Nejiko Suwa
Nejiko Suwa (諏訪根自子), Tokyo, – Tokyo, , est une violoniste japonaise.
Naissance | |
---|---|
Décès |
(à 92 ans) Tokyo |
Nom dans la langue maternelle |
諏訪根自子 |
Nationalité | |
Activité | |
Période d'activité |
à partir de |
Instrument | |
---|---|
Label | |
Genre artistique |
Elle se fait connaître en tant qu'enfant prodige pendant l'entre-deux-guerres. Sa maîtrise du violon lui vaut de recevoir un Stradivarius de la part de Joseph Goebbels le 22 février 1943. Son nom reste aujourd'hui associé à la controverse entourant l'origine de ce cadeau.
Biographie
Nejiko Suwa naît Nejiko Oga à Tokyo en 1920. Elle est très vite qualifiée de prodige du violon à l'âge de 10 ans. Son premier professeur est Nakajima Tazuruko, mais elle progresse assez rapidement pour étudier avec la violoniste russe Anna Bubnova-Ono[1]. Nejiko Suwa est présentée à Efrem Zimbalist lors de sa deuxième tournée asiatique en 1930. Son interprétation du Concerto pour violon en mi mineur de Félix Mendelssohn l'a suffisamment impressionné pour que la réunion fasse la une des journaux. Efrem Zimbalist lui recommande d'étudier à l'étranger et lui propose son aide. Elle refuse l'offre et reste au Japon six ans de plus pendant lesquels elle étudie avec un autre violoniste russe, Alexander Mogilevsky[2].
Carrière en temps de guerre
Après avoir déménagé à Bruxelles en 1936 pour poursuivre ses études avec Evgueni Moguilevski, elle s'installe à Paris, en 1938, pour étudier avec Boris Kamensky[3]. Elle y fait ses débuts européens dans la salle Chopin, le 15 mai 1939. Bien que la Seconde Guerre mondiale éclate quelques mois plus tard, Nejiko Suwa reste à Paris pour se former même pendant l'occupation de Paris. L'Allemagne nazie et le Japon impérial sont à cette époque unis par le pacte tripartite. Cette alliance militaire a permis à Nejiko Suwa de s'épanouir : elle est autorisée à donner des concerts aux troupes allemandes blessées pour renforcer l'alliance[4].
En reconnaissance de ses services aux allemands et de sa « superbe technique et une brillante démonstration d'art[5] » sur l'instrument, Joseph Goebbels lui offre un violon le 22 février 1943. Le cadeau devait être un Stradivarius, et Goebbels lui-même a noté dans son journal qu'il « offre à la violoniste japonaise un violon Stradivarius ». Dans un entretien accordé à un journal japonais, la musicienne semble également croire que le violon était un Stradivarius[5].
Nejiko Suwa est soliste dans un concert donné par l'Orchestre philharmonique de Berlin sous la direction de Hans Knappertsbusch en octobre 1943[6]. Elle continue à voyager entre les villes allemandes pour donner des concerts, mais est, finalement, forcée de quitter Paris en août 1944. Elle rejoint l'entourage de l'ambassadeur Hiroshi Ōshima à l'ambassade du Japon à Berlin en avril 1945, avant de repartir pour Bad Gastein, en Autriche[3]. Elle est capturée dans les Alpes autrichiennes avec toute la mission diplomatique japonaise par la septième armée des États-Unis en mai 1945. Elle et d'autres ressortissants japonais sont placés à bord du paquebot Santa Rosa, au Havre, en France, à destination de New York. Ils sont envoyés en Pennsylvanie en août pour être détenus à l'hôtel Bedford Springs au cœur des montagnes Allegheny avant d'être libérés en novembre et renvoyés au Japon[5].
Succès d'après-guerre
Après la guerre, elle figure dans un concert de bienfaisance en 1951 au Hollywood Bowl en tant que « première star musicale japonaise à avoir foulé le sol américain depuis la signature du traité de paix[5] ». Elle donne également de nombreux concerts au Japon, dont un à des criminels de guerre à la prison de Sugamo en 1952. Après ces années de notoriété publique, elle sort des enregistrements de Bach et Beethoven[7].
Controverse sur le violon
La controverse sur l'instrument vient de la possibilité qu’elle ait effectivement reçu un véritable Stradivarius. Il aurait été l'un des nombreux violons volés ou confisqués aux Juifs pendant la guerre[8].
Les violons Stradivarius appartenant au collectionneur d'art viennois Oskar Bondy et la belle-fille juive de Johann Strauss II sont portés disparus. Joseph Goebbels et son ministère sont connus pour avoir acheté des violons de qualité pour les musiciens allemands. Les dossiers militaires confirment également qu'un Guadagnini de 1765 a été trouvé chez un violoniste allemand qui a déclaré qu'il s'agissait d'un prêt de Goebbels.
Cependant, la provenance de l'instrument offert à Nejiko Suwa reste incertaine. Le neveu de la musicienne, aujourd'hui propriétaire du violon, a refusé de discuter de l'instrument et de l'authentifier[9].
Fin de vie
Nejiko Suwa décède le 6 mars 2012 à l'âge de 92 ans dans sa maison de Tokyo[10].
Postérité
Yusuke Fukada écrit un livre sur la première partie de vie de Nejiko Suwa en Europe, celui-ci est adapté en un film télévisé pour TV Asahi en 1985. La violoniste japonaise Mariko Komuro joue le rôle de la jeune Nejiko Suwa[5].
En 2021, Yoann Iacono publie un premier roman, intitulé Le Stradivarius de Goebbels, librement inspiré de la vie de Nejiko Suwa[11].
Bibliographie
- Yoann Iacono, Le Stradivarius de Goebbels: Roman historique, Slatkine & Cie, (ISBN 978-2-88944-172-3, lire en ligne)
Références
- (en-US) Alexander Kulanov et special to RBTH, « The Bubnova sisters: Fusing Japanese and Russian cultures », sur www.rbth.com, (consulté le ).
- (en) Dr Shinichi Suzuki et Kyoko Selden, Young Children's Talent Education & Its Method, Alfred Music, 72 p. (ISBN 978-1-4574-0505-1, lire en ligne).
- « ”Three Violin Maidens” ヴァイオリン三人娘 (1) », sur Violinist.com (consulté le ).
- Richard Collasse, Seppuku, Le Seuil, , 398 p. (ISBN 978-2-02-114576-2, lire en ligne).
- (en-US) Carla Shapreau, « A Violin Once Owned by Goebbels Keeps Its Secrets », The New York Times, (ISSN 0362-4331, lire en ligne, consulté le ).
- (en) David Schoenbaum, The Violin : A Social History of the World's Most Versatile Instrument, W. W. Norton & Company, , 736 p. (ISBN 978-0-393-08960-8, lire en ligne).
- « Three Violin Maidens », Violinist.com, (consulté le ).
- Mathieu Dejan, « La chercheuse qui veut sauver la mémoire des musiciens persécutés par les nazis », sur Slate.fr, (consulté le ).
- Victor Tribot Laspière, « L’histoire méconnue des instruments de musique spoliés par les nazis », sur France Musique, (consulté le ).
- « Obituary / Nejiko Suwa / Violinist » [archive du ], The Daily Yomiuri, Jiji Press (consulté le ).
- Marc-Olivier Parlatano, « Un violon controversé », sur Le Courrier, (consulté le )
Liens externes
- Ressources relatives à la musique :
- Discogs
- (en) MusicBrainz