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Pacte avec le Diable

Le pacte avec le Diable est un thème récurrent des réflexions humaines et de la littérature, en particulier romantique, fantastique et gothique, illustré par la légende de Faust et la figure de Méphistophélès, mais élémentaire à de nombreuses traditions chrétiennes.

Selon la croyance traditionnelle sur la sorcellerie, le pacte est noué entre une personne et Satan (ou un moindre démon). La personne offre son âme en échange de faveurs diaboliques. Ces faveurs varient selon les contes, mais tendent à inclure la jeunesse, la connaissance, la richesse, la renommée, et/ou le pouvoir.

Par l'entremise d'une magie quelconque (accord avec le Diable, découverte d'un talisman, etc.), un individu peut obtenir facilement le bonheur ou du moins ce qui peut le représenter à ses yeux contre une aliénation désastreuse dont il ne perçoit pas a priori l'importance : la propriété de son âme. Certaines variantes comme celle de Faust voient plutôt le pacte comme un contrat de vente à terme limité par le décès, tandis que d'autres imaginent plutôt une exécution immédiate, la personne étant privée de son âme de son vivant.

Certaines croyances parlent aussi de certaines personnes faisant ce type de pacte comme d'un signe de reconnaissance du diable comme leur maître, sans demander quelque chose en échange. Néanmoins, ce type de marché est considéré comme dangereux, car le prix du service du démon est l'âme du parieur. Le conte peut avoir une fin morale, avec la damnation éternelle pour l'aventurier téméraire. Inversement, il peut y avoir une torsion comique, tel le rusé paysan qui trompe le diable, typiquement sur un point technique (mais, le plus souvent, la personne qui essaye de tromper le diable perd à la fin).

Historique

Le pape Sylvestre II et le Diable dans une illustration datant d'env. 1460.

La légende de saint Basile, racontée par Hincmar de Reims au IXe mais remontant en réalité au Ve, raconte l'histoire de saint Basile qui sauve une femme ensorcelée par un magicien qui aurait vendu son âme au Diable et aurait confirmé cette vente par un pacte.

Le Miracle de Théophile, raconté par Rutebeuf et inspiré des Miracles de Notre Dame de Gauthier de Coincy, met en scène Théophile d'Adana (VIe siècle) qui passe un pacte avec le Diable pour récupérer son évêché.

Saint Augustin suppose que la magie implique un pacte avec le démon :

« Tout usage superstitieux suppose le commerce avec les démons[1]. Toutes ces superstitions n'ont d'efficacité qu'autant que l'homme y met sa confiance, et que par ce langage muet il s'associe avec les démons. Et pourtant que renferment-elles, sinon des curiosités qui empoisonnent, des inquiétudes qui tourmentent, et une servitude qui conduit à la mort [2]? »

Au début du XVe siècle, apparaît la croyance, chez Alexandre V, puis de certains inquisiteurs, mais aussi de certains juges laïcs, en l'existence d'une véritable secte de sorciers, mais surtout de sorcières ayant conclu un pacte avec le diable et participant à un complot contre la chrétienté. À partir de 1435-1440, le nombre des procès se multiplie et la 'sorcellerie populaire' passe au premier plan. C'est alors que se fixe l'image stéréotypée de la sorcière de l'époque moderne, qui superpose à la tradition des sortilèges, empoisonnements et incantations le pacte explicite avec le Diable, le voyage nocturne au sabbat et l'hommage rendu au Diable durant cette cérémonie. Les personnes accusées d'un tel pacte sont alors brulées vives[3]

Jean Wier, en 1564, dans son de Praestigiis daemonum et incantationibus ac veneficiis[4], examine la notion de pacte avec le diable pour la rejeter comme imaginaire, bien qu'il admette la magie diabolique (magia infamis en latin).

Dans un écrit anonyme, Historia von Johann Fausten (Histoire de Johann Faust), publié en 1587 par l'éditeur Johann Spies (en), Faust arrivé au terme de son existence, contracte un pacte avec le Diable, qui prend le nom de Méphistophélès, en échange d'une seconde vie.

