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Mouvement d'envoi des zhiqing Ă  la campagne

Le mouvement d’envoi des zhiqing Ă  la campagne (chinois simplifiĂ© : 䞊汱䞋äčĄèżćŠš ; chinois traditionnel : äžŠć±±äž‹éƒ·é‹ć‹• ; pinyin : ShĂ ngshān xiĂ xiāng yĂčndĂČng ; litt. « Mouvement Monter Ă  la montagne et descendre Ă  la campagne ») est une politique menĂ©e en rĂ©publique populaire de Chine par Mao Ă  l’issue de la rĂ©volution culturelle. De 1968 jusqu’à la fin des annĂ©es 1970, prĂšs de 17 millions de jeunes Chinois des villes sont envoyĂ©s autoritairement Ă  la campagne, victimes d’un des mouvements les plus radicaux lancĂ©s par la rĂ©publique populaire de Chine. Le Parti communiste chinois voulait transformer ces jeunes citadins en paysans pour le reste de leurs jours. On appellera ces jeunes les zhiqing, ou « jeunes instruits » en français.

Mouvement d'envoi des zhiqing Ă  la campagne
Description de cette image, également commentée ci-aprÚs
Musée des Zhiqing à Heihe
Date De 1967 jusqu’à la fin des annĂ©es 1970
Lieu Drapeau de la RĂ©publique populaire de Chine Chine
Cause Neutralisation des Gardes rouges

L'origine du mouvement

Contexte

Conflit entre Mao et Liu pendant la révolution culturelle.
Liu Shaoqi, President of the People's Republic of China
Le chef du Parti Mao Zedong (à gauche ) et le président chinois Liu Shaoqi (à droite)

Selon l'historiographie chinoise, la rĂ©volution culturelle commence en 1966 et s'achĂšve en 1976 avec la mort de Mao Zedong. Il s'agit d'une lutte pour le pouvoir oĂč Mao tente de reprendre son autoritĂ© au sein mĂȘme du Parti communiste chinois oĂč il est contestĂ© aprĂšs l'Ă©chec du Grand Bond en avant[1]. Pour cela Mao Zedong dĂ©cide de dĂ©truire le Parti communiste en s'appuyant sur son entourage personnel[N 1] et les masses qu'il compte mobiliser en comptant sur son charisme. Pour Mao la menace rĂ©visionniste ne vient pas des ennemis du Parti mais du Parti lui-mĂȘme. Les Ă©tudiants et lycĂ©ens rĂ©pondent avec enthousiasme Ă  l'appel de Mao : « Bombardez le quartier gĂ©nĂ©ral ». Pour la sinologue Marie-Claire BergĂšre c'est une « curieuse alliance que celle du hiĂ©rarque vieillissant avec ces adolescents fanatisĂ©s qui le considĂšrent comme un dieu »[2]. Les gardes rouges s'attaquent aux cibles dĂ©signĂ©es : les hauts fonctionnaires et les intellectuels, mais aussi Ă  tous les Chinois soupçonnĂ©s de s'opposer au prĂ©sident Mao. Les interprĂ©tations des consignes donnĂ©es conduisent les gardes rouges Ă  se scinder en factions rivales[3]. Les opposants au Grand Timonier sont balayĂ©s par la violence des Gardes rouges notamment Liu Shaoqi qui meurt en prison en 1969. Mais la Chine plonge dans une guerre civile et l'unitĂ© nationale est menacĂ©e[N 2]. En 1967, Mao Zedong dĂ©cide de mettre fin au mouvement des Gardes rouges qui menace son pouvoir retrouvĂ©. Il s'appuie pour cela sur l'ArmĂ©e populaire de libĂ©ration contrĂŽlĂ©e par Lin Biao. Les Gardes rouges disparaissent du paysage politique chinois. Leurs chefs comme Tan Houlan, Nie Yuanzi ou Kuai Dafu sont emprisonnĂ©s, le gros des troupes est enrĂŽlĂ© par l'ArmĂ©e ou envoyĂ© Ă  la campagne pour y ĂȘtre « rĂ©Ă©duquĂ© »[4]. Entre 1968 et 1980, prĂšs de 17 millions de jeunes urbains sont envoyĂ©s autoritairement Ă  la campagne dont le noyau essentiel comprend 4 670 000 anciens Gardes rouges dĂ©portĂ©s entre 1968 et 1969[5]. Pour Thierry Wolton, un tel dĂ©placement de population Ă  la campagne est exceptionnel mais comparable Ă  la dĂ©portation organisĂ©e par le rĂ©gime khmer rouge au Cambodge oĂč c'est l’intĂ©gralitĂ© de la population qui est dĂ©placĂ©e avec des consĂ©quences dramatiques[6]. Le sinologue Alain Roux note qu'avec l'envoi de 17 millions d'adolescents et de jeunes gens dans les campagnes chinoises les Gardes rouges « disparaissent sans gloire »[7]. Les universitaires Roderick Mac Farquhar et Michael Schoenhals mentionnent que la fin des Gardes rouges ne met pas fin aux violences mais est le « prĂ©lude Ă  une campagne toujours plus large de terreur oĂč plus de gens encore furent torturĂ©s, estropiĂ©s, rendus fous, tuĂ©s ou acculĂ©s au suicide »[8].

