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Oswald Ducrot

Oswald Ducrot, né le [1], est un linguiste français. Agrégé de philosophie, ancien attaché de recherches au CNRS, il est directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), à Paris.

Oswald Ducrot
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Il est l’auteur de nombreux ouvrages, en particulier sur l'énonciation et l’argumentation.

Ducrot a élaboré, avec Jean-Claude Anscombre, une théorie de l'argumentation dans la langue[2] qui consiste à saisir le déploiement de l'argumentation non pas uniquement dans le discours, la prise en pratique des potentialités linguistiques, mais au niveau de la langue elle-même. L'idée maîtresse est que la langue n'a pas comme but principal la représentation du monde, mais l'argumentation. En d'autres termes, le langage naturel n'entretient pas uniquement (parfois il semble dire pas du tout) un lien de référence au monde, mais constitue le lieu d'échange d'arguments, dont la structure est logée à même le langage.

Un des exemples sur lesquels Ducrot a le plus Ă©crit est l'opposition qui existe en français entre « peu Â» et « un peu Â». Il oppose ainsi des Ă©noncĂ©s comme « J'ai peu faim Â» et « J'ai un peu faim Â». ApparaĂ®t tout de suite au locuteur francophone que le premier Ă©noncĂ© suggère que la personne n'a pas faim ou Ă  peine, alors que le second indique que le locuteur a faim. Ducrot parle dès lors d'orientations argumentatives inverses.

Présupposé, posé, sous-entendu

Ducrot s'est beaucoup intĂ©ressĂ© Ă  la question de ce que l'on dit lorsque l'on parle, comme l'indiquent les titres de ses ouvrages (La preuve et le dire, Dire et ne pas dire, Le dire et le dit). Ainsi, il distingue le prĂ©supposĂ©, le posĂ© et le sous-entendu. Alors que l'on s'engage quant au prĂ©supposĂ© et au posĂ©, il n'en va pas de mĂŞme du sous-entendu. Ce dernier, en effet, est toujours niable, au sens oĂą l'on peut affirmer que l'on ne l'a pas dit, Ă  strictement parler, mais tout au plus suggĂ©rĂ© ou laissĂ© penser. Ă€ l'inverse, on s'engage quant Ă  ce qui est posĂ© ou prĂ©supposĂ©. Ce qui distingue Ă  prĂ©sent le posĂ© du prĂ©supposĂ© est que seul le posĂ© est focalisĂ© et tombe dès lors sous le coup de la nĂ©gation. Ainsi, dans « Le roi de France est chauve Â», il est prĂ©supposĂ© qu'il existe un roi de France et il est posĂ© qu'il est chauve. C'est la raison pour laquelle la nĂ©gation de « Le roi de France n'est pas chauve Â» continue de s'engager quant Ă  l'existence du prĂ©supposĂ©, mĂŞme s'il nie le posĂ©, Ă  savoir la calvitie du souverain.

La polyphonie

La notion de polyphonie est une des pièces centrales de l'Ĺ“uvre de Ducrot. Il s'agit du phĂ©nomène constatĂ© par MikhaĂŻl Bakhtine et Charles Bally dans le discours : il n'y a pas une voix unique dans les Ă©noncĂ©s, mais plusieurs. Bakhtine s'est en particulier intĂ©ressĂ© Ă  la polyphonie littĂ©raire, telle qu'elle apparaĂ®t dans les textes de DostoĂŻevski ou de Rabelais. Ducrot, pour sa part, semble s'inspirer davantage de Bally, lequel perçoit la polyphonie jusque dans les structures beaucoup plus restreintes que les textes que sont les Ă©noncĂ©s. Ducrot reconnaĂ®t en outre sa dette envers le thĂ©oricien de la littĂ©rature GĂ©rard Genette, lequel a procĂ©dĂ© Ă  de subtiles distinctions entre narrateur, auteur, personnage et locuteur.

Nouveaux développements

Le stade actuel de la théorie de l'argumentation dans la langue s'appelle la théorie des blocs sémantiques (TBS), développée par Marion Carel et à l'élaboration de laquelle Oswald Ducrot participe. Cette théorie reprend les acquis de la théorie de l'argumentation dans la langue, en les radicalisant et en y introduisant de nouveaux concepts, tels que l'argumentation interne et l'argumentation externe. Parallèlement, Marion Carel et Alfredo Lescano développent, dans le prolongement des analyses de Ducrot sur la polyphonie, la théorie argumentative de la polyphonie (TAP). L'un des enjeux majeurs est actuellement d'articuler ces deux théories, dans le but de donner la compréhension la plus fine et exhaustive possible des faits linguistiques. On trouvera une synthèse de ces questions dans le livre de Marion Carel, paru chez Honoré Champion, L'Entrelacement argumentatif, d'une grande clarté.

Les auteurs de la ScaPoLine ont proposé une théorie de la polyphonie largement inspirée de Ducrot, et qui privilégie une approche qui rend compte tant de la polyphonie linguistique que de la polyphonie littéraire.

Bibliographie

Littérature primaire

  • avec Tzvetan Todorov, Dictionnaire encyclopĂ©dique des sciences du langage, Seuil, 1972 ; 1979.
  • La Preuve et le dire, Maison Mame, 1973
  • Le Structuralisme en linguistique, Seuil, Points, 1973 (d'abord publiĂ© dans un Collectif sur le structuralisme en 1968).
  • Dire et ne pas dire. Principes de sĂ©mantique linguistique, Hermann, 3e Ă©d. augm., 1998
  • Le Dire et le Dit, Minuit, 1980
  • Les Échelles argumentatives, Minuit, 1980
  • et al., Les Mots du discours, Minuit, 1980
  • avec Jean-Claude Anscombre, L'argumentation dans la langue, Mardaga, 1983
  • Logique, structure, Ă©nonciation. Lectures sur le langage, Minuit, 1989
  • avec Jean-Marie Schaeffer, Nouveau Dictionnaire encyclopĂ©dique des sciences du langage, Seuil, 1999.
  • avec Marion Carel, La semántica argumentativa. Una introducciĂłn a la teorĂ­a de los bloques semánticos. Traduit et Ă©ditĂ© par MarĂ­a Marta GarcĂ­a Negroni et Alfredo Lescano. Buenos Aires, Colihue Universidad, 2005.

Littérature secondaire

  • Marion Carel, L'Entrelacement argumentatif, HonorĂ© Champion,
  • François Recanati, Les ÉnoncĂ©s performatifs, Minuit, Propositions, 1981
  • Jean Cervoni, L'Énonciation, PUF, Linguistique nouvelle, 1987
  • Christian Plantin, L'Argumentation, PUF, Que sais-je ?, 2005

Notes et références

  1. Ducrot, Oswald (1930-....), « BnF Catalogue général », sur catalogue.bnf.fr, 50722-frfre (consulté le )
  2. « Sémantique argumentative », sur Sémantique argumentative (consulté le )

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