Le jésuite Delrio, au livre II de ses Disquisitiones magicae (Enquêtes sur la magie), en 1599-1600, soutient que toutes les opérations magiques relèvent d'un pacte avec le Diable qui imprime sa marque sur le corps du sorcier ou de la sorcière.

Une des premières apparitions du thème (et peut-être la première) est picturale : dans leur chapelle de Molsheim, les Jésuites font représenter des peintures se référant à des miracles réputés survenus en 1613 par l'intermédiaire d'Ignace de Loyola, dont le procès de béatification était en cours. Ces peintures représentent une cigogne rapportant dans son bec, à la suite de l'intercession d'Ignace de Loyola, un pacte avec le Diable qu'un étudiant avait malencontreusement signé auparavant de son sang. Malheureusement, ces peintures, et le traitement favorable qu'elles laissaient supposer en faveur de l'étudiant qui avait signé le pacte, incitèrent des élèves du collège de Jésuites de Molsheim à "avouer" eux aussi des pactes avec le diable ; ils furent l'objet de procès de sorcellerie et furent brûlés. Les procès de sorcellerie à Molsheim, parmi les plus intenses d'Alsace, se caractérisent par le nombre important d'enfants parmi les victimes.

Pacte avec le diable supposé, signé par Urbain Grandier.

Dans l'affaire Urbain Grandier, sur les religieuses du couvent des Ursulines de Loudun, en 1632, le prêtre fut accusé de pacte avec le diable, avec les signes sur son corps (cicatrice sur le pouce de sa main droite, points indolores). Il fut brûlé vif en 1634.

Voici un exemple de pacte avec le diable écrit vers 1700 par un caporal norvégien, Jeremias Jeremiasson : « Je t'adore, mon seigneur et dieu Satan, et je veux t'être dévoué et fidèle, et je te donne mon âme et mon corps si tu veux me donner trois cents thalers, et la huitième année, lorsqu'elle sera accomplie, tu pourras m'emmener. je désire donc que tu m'écrives et répondes d'ici demain et je me remettrai en ton pouvoir »[5].

Le seul grimoire détaillant le pacte avec le diable est, semble-t-il,

« Le véritable Dragon rouge, où il est traité de l'art de commander les esprits infernaux, aériens et terrestres, faire apparaître les morts, lire dans les astres, découvrir les trésors, sources minières, etc.[6]. »

D'après Éliphas Lévi, ce grimoire serait détenteur des clefs de la magie noire.

Sens métaphorique

  • « Vendre son âme au diable » : passer outre une grande valeur morale en échange d'une contrepartie financière ou matérielle importante[7].

Notes et références

  1. Societas et pactum cum daemonibus in superstitioso rum usu
  2. Saint Augustin, De la doctrine chrétienne (427), II, chap. 24.
  3. Thérèse Charmasson, apud Dictionnaire historique de la magie et des sciences occultes, Le Livre de poche, coll. « La pochothèque », 2006, p. 248
  4. II, chap. 18
  5. Claude Lecouteux, Le livre des grimoires, Imago, 2008, p. 279.
  6. 1750 ?, éd. Bussière, 1999, 105 p.
  7. « Vendre son âme au diable », Linternaute.fr (consulté le 24 juillet 2018).

Voir aussi

Bibliographie

  • Jules Bois, Le satanisme et la magie, L. Chailley, 1895
    Réédition Jean de Bonnot 1996
  • Jean-Pierre Bayard, Les pactes sataniques, Dervy, Paris, 1994 (ISBN 2850766186)
  • Robert Muchembled, Une histoire du diable, XIIe-XXe siècle, Seuil, Paris, 2000 (ISBN 2020311798)
  • Louis Schlaefli, La sorcellerie à Molsheim (1589-1697), annuaire hors série de la Société d'histoire et d'archéologie de Molsheim et des environs, 1993.
    Sur l'affaire de sorcellerie au collège de Jésuites de Molsheim.

Articles connexes

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