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Pacte de Biak-na-Bato

Le pacte de Biak-na-Bato est signĂ© le et entre le royaume d’Espagne et les insurgĂ©s philippins du Katipunan lors de la rĂ©volution philippine. Il instaure un cessez-le-feu entre les deux parties.

Photographie des principaux meneurs de la révolution philippine.

Contexte

La rĂ©volution philippine dĂ©bute en , opposant les colons Espagnols, qui administrent les Philippines depuis quelque trois siĂšcles, et le Katipunan, une organisation clandestine qui prĂŽne l’insurrection et l’indĂ©pendance[1]. La rĂ©volte s’étend autour de Manille Ă  Luzon, le centre Ă©conomique et politique de la colonie, notamment la province de Cavite qui est totalement sous contrĂŽle du Katipunan en [2].

En 1897, le conflit tourne globalement Ă  l’avantage des Espagnols, qui profitent de l’arrivĂ©e de renforts (environ trente mille hommes), ainsi que des divisions profondes au sein du Katipunan (leur meneur, AndrĂ©s Bonifacio, est supplantĂ© par Emilio Aguinaldo puis exĂ©cutĂ© en ). Les colons reprennent la totalitĂ© de la province de Cavite, remportant de nombreuses victoires, si bien que les rĂ©volutionnaires sont obligĂ©s de se replier Ă  Biak-na-Bato (San Miguel, province de Bulacan) et d’adopter des pratiques de guĂ©rillas[3] - [4] - [5] - [6] - [7].

Élaboration du pacte

Raisons des pourparlers

Quartier-général des révolutionnaire à Biak-na-Bato.

À l’étĂ© 1897, la nĂ©cessitĂ© de pourparlers devient Ă©videntes pour les deux parties. Pour les insurgĂ©s, qui manquent de moyens et d’armes, les dĂ©faites de 1897 leur font perdre espoir de dĂ©faire l’armĂ©e espagnole Ă  court terme. Aguinaldo et ses proches souhaitent donc gagner du temps afin de mieux prĂ©parer une Ă©ventuelle future rĂ©volte. De plus, l’affrontement entre Bonifacio et Aguinaldo a divisĂ© le Katiputan[5] - [8] - [2].

Du cĂŽtĂ© espagnol, la supĂ©rioritĂ© militaire ne suffit pas pour anĂ©antir la guĂ©rilla philippine contre laquelle l’armĂ©e est peu formĂ©e Ă  combattre[5] - [9] ; de plus, le contingent espagnol reste trop peu nombreux pour vĂ©ritablement contrĂŽler la totalitĂ© de l’archipel[8] - [2]. Enfin, la rĂ©volution fait aussi rage dans leur colonie de Cuba, si bien que Madrid souhaite pouvoir se concentrer sur un seul conflit[10] - [5].

DĂ©roulement des pourparlers

Les principaux négociateurs du pacte, dont au premier plan de gauche à droite, Pedro Paterno et Emilio Aguinaldo.

Pedro Paterno, un membre de l’élite philippine et proche de plusieurs officiels espagnols, est choisi par les colons pour mener les nĂ©gociations avec les insurgĂ©s, qui durent d’aoĂ»t Ă  [11] - [12]. Les colons sont prĂȘts Ă  offrir l’amnistie pour les combattants et des dĂ©dommagements financiers pour obtenir la fin de la rĂ©volte, mais veulent l’exil des principaux meneurs et la saisie de toutes les armes. De leur cĂŽtĂ©, les insurgĂ©s rĂ©clament en plus une rĂ©forme du systĂšme colonial afin d’associer Ă©troitement les Philippins Ă  la gouvernance de l’archipel, ainsi que l’égalitĂ© avec les Espagnols et la fin des pouvoirs exorbitants des ordres religieux et des colons. L’attitude des Espagnols en rapport Ă  ces demandes reste ambiguĂ«, car d’aprĂšs Aguinaldo les colons les avaient tacitement acceptĂ©es, tandis que les Espagnols allĂšgent qu’aucun accord formel n’a Ă©tĂ© conclu sur ce point[10].

