en), direction Joshard Daus, Label: Capriccio n° C60132, 2007.
  • C. P. E. Bach. Markus-Passion H.799 (1786), Ensemble Ad Fontes, direction Beat Raaflaub, chĹ“ur Knabenkantorei Basel, Gerd TĂĽrk (en) (tĂ©nor), Peter Sigrist (tĂ©nor), Martina Bovet (soprano), Dorothee Labusch (contralto), RenĂ© Koch (basse), Rainer Pachner (basse), Label: Ars Musici (en) n° 232181, 2009.

Passion selon Saint Luc

  • C.P.E Bach. Lukas-Passion: Herr starke mich dein Leiden, H.788 (1775), Il Fondamento, direction Paul Dombrecht, Label : Harmonia Mundi n° IF1401, 2015.
  • C.P.E Bach. Lukas-Passion: O Lamm Gottes unschuldig, H.800 (1787), Mendelssohn Symphonia, EuropaChorAkademie, direction Joshard Daus, Label: Glor n° 8071, 2008.

Passion selon Saint Jean

  • C. P. E. Bach.Johannes-Passion: Erforsche mich, erfahr mein Herz, H.785 (1772), Zelter-Ensemble der Sing-Akademie zu Berlin, direction Joshard Daus, Label: Capriccio n° C60103, 2004.

Notes et références

Notes

  1. Voir section "Liens externes".
  2. C.P.E Bach a été Director Musices à Hambourg de 1768 à 1788, mais ses première et dernière Passions ont été programmées en 1769 et 1789 respectivement.
  3. La  Passion selon Saint Matthieu H.802 est une Ĺ“uvre posthume ayant Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©e pour la première fois en 1789, quelques mois après la mort du compositeur survenue le 14 dĂ©cembre 1788.

Références

  1. « C.P.E Bach. Die letzten Leiden des Erlösers H. 776 », sur imslp.org (consulté le ).
  2. Howard E. Smither 1979, p. 38.
  3. Ulrich Leisinger, C.P.E. Bach. Complete Works. Preface: Passions.
  4. Ulrich Leisinger C.P.E Bach. The Complete Works. Préface: Librettos (4e paragraphe).
  5. Ernst Suchalla 1994, Volume 1, p.132-136.
  6. Stephen Lewis Clark 1984.
  7. Barbara Wierman 2000, p. 90-91.
  8. (en) Ulrich Lesinger, « C.P.E Bach. The Complete Works : Librettos I (Passions) », sur cpebach.org (consulté le ).


Sources

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Annexes

Bibliographie

Liens externes

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