Les motivations de Mao Zedong

Mao Zedong a plusieurs motivations en engageant le mouvement d'envoi des zhiqing Ă  la campagne :

Idéologie

Pour Mao Zedong, les intellectuels doivent servir le peuple des ouvriers et paysans : « Nous recommandons aux intellectuels d'aller parmi les masses, dans les usines, dans les campagnes »[9]. Le Grand Timonier préconise « la réforme de la pensée par le travail », mais selon Jung Chang il n'expliqua jamais la relation entre les deux. Une interrogation sur ce sujet relÚve alors d'une « trahison »[10].

Mao veut rĂ©former la mentalitĂ© des jeunes urbains pour en faire les successeurs des fondateurs du rĂ©gime, et Ă©liminer les divisions qui se font jour au sein de la sociĂ©tĂ©. L'objectif est un objectif de « rĂ©Ă©ducation ». Selon le Grand Timonier, la jeunesse urbaine serait en effet de plus en plus Ă©litiste et coupĂ©e des masses. C'est d'abord la premiĂšre gĂ©nĂ©ration qui n’a pas connu la rĂ©volution. Mais cette conviction est Ă©galement un effet de l’« anti-intellectualisme » de Mao[11] : le Rouge doit l’emporter sur l’expert, la foi rĂ©volutionnaire sur la connaissance (les intellectuels sont qualifiĂ©s de « puants de la neuviĂšme catĂ©gorie » par Mao[12]), la vertu rĂ©volutionnaire sur la sĂ©lection par les examens.

Mao craint aussi l'institutionnalisation des valeurs rĂ©volutionnaire, dans le cadre quasiment messianique (communisme) et charismatique. Les jeunes des villes doivent rĂ©apprendre les vraies valeurs, des valeurs quasi religieuses : goĂ»t de l’effort et de l’endurance, goĂ»ts simples, mode de vie spartiate. L'envoi Ă  la campagne est considĂ©rĂ© comme une revivification de la RĂ©volution, une façon de retourner aux sources, c'est-Ă -dire Ă  la campagne, puisque la rĂ©volution a Ă©tĂ© faite d'abord par les paysans. Le mouvement a souvent a pris la forme d’une nouvelle Longue Marche.

Jung Chang indique avoir constaté que les enfants des nouveaux Comités révolutionnaires ou ceux des officiers de l'Armée populaire de libération sont épargnés par cet envoi à la campagne[13]. Ces enfants pouvaient alors s'engager dans l'armée, ainsi l'un des signes de pouvoir est d'avoir des enfants au sein de l'armée[14]. Par ailleurs de nombreux jeunes instruits sont envoyés dans les fermes que dirige l'armée dans les provinces frontaliÚres[15].

Politique : restaurer l’ordre et renforcer le « pouvoir charismatique » de Mao Zedong

Rassemblement de Gardes rouges sur la place Tian'anmen Ă  PĂ©kin.

