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Nicolas V (antipape)

Nicolas V (Pierre Rainalducci, Pietro Rainalducci ou encore Pierre de Corbière), né vers 1258 à Corvaro (it) dans les Abruzzes en Italie et mort le à Avignon, était un franciscain italien.

Nicolas V
Nicolas V couronnant l'empereur Louis IV. Miniature, vers 1410.
Fonctions
Évêque catholique
-
Antipape
Jean XXII
-
Biographie
Naissance
Vers 1258
Corvaro (d)
Décès
Activité
Autres informations
Ordre religieux
Consécrateur

Il fut nommé pape le , sous le nom de Nicolas V, par l'empereur Louis IV. Chassé de Rome l'année suivante, il se retira à Pise, où il fut contraint d'abdiquer ; il rejoignit Avignon à l'instigation de Simone Saltarelli, archevêque de Pise, où il demanda pardon au pape Jean XXII, la corde au cou. Il mourut deux ou trois ans après.

Contexte

Conflit entre la papauté et les franciscains

Le coût de la réorganisation du Saint-Siège en un état moderne lui suscite des ennemis : la levée des annates et la centralisation, mécontentent les collateurs ordinaires dont elle rogne les prérogatives et pousse à bout les contribuables impitoyablement pressurisés[1]. La fraction de l'ordre franciscain qui prône une pauvreté radicale se dit profondément scandalisée par la richesse des dignitaires ecclésiastiques ; certains de ces « spirituels » professèrent le joachimisme qui annonçait l'irruption d'une ère nouvelle. Condamnés par la papauté, persécutés à l'intérieur de leur famille religieuse, ils pouvaient penser qu'ils étaient seuls à être marginalisés ; or, en 1323, nombreux sont ceux qui contestent le poids de la fiscalité papale, l'accusant de servir à financer les fastes de la cour avignonaise. Dans les faits, Jean XII refusait le luxe des cours princières même s'il n'était pas austère[1]. Les fraticelles ont la surprise de voir la majorité de leurs confrères, ministre général en tête, les rejoindre dans l'opposition au pape: celui-ci venait de condamner l'idée de la pauvreté personnelle du Christ, une opinion partagée par la plupart des franciscains. Les ordres mendiants sont très présents dans les milieux universitaires et leur pensée est très largement relayée: En promulguant ce texte Jean XXII se fait des adversaires dans toute la chrétienté et nombre de théologiens de talent, tel Guillaume d'Occam, les rallient.

Conflit entre Jean XXII et Louis de Bavière

À la mort de l'empereur Henri VII en 1313, il y a concurrence entre Louis de Bavière et Frédéric d'Autriche avec une double élection faite respectivement à Aix-la-Chapelle et à Bonn. Les princes s'étant divisé en deux factions, le pape Jean XXII, pense pouvoir en profiter : il refuse de choisir entre les deux élus. Il déclare l'Empire vacant et nomme le roi de Naples Robert le Sage vicaire pour l'Italie le [2].

Louis IV de Bavière, vainqueur de Frédéric d'Autriche à Mühldorf le , entreprend de faire valoir ses droits en Italie et proteste contre l'occupation de la Lombardie « terre d'Empire » par les troupes pontificales et angevines. Intervenant militairement en faveur des Visconti, le il délivre Milan assiégée et occupe Pavie[3]. Jean XXII excommunie l'empereur le [3]. De son côté, de la chapelle des Teutoniques de Sachsenhausen, Louis lance un appel au concile général pour juger le pape, accusé d'hérésie et d'usurpation de bien d'autrui. Les papes d'Avignon qui vivent dans l'opulence se heurtent depuis des années à l'opposition des ordres mendiants et Louis de Bavière, accueille et soutient les franscicains. Le 22 mai, l'alliance entre l'empereur excommunié et les franciscains spirituels est rendue publique[N 1]. Ce front uni est aussi inattendu que dangereux. Aussi le 11 juillet, le pape déclare le Bavarois déchus de ses droits impériaux et contumaux. Le , Jean XXII dépose Louis de Bavière[3].

À Avignon une algarade entre Michel de Césène et le pontife déclenche une tempête. Le , Jean XXII se permet de traiter le général des franciscains de « tyran, fauteur d'hérésie et serpent réchauffé dans le sein de l'Église ». Assigné à résidence, Michel de Césène s'attend à être arrêté à tout moment. C'est alors que l'on apprend à la Cour pontificale que Louis de Bavière et ses troupes impériales sont entrés en Italie. Arrivé à Trente, il déclare que Jean XXII qu'il n'appelle plus que le « prêtre Jean » ou « Jacques de Cahors » est hérétique et indigne du trône de saint Pierre. Puis, il quitte le Trentin le 15 mars pour rejoindre la Lombardie.