Contenu du pacte

Le pacte se compose de trois documents signés les 14 et , et contient les termes suivant[11] - [13] - [14] :

  • les insurgĂ©s acceptent un cessez-le-feu et la remise de leurs armes au gouvernement colonial en Ă©change d’une amnistie ;
  • Aguinaldo et les meneurs de la rĂ©volution doivent partir en exil hors du pays ;
  • deux gĂ©nĂ©raux espagnols[Note 1] doivent ĂȘtre tenu en otage le temps pour Aguinaldo de quitter l’archipel ;
  • le paiement par les Espagnols de 800 000 dollars mexicains[Note 2] aux insurgĂ©s, en trois temps : 400 000 dollars versĂ©s immĂ©diatement aprĂšs la reddition, puis 200 000 dollars versĂ©s aprĂšs la remise de 800 armes par les insurgĂ©s, et 200 000 de plus lorsque le nombre total d’armes remises atteint 1000 ;
  • le paiement de 900 000 pesos d’indemnitĂ©s pour les civils ayant souffert de la guerre.

Conséquences

Les meneurs du Katipunan alors en exil Ă  Hong Kong.

En consĂ©quence du pacte, Aguinaldo et les principaux meneurs de la rĂ©volution[Note 3] partent en exil Ă  Hong Kong. D’aprĂšs Aguinaldo, les 800 000 dollars promis par les Espagnols devaient lui ĂȘtre versĂ© en personne[15]. En rĂ©alitĂ©, Aguinaldo reçu le premier versement de 400 000 dollars seulement, la seconde part (200 000 dollars) Ă©tant distribuĂ©s entre les insurgĂ©s. Quant Ă  la troisiĂšme part (les derniers 200 000 dollars), ainsi que les 900 000 pesos d’indemnitĂ©s promis aux civils, ils ne furent jamais payĂ©s[11] - [10].

La république de Biak-na-Bato, proclamée le durant les négociations [16], est dissoute avec la signature du pacte[13].

La rĂ©volte est largement endiguĂ©e, mais toutefois pas stoppĂ©e car des insurgĂ©s continuent la guĂ©rilla dans les campagnes, et les Espagnols n’opĂšrent pas une rĂ©elle amnistie en arrĂȘtant des rebelles qui se sont rendus[13]. Le pacte est avant tout un jeu de dupe oĂč les Espagnols n’ont probablement jamais prĂ©vu d’instaurer les rĂ©formes politiques promises, tandis que les insurgĂ©s prĂ©voient d’utiliser l’argent remis par les colons pour prĂ©parer une nouvelle rĂ©volte, notamment via l’achat d’armes[5] - [Note 4]. Les Espagnols s’en sortent tout de mĂȘme Ă  bon compte, car mĂȘme si des affrontements persistent en province, ils se retrouvent maĂźtres des grands villes ainsi que des infrastructures Ă©conomiques[4].

In fine, la rĂ©volution reprendra dĂšs 1898 avec l’entrĂ©e en guerre des États-Unis contre l’Espagne et leur intervention militaire aux Philippines, qui entrainera le retour d’Aguinaldo et de l’insurrection en [4].

Notes et références

Notes

  1. Celestino Tejeiro et Ricardo Monet (Halili 2004, p. 152-153).
  2. Le dollar mexicain et le peso philippin avaient alors la mĂȘme valeur.
  3. Dont : Mariano Llanera, Tomas Aguinaldo, Vito Belarmino, Antonio Montenegro, Escolastico Viola, Lino Viola, Valentin Diaz, Anastacio Francisco, Benito Natividad, Gregorio del Pilar, Manuel Tinio, Salvador Estrella, Maximo Kabigting, Wenceslao Viniegra, Doroteo Lopez, Vicente Lukban, Primitivo Artacho, Tomas Mascardo, Joaquin Alejandrino, Pedro Aguinaldo, Agapito Bonson, Carlos Ronquillo, Teodoro Legazpi, Agustin de la Rosa, Miguel Valenzuela, Antonio Carlos, Celestino Aragon, Jose Aragon, Pedro Francisco, Lazaro Makapagal y Lakang-dula, Silvestre Legazpi, Vitaliano Famular, Vicenter Kagton, Francisco Frani et Eugenio de la Cruz.
  4. Aguinaldo utilise une partie de cette somme pour s’établir Ă  Hong Kong et place le reste en banque (Corpuz 1989, p. 267).

