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MubĂąhala

La MubĂąhala (arabe : Ù…ÙŰšŰ§Ù‡ÙŽÙ„Ű©), mot qui signifie « ordalie », est une procĂ©dure rituelle prĂ©sente dans l’Arabie prĂ©islamique qui consiste Ă  arbitrer un conflit entre deux parties en appelant mutuellement sur l’adversaire la malĂ©diction des puissances divines.

Dans l’islam, cette pratique est l’objet, dans le Coran, du verset 61 de la sourate Al-Imran, connu comme le Verset de la mubĂąhala. Le mot fait alors rĂ©fĂ©rence Ă  la dispute entre Mahomet et les chrĂ©tiens du Najran, Ă  propos de la nature de ÊżÄȘsā (JĂ©sus), qui eut lieu en l’an 10 AH selon les sunnites, en l’an 11 selon les chiites. L’épisode jouera un rĂŽle important dans la dĂ©termination des relations entre islam et christianisme. Pour les chiites, il a aussi un caractĂšre trĂšs important parce que la mubĂąhala marque l’élection et la puretĂ© des « Gens de la maisonnĂ©e » (Ahl al-bayt) de Mahomet, et en particulier des « Gens du manteau » (Ahl al-Kisa).

Origine du mot et verset de la mubĂąhala

Le rite est dĂ©signĂ© sous deux noms qui viennent de la racine B-H-L, signifiant « maudire, atteindre de sa malĂ©diction »[1] : ibtihĂąd (masdar de la forme VIII) qui donne l’idĂ©e d’implorer Dieu contre une personne (il n’y a pas alors de rĂ©ciprocitĂ©), et mubĂąhala (masdar de la forme ) qui marque l’idĂ©e de se maudire l’un l’autre[1] et que Louis Massignon traduit par « exĂ©cration rĂ©ciproque »[2] et Louis Gardet par « ordalie d'exĂ©cration »[3].

Le mot apparaĂźt (sous la forme verbale itbahala) dans le Coran (al-Imran, 61), au verset appelĂ© prĂ©cisĂ©ment dit de la mubĂąhala : « Si quelqu'un te contredit aprĂšs ce que tu as reçu en fait de science, dis : "Venez, appelons nos fils et vos fils, nos femmes et vos femmes, nous-mĂȘmes et vous-mĂȘmes ; nous ferons alors une exĂ©cration rĂ©ciproque en appelant une de Dieu sur les menteurs". (Traduction Denise Masson) »« »

L'histoire

Dans la neuviĂšme annĂ©e de l'HĂ©gire, Mahomet Ă©crivit une lettre Ă  Abdul Haris Ibn Alqama (en), l'Ă©vĂȘque de Najran qui Ă©tait le reprĂ©sentant officiel de l'Église dans le Hedjaz, et il invita les habitants chrĂ©tiens de cette rĂ©gion Ă  embrasser l’islam. En rĂ©ponse Ă  cette lettre, les chrĂ©tiens envoyĂšrent une dĂ©putation Ă  Mahomet[4]. Une dispute eut lieu entre le prophĂšte et la dĂ©lĂ©gation chrĂ©tienne sur le statut de JĂ©sus dans le christianisme, Ă  savoir que JĂ©sus est Dieu, ou l’incarnation de Dieu ou encore le fils de Dieu[5]. À l'encontre de cela, le prophĂšte affirmait que JĂ©sus est une crĂ©ature de Dieu et, comme le chrĂ©tiens ne voulaient pas l’accepter, il les a invitĂ©s Ă  procĂ©der Ă  une ordalie, appelĂ©e en arabe mubĂąhala. L'invitation Ă  participer a Ă©tĂ© Ă©tendue, dans l'une et l'autre des parties, aux fils et aux femmes[6]. Le Coran raconte cette ordalie dans la sourate al-Imran, versets 59-61. Le verset dit « de la mubĂąhala » est le 61 :

« Oui, il en est de Jésus comme d'Adam, auprÚs de Dieu: Dieu l'a créé de terre, puis il lui a dit "Sois" et il est.

La Vérité émane de ton Seigneur, ne sois pas au nombre de ceux qui doutent.

Si quelqu'un te contredit aprĂšs ce que tu as reçu en fait de science, dis: "Venez, appelons nos fils et vos fils, nos femmes et vos femmes, nous-mĂȘmes et vous-mĂȘmes; nous ferons alors une exĂ©cration rĂ©ciproque en appelant une de Dieu sur les menteurs". (Al-Imran, 3:59-61, traduction Denise Masson) »

Les participants

Le ProphĂšte choisit quatre membres de sa famille pour reprĂ©senter les musulmans: Hasan, Husayn, Fatima et Ali Ibn Abi Talib. Husayn se trouvait sur les Ă©paules du ProphĂšte qui tenait Hasan par la main, tandis que Fatima et Ali venaient Ă  sa suite. Le ProphĂšte leur demanda alors de dire : « Amen » aprĂšs chaque invocation qu’il rĂ©citerait. De leur cĂŽtĂ©, les chefs de la dĂ©lĂ©gation de Najran s’entretenaient entre eux: si « Mohammed » Ă©tait venu accompagnĂ© de son armĂ©, il n'aurait pas Ă©tĂ© sincĂšre; mais puisqu'il venait seul avec sa famille, il Ă©tait Ă©vident qu'il croyait sincĂšrement en son message.

