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Moyenneurs

Moyenneurs est l’appellation, d’abord péjorative[1], désignant les partisans d’un compromis dogmatique entre catholiques et réformés et d’une réconciliation religieuse dans les guerres de religion françaises des décennies 1550 et 1560.

François Baudouin.
Estampe du graveur Léonard Gaultier, Pourtraictz de plusieurs hommes illustres qui ont flory en France depuis l'an 1500 jusques à présent.

Cette appellation est forgĂ©e par les rĂ©formĂ©s pour dĂ©signer essentiellement des catholiques modĂ©rĂ©s. On fait gĂ©nĂ©ralement remonter l’invention du qualificatif de « moyenneurs Â» Ă  l’annĂ©e 1549, oĂą il apparaĂ®t sous la plume de Calvin[2] - [3]. Les penseurs et thĂ©oriciens de ce courant se sont parfois appropriĂ©s ce terme par la suite, Ă  l’instar du thĂ©ologien Claude d'Espence Ă©crivant en 1568 que « mieux vault estre Moyenneur qu’OultrĂ©[1]. Â»

Les idĂ©es des « moyenneurs Â», qui dĂ©rivent en partie de l’irĂ©nisme Ă©rasmien et s’appuient sur les Ă©crits du thĂ©ologien des Pays-Bas Georges Cassander[4], comme leur volontĂ© de concorde religieuse et de rĂ©conciliation des chrĂ©tiens[5], commencent Ă  rencontrer un Ă©cho essentiellement après la conjuration d'Amboise de 1560. La prĂ©occupation de ce courant rĂ©side alors dans la recherche d’un terrain d’entente afin d’opĂ©rer un retour Ă  l’union religieuse et de prĂ©server ainsi la cohĂ©sion de l’État[5]. Pour cela, des « moyenneurs Â» comme le juriste François Baudouin cherchent Ă  dĂ©finir les points essentiels sur lesquels s’entendre en matière de thĂ©ologie au colloque de Poissy en 1561, qui n’aboutit pas[6].

Selon StĂ©phane Gal, qui a Ă©tudiĂ© ce courant dans la ville de Grenoble pendant la Ligue, cette voie « moyenne Â» a Ă©tĂ© incarnĂ©e dans la dĂ©cennie 1580 par des magistrats refusant de prendre parti pour le camp de la Ligue comme pour celui du roi Henri IV ; l'auteur propose un Ă©largissement de la dĂ©finition des « moyenneurs[7]. » Cette position d’équilibre aboutit globalement Ă  un Ă©chec, Ă  l’instar du colloque de Poissy marquĂ© par l’intransigeance des deux camps. Le rĂ´le mĂ©diateur des « moyenneurs Â» a cependant Ă©tĂ© soulignĂ© comme ayant pu enrayer la violence politique et religieuse[7].

Les « moyenneurs Â» sont parfois considĂ©rĂ©s comme ayant ouvert la voie au mouvement des « Politiques Â» ou irĂ©niques[7], juristes et parlementaires (comme Étienne Pasquier) partisans de la rĂ©conciliation nationale après la fin de l’épisode ligueur en 1594 et qui se rallient finalement au pouvoir royal incarnĂ© en la personne du roi Henri IV.

Notes et références

  1. Jouanna, Boucher et Biloghi 1998, p. 1134-1136.
  2. Loris Petris, La Plume et la Tribune. Michel de L’Hospital et ses discours (1559-1562), Genève, Droz, 2002, p. 39.
  3. Jouanna, Boucher et Biloghi 1998, p. 1134.
  4. Stéphan Geonget, « Mediocritas aurea. La fortune politique d’une formule dans quelques écrits “moyenneurs” de Rabelais à G. Cassander » dans E. Naya et A.-P. Pouey-Mounou (dir.), Éloge de la médiocrité. Le juste milieu à la Renaissance, Presses de la rue d’Ulm, 2005, coll. « Coup d’essai », p. 165-181.
  5. Turchetti 1984.
  6. Wanegffelen 1997, p. 99-208.
  7. Gal 2001, p. 403-431.

Bibliographie

  • StĂ©phane Gal, « Malaise et utopie parlementaires au temps de la Ligue : les « moyenneurs » du parlement de DauphinĂ© », Revue historique, Paris, Presses universitaires de France, no 618,‎ , p. 403-431 (lire en ligne).
  • Guglielmo Gorni et Alain Dufour, « Concorde ou tolĂ©rance ? Un thèse qui modifie le panorama historique », Bibliothèque d'Humanisme et Renaissance, Paris, Librairie Droz, t. 45, no 2,‎ , p. 351-353 (JSTOR 20676870).
  • Arlette Jouanna, Jacqueline Boucher, Dominique Biloghi et Guy Le Thiec, Histoire et dictionnaire des guerres de religion, Paris, Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1526 p. (ISBN 2-221-07425-4, prĂ©sentation en ligne).
  • (it) Mario Turchetti, Concordia o tolleranza ? François Bauduin (1520-1573) e i « Moyenneurs », Genève, Librairie Droz, coll. « Travaux d'humanisme et Renaissance » (no 200), , 649 p. (prĂ©sentation en ligne)
    Autre édition : (it) Mario Turchetti, Concordia o tolleranza ? François Bauduin (1520-1573) e i « Moyenneurs », Milan, Franco Angeli Editore, coll. « Filosofia e scienza nel Cinquecento e nel Seicento / 1 » (no 24), , 649 p. (présentation en ligne).
  • Mario Turchetti, « Concorde ou tolĂ©rance ? Les Moyenneurs Ă  la veille des guerres de religion en France », Revue de thĂ©ologie et de philosophie, vol. 118, no 3,‎ , p. 255-267 (ISSN 0035-1784, JSTOR 44356529).
  • Mario Turchetti, « Une question mal posĂ©e : la Confession d'Augsbourg, le cardinal de Lorraine et les Moyenneurs au Colloque de Poissy en 1561 », Zwingliana, vol. 20,‎ , p. 53-101 (lire en ligne).
  • Mario Turchetti, « Calvin face aux tenants de la concorde (moyenneurs) et aux partisans de la tolĂ©rance (castellionistes) », dans Olivier Millet (dir.), Calvin et ses contemporains : actes du colloque de Paris, 1995, Genève, Librairie Droz, coll. « Cahiers d'humanisme et Renaissance » (no 53), , 314 p. (ISBN 2-600-00255-3, prĂ©sentation en ligne), p. 43-56.
  • Thierry Wanegffelen (postface Bernard Cottret), Ni Rome ni Genève : des fidèles entre deux chaires en France au XVIe siècle, Paris, HonorĂ© Champion, coll. « Bibliothèque littĂ©raire de la Renaissance / 3 » (no 36), , XX-681 p. (ISBN 2-85203-673-8, prĂ©sentation en ligne).
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