Organoïde cérébral
Un organoïde cérébral, aussi appelé minicerveau ou cerveau miniature, est une masse de cellules mimant la structure et les fonctions principales du cerveau. Ils sont créés en laboratoire à partir de cellules souches pluripotentes (embryonnaires ou induites) qui s'organise de manière autonome dans un milieu nutritif, hors de tout organisme vivant. Les cellules souches vont s'organiser en sphères, formant des "corps embryoïdes" a la surface desquels va pousser un tissu neuroectodermal. Ces sphères seront ensuite cultivées dans un gel (matrigel) servant de support a la croissance cellulaire. Un milieu de culture favorisant la différenciation neurale des cellules souches sera alors ajouté. Enfin les organoïdes sont cultivés sur un agitateur afin de favoriser l’absorption de nutriments[1]. Après environ 2 mois de culture, les organoïdes cérébraux atteignent leur taille maximale (jusqu’à 4 mm de diamètre). Ils sont alors composés de tissus hétérogènes complexes, similaires au cortex cérébral, au plexus choroïde et parfois a la rétine ou aux méninges, pouvant survivre indéfiniment (plus de 25 mois[2]). Il est intéressant de noter que leur taille maximale est limitée par l'absence de système vasculaire limitant l'apport de nutriments et d'oxygène au cœur de l'organoïde, induisant une mort cellulaire[1].
Le premier protocole pour créer ces organoïdes cérébraux a été développé par un laboratoire de l'Institute of Molecular Biotechnology (en) (IMBA), de l'Académie autrichienne des sciences[3] en 2014. En 2019, une équipe de l'université de San Diego détecte des ondes cérébrales coordonnées dans des organoïdes cérébraux[4] - [5].
Applications
Le cerveau humain est un organe complexe composé de structures et cellules nerveuses variées. Le cerveau humain, en particulier son cortex cérébral, est lui-même plus complexe que celui des animaux utilisés généralement en laboratoire (rongeurs)[6]. De ce fait, l'étude du cerveau humain est compliquée et les organoïdes cérébraux aident à comprendre l'organisation et le développement du cerveau à très bas niveau[7]. Ils servent d'outil pour comprendre comment les maladies neurodégénératives apparaissent et progressent particulièrement dans les cas ou l'étude d'une maladie est trop complexe pour utiliser des modèles in vitro ou dans des cas ou l'utilisation de tissus humains, plutôt que des modèles animaux, apporte un réel avantage pour comprendre l'évolution d'une maladie.
Modèles
Microcéphalie
La microcéphalie primaire est une maladie affectant le développement neural induisant une réduction significative de la taille du cerveau. Cette pathologie est difficile à reproduire chez la souris. Grâce à l'utilisation des cellules souches pluripotente induite (cellules IPS) isolée de patient souffrant de microcéphalie, un modèle d'organoïdes cérébraux modélisant les caractéristiques de la maladie a pu être mis au point. Cet organoïde montre une différenciation neuronale précoce des cellules nerveuse induisant un déficit du stock de progéniteurs neuraux, pouvant expliquer la taille réduite du cerveau[1].
Virus Zika
Une infection au virus Zika durant l'embryogenèse peut provoquer une microcéphalie chez le nouveau-né, il est donc nécessaire de comprendre comment le virus affecte le développement cérébral fœtal. Les organoïdes cérébraux ont été exposé au virus zika pendant un total de 24h. Les effets du virus sur le développement neuronal humain a donc pu être étudié. En parallèle, des traitements possible contre le virus ont été testés sur les organoïdes cérébraux infectés afin de déterminer leur efficacité. Cette étude a notamment montré que deux médicaments (Ivermectine et Duramycine) réduiraient l'infection et les pertes du tissu neural[8].