Le jour de MubĂąhala

Quand ils virent donc arriver le ProphĂšte accompagnĂ© des seuls quatre membres de sa famille, ils furent Ă©tonnĂ©s. L’évĂȘque dit alors:

« Je vois des visages. Lorsque ces gens font des invocations, les plus grandes montagnes se dĂ©placent immĂ©diatement. Il n’est pas raisonnable d’exercer l’exĂ©cration rĂ©ciproque avec ces nobles personnes car il est possible que nous pĂ©rissions et que le chĂątiment nous atteigne, et que l’ensemble des chrĂ©tiens du monde pĂ©rissent du mĂȘme coup[7]. »

La dĂ©lĂ©gation se mit d’accord pour ne pas exercer l’exĂ©cration rĂ©ciproque et payer l’impĂŽt annuel en contrepartie de la sĂ©curitĂ© pour leurs vies et leurs biens[8].


Mention de cet événement dans les livres sunnites

Ibn Kathir Ă©crit dans son commentaire du Coran:

« Certains des chrétiens de Najran vinrent vers le ProphÚte et ont discuté avec lui au sujet de Jésus... Le ProphÚte les a alors appelés à procéder à la Mubùhala, et il est venu avec Ali, Fatima, Hassan et Hussein[9]. »

Notes et références

  1. A. de Biberstein Kazimirski, Dictionnaire arabe-français, Tome I, Beyrouth, Librairie du Liban, réimpression s.d. de l'édition de 1860, p. 172-173 [lire en ligne (page consultée le 11 décembre 2020)]
  2. Massignon 1942, p. 6.
  3. Louis Gardet, L'islam. Religion et communauté. Paris, Desclée de Brouwer, 1967, p. 75.
  4. Samih Atif Zayn, Mohammad (s) dar Medina, TĂ©hĂ©ran, Jami, , 1091–1103 p.
  5. Muhammad Saed Abdul-Rahman, Tafsir Ibn Kathir Juz '3 (Partie 3) : Al-Baqarah 253 Ă  Al-I-Imran 92, MSA, , 267 p. (ISBN 978-1-861-79679-0, lire en ligne), p. 179-184
  6. (en) Muhammad Husayn Tabataba'i (voir Chapter 3 "Ale-Imraan", Verses 61-63), Tafsir al-Mizan, Tawheed Institut Australie Ltd, (lire en ligne)
  7. Al-Fakhr Al-Razi, TafsĂźr Al KabĂźr
  8. Shaykh Tabarsi, Majma al-bayĂąn fi Tafs^rr al-Qur'Ăąn, Beyrouth,
  9. ّ Ibn Kathir, ŰȘÙŰłÛŒŰ± Ű§Ù„Ù‚Ű±ŰąÙ† Ű§Ù„ŰčŰžÛŒÙ…, vol. 1, p. 370

Bibliographie

Document utilisĂ© pour la rĂ©daction de l’article : document utilisĂ© comme source pour la rĂ©daction de cet article.

  • Paul Ballanfat et Mohyddin Yahia, « Ordalie », dans Mohammed Ali Amir-Moezzi (dir.), Dictionnaire du Coran, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 981 p. (ISBN 978-2-221-09956-8), p. 618-620. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • GeneviĂšve Gobillot, « NajrĂąn », dans Mohammed Ali Amir-Moezzi (dir.), Dictionnaire du Coran, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 981 p. (ISBN 978-2-221-09956-8), p. 589. Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • Louis Massignon, « La MubĂąhala. Étude sur la proposition d'ordalie faite par le prophĂšte Muhammad aux chrĂ©tiens BalhĂ rith du NajrĂ n en l'an 10/631 Ă  MĂ©dine », École pratique des hautes Ă©tudes, Section des sciences religieuses, vol. Annuaire 1943-1944,‎ , p. 5-26 (DOI https://doi.org/10.3406/ephe.1942.17495, lire en ligne). Ouvrage utilisĂ© pour la rĂ©daction de l'article
  • « La mubĂąhala de MĂ©dine et l'hyperdulie de Fatima », dans Louis Massignon, Opera Minora, t. I : Islam, culture et sociĂ©tĂ© islamique, Paris, PUF, (rĂ©Ă©dition amplifiĂ©e de l'Ă©tude parue en 1943), p. 550-572
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