Le 27 mai, Michel de Césène et Guillaume d'Occam, accompagnés de François d'Ascoli, Bonagrazia de Bergame et Henri de Talheim, s'éclipsent d'Avignon. À Aigues-Mortes, ils sont rejoints par le cardinal Pierre d'Arrablay qui tente de les convaincre de retourner dans la cité papale. Sa mission échoue. Les cinq franciscains embarquent et passent par Pise au cours du mois de juin 1327. L'archevêque pisan, Simone Saltarelli, en informe aussitôt le Siège apostolique d'Avignon. Le , alors que Louis de Bavière entre dans Pise, Simone Saltarelli quitte la ville avec ses familiers et nombre de clercs. Il se réfugie à Sienne, puis à Massa Maritima le , ensuite à Florence et, pour terminer, s'installe à Avignon auprès du pape.

Poussé par les franciscains, l'empereur excommunié qui est attendu par les gibelins comme celui qui pourra s'opposer au légat du Pape reprend la route de l'Italie. Le , à Milan, il reçoit la couronne des rois lombards des mains d'un évêque excommunié, car l'archevêque s'est absenté pour ne pas officier. Il fait arrêter Galeazzo Visconti qui l'a pourtant reçu fastueusement mais manifeste trop d'esprit d'indépendance. L'empereur se croyant tout permis nomme 3 évêques. Sa popularité s'effondre même chez les gibelins les plus convaincus: pour rentrer dans Pise il doit assiéger la ville pendant un mois[4]. Rome lui ouvre ses portes plus pour se venger du transfert de la papauté en Avignon que par attrait pour l'empereur. Le légat Giovanni Orsini ayant ordonné à tout le clergé de quitter la ville, c'est Sciarra Colonna, un membre puissant de la noblesse romaine qui en tant que représentant le peuple romain qui couronne l'empereur, le . En recourant à des laïcs pour sacraliser une fonction qui est en partie religieuse Louis de Bavière perd tout son crédit. Le pape saisit l'occasion pour déclarer la déchéance de l'empereur le . Seule l'incapacité de électeurs à s'entendre empêche l'élection d'un nouvel empereur[5].

Le schisme

Le 9 avril, l'empereur est rejoint à Rome par Michel de Césène et Guillaume d'Occam. Ils lui apportent leur soutien et il n'est pas négligeable, le général des franciscains justifiant sa présence par un axiome très occamiste : « Tout pape peut errer dans la foi ou dans les mœurs, mais l'Église prise dans son ensemble n'erre jamais ». Cela pousse Louis à surenchérir : le , il déclare Jean XXII déposé pour hérésie. Michel de Césène et Guillaume d'Occam n'ont aucune peine à convaincre le Bavarois qu'il lui faut un nouveau pape à sa convenance. Souhaitant s'assurer le soutien des Romains, il édicte le que le pape ne pourrait plus quitter Rome sans leur accord et qu'il ne devrait pas s'éloigner plus de 2 jours[5] ! Mais aucun cardinal n'a abandonné le pontife et il se passe donc d'élection : il désigne le franciscain Pietro Rainalducci da Corbara sur proposition de Michel de Césène. Il fait valider cette désignation par acclamation par le peuple romain. L'antipape prend le nom de Nicolas V et est couronné à Saint-Pierre le [6]. Le pontife n'étant reconnu par aucun évêque, il promeut seize clercs mais aucun n'est reconnu dans son diocèse : l'audience de Nicolas V se limite à des couvents de franciscains[6]. Louis de Bavière nomme alors Marsile de Padoue « Vicaire au spirituel » de Rome avant de s'en retourner à Pise annoncer qu'il repasserait sous peu le col du Brenner[N 2].