La Sclérose en plaques
La Sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune, inflammatoire, qui affecte le système nerveux central. La cause exacte de la maladie est encore inconnue, mais il semblerait que des facteurs génétiques et environnementaux jouent un rôle dans le développement de la maladie. Pour en apprendre plus sur le rôle des facteurs génétiques sur le développement de la SEP, une équipe a créer des organoïdes cérébraux à partir d'échantillons de patients atteint des différentes formes de la maladie. Cette étude à mis en évidence, dans les organoïdes cérébraux issus de patients atteint de SEP, une dérégulation des cellules souches neurales dans leur capacité de prolifération/différenciation induisant une baisse de la population d'oligodendrocytes, associé à une diminution de l'expression de la protéine p21[9].
Maladie d'Alzheimer
La maladie d'Alzheimer a également été modélisée avec des organoïdes cérébraux[10].
Notes et références
- Madeline A. Lancaster, Magdalena Renner, Carol-Anne Martin et Daniel Wenzel, « Cerebral organoids model human brain development and microcephaly », Nature, vol. 501, no 7467, (ISSN 0028-0836, PMID 23995685, PMCID 3817409, DOI 10.1038/nature12517, lire en ligne, consulté le )
- (en) Steven A. Sloan, Jimena Andersen, Anca M. Pașca et Fikri Birey, « Generation and assembly of human brain region–specific three-dimensional cultures », Nature Protocols, vol. 13, no 9, , p. 2062–2085 (ISSN 1754-2189 et 1750-2799, PMID 30202107, PMCID PMC6597009, DOI 10.1038/s41596-018-0032-7, lire en ligne, consulté le )
- (en) Madeline A Lancaster et Juergen A Knoblich, « Generation of cerebral organoids from human pluripotent stem cells », Nature Protocols, vol. 9, no 10, , p. 2329–2340 (ISSN 1754-2189 et 1750-2799, PMID 25188634, PMCID PMC4160653, DOI 10.1038/nprot.2014.158, lire en ligne, consulté le )
- Sean Bailly, « Des ondes cérébrales détectées dans des minicerveaux », Pour la science, no 504, , p. 6-7.
- (en) Cleber A. Trujillo, Richard Gao, Priscilla D. Negraes, Jing Gu, Justin Buchanan et al., « Complex Oscillatory Waves Emerging from Cortical Organoids Model Early Human Brain Network Development », Cell Stem Cell, (DOI 10.1016/j.stem.2019.08.002).
- Jan H. Lui, David V. Hansen et Arnold R. Kriegstein, « Development and Evolution of the Human Neocortex », Cell, vol. 146, no 2, , p. 332 (ISSN 0092-8674, DOI 10.1016/j.cell.2011.07.005, lire en ligne, consulté le )
- (en) Elizabeth Di Lullo et Arnold R. Kriegstein, « The use of brain organoids to investigate neural development and disease », Nature Reviews Neuroscience, vol. 18, no 10, , p. 573–584 (ISSN 1471-003X et 1471-0048, PMID 28878372, PMCID PMC5667942, DOI 10.1038/nrn.2017.107, lire en ligne, consulté le )
- (en) Momoko Watanabe, Jessie E. Buth, Neda Vishlaghi et Luis de la Torre-Ubieta, « Self-Organized Cerebral Organoids with Human-Specific Features Predict Effective Drugs to Combat Zika Virus Infection », Cell Reports, vol. 21, no 2, , p. 517–532 (PMID 29020636, PMCID PMC5637483, DOI 10.1016/j.celrep.2017.09.047, lire en ligne, consulté le )
- Nicolas Daviaud, Eric Chen, Tara Edwards et Saud A. Sadiq, « Cerebral organoids in primary progressive multiple sclerosis reveal stem cell and oligodendrocyte differentiation defect », Biology Open, vol. 12, no 3, (ISSN 2046-6390, DOI 10.1242/bio.059845, lire en ligne, consulté le )
- (en) Cesar Gonzalez, Enrique Armijo, Javiera Bravo-Alegria et Andrea Becerra-Calixto, « Modeling amyloid beta and tau pathology in human cerebral organoids », Molecular Psychiatry, vol. 23, no 12, , p. 2363–2374 (ISSN 1359-4184 et 1476-5578, PMID 30171212, PMCID PMC6594704, DOI 10.1038/s41380-018-0229-8, lire en ligne, consulté le )