Références

  1. Nadeau 2008, p. 34-38.
  2. Dolan 1991, The 1896 Uprising and Rizal’s Execution.
  3. (en) Glenn Anthony May, « Warfare by "Pulong" Bonifacio, Aguinaldo, and the Philippine Revolution Against Spain », Philippine Studies, vol. 55, no 4,‎ , p. 449-477 (lire en ligne).
  4. Silbey 2007, p. 14-16.
  5. Reed 2016, p. 64-65.
  6. (en) Ricardo T. Jose, « Exile as Protest: Artemio Ricarte », Asian and Pacific Migration Journal, vol. 8, nos 1-2,‎ , p. 131-156 (lire en ligne).
  7. Corpuz 1989, p. 239-243.
  8. Annick Tranvaux, « L’IndĂ©pendance des Philippines espagnoles: JosĂ© Rizal : de la rĂ©forme au mythe rĂ©volutionnaire », Caravelle, no 74,‎ (lire en ligne).
  9. (en) Max Boot, The Savage Wars of Peace : Small Wars and the Rise of American Power, Basic Books, , 428 p. (ISBN 978-0-465-00720-2), p. 103.
  10. Tucker 2009, vol. 1, p. 58-59.
  11. Halili 2004, p. 152-153.
  12. (en) Portia L. Reyes, « ‘Treasonous’ History of Filipino Historiography: The Life and Times of Pedro Paterno, 1858–1911 », South East Asia Research, vol. 14, no 1,‎ , p. 87-121 (lire en ligne).
  13. Zaide 1999, p. 252-253.
  14. Guillermo 2011, p. 74.
  15. (en) Emilio Aguinaldo, True Version of the Philippine Revolution, Projet Gutenberg (lire en ligne), p. 4-6.
  16. Isabelo Artacho et Félix Ferrer, « 1897 Biac-na-Bato Constitution », sur thecorpusjuris.com.

Bibliographie

  • (en) Onofre D. Corpuz, The Roots of the Filipino Nation, Aklahi Foundation, , 744 p. (ISBN 971-91178-1-8).
  • (en) Ronald E. Dolan, Philippines : A Country Study, GPO for the Library of Congress, .
  • (en) Artemio R. Guillermo, Historical Dictionary of the Philippines, Scarecrow Press, , 3e Ă©d., 656 p. (ISBN 978-0-8108-7511-1, lire en ligne).
  • (en) Maria Christine N. Halili, Philippine History, Rex Bookstore, , 354 p. (ISBN 978-971-23-3934-9, lire en ligne).
  • (en) Teodoro M. Kalaw, The Philippine Revolution, Jorge B. Vargas Filipiniana Foundation, .
  • (en) Richard John Kessler, Rebellion and Repression in the Philippines, Yale University Press, , 227 p. (ISBN 978-0-300-04406-5).
  • (es) PĂ­o Moa, Nueva historia de España : de la II Guerra PĂșnica al siglo XXI, Esfera de los Libros, , 903 p. (ISBN 978-84-9734-952-9).
  • (en) Kathleen Nadeau, The History of the Philippines, Greenwood Press, , 130 p. (ISBN 978-0-313-34090-1).
  • (en) Alden Reed, Nationalists & Guerillas : How Nationalism Transformed Warfare, Insurgency & Colonial Resistance in Late 19th Century Cuba (1895-1898) and the Philippines (1899-1902), UniversitĂ© du New Hampshire, (lire en ligne) (mĂ©moire, Master of Arts).
  • (en) David J. Silbey, A War of Frontier and Empire : The Philippine-American War, 1899-1902, New-York, Hill and Wang, , 1re Ă©d., 254 p. (ISBN 978-0-8090-7187-6).
  • (en) Spencer C. Tucker (dir.), The Encyclopedia of the Spanish-American and Philippine-American Wars : A Political, Social, and Military History, ABC-CLIO, , 993 p. (ISBN 978-1-85109-951-1).

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