Dans cette affaire, Louis de Bavière s'est complètement discrédité : la chrétienté reste fidèle à Jean. Il sort de Rome sous les huées le . Il s'établit à Pise après avoir ravagé le duché de Spolète. Nicolas V ne peut se maintenir à Rome et doit fuir et rejoindre l'empereur à Pise en , dérogeant ainsi à l'édit du . Apprenant que les Visconti se rapprochaient du Légat Bertrand du Poujet, Louis redoute de voir se fermer l'itinéraire d'un retour en Italie. Il quitte précipitamment Pise pour soutenir les gibelins de Lombardie, mais il trouve porte close. Pendant ce temps, Bertand du Pouget, renforcé par une armée florentine, exerce une répression féroce contre les gibelins. Louis de Bavière regagne la Germanie[N 3] et la Ligue gibeline privée de chef et de raison d'être se dissout en 1330[7]. Rassurées par leur prochain départ d'Italie, le 12 août, les cités de Florence et de Pise jugent opportun de signer la paix avec les Impériaux.

Nicolas V est isolé, après maints périples[N 4], il se réfugie, le , chez le comte de Donoratico. Celui-ci obtient la vie sauve du franciscain au bout d'un an de transactions. L'antipape doit accepter de se soumettre et faire amende honorable[N 5]. Livré à Jean XXII, il abdique le et abjure publiquement ses erreurs le . Selon l'expression des chroniqueurs de l'époque, « le pape le traite en ami et le garde en ennemi ». Il meurt consigné dans le palais pontifical le .

Louis de Bavière très affaibli se met en quête d'une solution négociée. Mais les points de vue sont inconciliables et les négociations durent 7 ans sans aboutir : Louis veut bien reconnaître ses fautes, mais il refuse catégoriquement de faire dépendre l'exercice de son pouvoir de l'approbation du Saint-Siège ; or le Saint-Siège maintient cette exigence. Benoît XII, qui succède en 1334 à Jean XXII, est plus souple que son prédécesseur mais ne cède pas sur la question de l'approbation papale. Aux divergences de fond venaient s'ajoutent les lenteurs d'une procédure canonique extrêmement complexe.

Notes et références

Notes

  1. Le , Marsile de Padoue remit solennellement à Louis de Bavière son traité Defensor Pacis (Défense de la paix) dans lequel il détaillait toute une argumentation contre les thèses pontificales. Reprenant et développant les thèmes laïques avancés par Guillaume de Nogaret, il justifiait l'indépendance de l'État face à l'Église. Ses idées fonderont, théoriquement, la future Pragmatique Sanction.
  2. En attendant le Bavarois imposait sa loi à Pise. En octobre 1328, en lieu et place de Simone Saltarelli, il fit nommer (mais non consacrer) par son antipape un nouvel archevêque en la personne de Giovanni di Bettino Nazzari di Lanfranchi. Mais ce fut Gherardho Orlandi, autre nouvel évêque d'Aléria, qui administra le diocèse tout en résidant à Montevaso.
  3. Louis V de Bavière était aussi accompagné par Guillaume d'Occam et Michel de Césène qu'il accueillit à sa Cour. Ce fut là et à Munich, qu'entre 1334 et 1339, Occam rédigea Compendium errorum Iohannis papæ XXII. Puis il s'attela dès 1338 à son important Dialogus super dignitate papali et regia qu'il publia en 1342. Dans ses Huit questions à propos de l'autorité pontificale, il ne reconnaissait au pape qu'une fonction spirituelle. Pour lui, l'Église romaine devait être uniquement la fédération des Églises nationales. Enfin Guillaume d'Occam niait à la fois l'infaillibilité pontificale et celle des conciles généraux. Mais lors du chapitre général de l'Ordre, en 1348, il semble que le Docteur Invincible se réconcilia avec Clément VI. Il décéda à Munich un an plus tard.
  4. Le , l'antipape Nicolas V, dans la cathédrale pisane, excommunia Jean XXII, qu'il tenta de présenter comme un fantoche vêtu en habit pontifical. Pour cela toute la cité de Pise fut frappée d'interdit par le pape.
  5. Avec ce revirement de situation l'archevêque Simone Saltarelli quitte Avignon et put rentrer dans Pise le .

Références

  1. Jean Favier, Les papes d'Avignon, Fayard, 2008, p. 124.
  2. Jean Favier, Les papes d'Avignon, Fayard, 2008, p. 377.
  3. Jean Favier, Les papes d'Avignon, Fayard, 2008, p. 438.
  4. Jean Favier, Les papes d'Avignon, Fayard, 2008, p. 440.
  5. Jean Favier, Les Papes d'Avignon, Fayard, 2008, p. 441.
  6. Jean Favier, Les papes d'Avignon, Fayard, 2008, p. 442.
  7. Jean Favier, Les Papes d'Avignon, Fayard, 2008, p. 444.

Annexes

Bibliographie

  • Jean Favier, Les Papes d'Avignon, Fayard, 2008.
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