À partir de l'automne 1967, les autoritĂ©s chinoises cherchent Ă  rĂ©tablir l'ordre et souhaitent en finir avec les Gardes rouges qui n'ont plus d'utilitĂ© politique. De plus certains d'entre eux commencent Ă  Ă©laborer des idĂ©ologies qui pourraient remettre en cause le rĂ©gime au pouvoir. Les premiers jeunes sont envoyĂ©s dans les rĂ©gions frontaliĂšres, mais les jeunes Chinois prĂ©fĂšrent rester oisifs dans les villes. Mao Zedong donne deux directives pour accĂ©lĂ©rer, une en septembre et un autre en pour envoyer en masse les jeunes instruits et les personnes sans emploi. Michel Bonnin considĂšre qu'il existe « un lien trĂšs net entre la mise au pas des Gardes rouges et la reprise massive de l'envoi des jeunes Ă  la campagne »[16]. La presse chinoise de l'Ă©poque informe que le xiaxiang a pour objectif de « consolider la dictature du prolĂ©tariat et empĂȘcher le retour du capitalisme », ce qui devait permettre de consolider la ligne politique de Mao Zedong et Ă©viter le retour des rĂ©visionnistes comme Liu Shaoqi[N 3]. Le mouvement a permis de conforter le « pouvoir charismatique » de Mao Zedong[17].

« Déroutinisation »

Selon Hannah Arendt, « les formations totalitaires ne restent au pouvoir qu’aussi longtemps qu’elles demeurent en mouvement et mettent en mouvement ce qui les entoure »[18]. Pour Michel Bonnin, l'envoi Ă  la campagne de jeunes citadins est un trĂšs bon moyen de « mettre en mouvement » la sociĂ©tĂ© chinoise. Selon le Quotidien du peuple c'Ă©tait « un Ă©lĂ©ment important de la grandiose thĂ©orie du PrĂ©sident Mao sur la poursuite de la rĂ©volution sous la dictature du prolĂ©tariat »[19].

Mais ils font aussi l'expĂ©rience d'une libertĂ© de parole extraordinaire durant cette pĂ©riode. Lu Yaoke, un Ă©tudiant, peut ainsi s’insurger contre l'aspect fĂ©odal du rĂ©gime (hĂ©rĂ©ditĂ© de classe). Ils jouissent d'une libertĂ© d'expression et d'action inouĂŻes, puisqu'il leur est reconnu le droit de critiquer, si ce n'est renverser, toutes les autoritĂ©s Ă©tablies.

Socio-Ă©conomiques

L'envoi Ă  la campagne des jeunes dĂ©sƓuvrĂ©s doit permettre d'Ă©viter les dĂ©sordres[10].

Officiellement une priorité est donnée au développement de l'agriculture. Les zhiqing doivent devenir un « paysan d'un type nouveau » sachant cultiver mais aussi lire et compter. Mao Zedong veut glorifier l'esprit pionnier indispensable à l'édification d'une agriculture novatrice permettant un nouveau Grand Bond en avant cette fois-ci pour le monde agricole. Les zhinong qingnian (jeunes aidant l'agriculture) doivent devenir comptable ou instituteur, mettre en place une agriculture mécanisée, favoriser une meilleure hygiÚne de vie des paysans en devenant infirmier ou médecin. Ces objectifs premiers sont maintenus pendant la révolution culturelle, toutefois ils sont complétés par le « travail politique » visant à éduquer les populations rurales. En dehors de ces priorités le zhiqing doit travailler dans les champs. Pour Michel Bonnin il s'agit là d'un leurre car les jeunes issus des milieux urbains ne peuvent pas rivaliser avec les connaissances d'un monde paysan parfaitement adapté à son environnement[20].

L’expĂ©rience commune d'une gĂ©nĂ©ration

Le début du mouvement

L'expression « jeunes instruits » est la traduction de zhishi qingnian abrĂ©gĂ© en zhiqing[21]. À l'automne 1967, alors que la Chine, plongĂ©e dans le chaos, est au bord de la guerre civile, une circulaire ordonne l'organisation du dĂ©part des nouveaux diplĂŽmĂ©s Ă  la campagne[22]. Environ la moitiĂ© de la gĂ©nĂ©ration de jeunes urbains durant cette pĂ©riode est concernĂ©e.

Ce mouvement s'appelle le xiaxiang (« descendre Ă  la campagne »). Loin d'ĂȘtre une nouveautĂ©, il avait Ă©tĂ© employĂ© auparavant par les communistes chinois. Ainsi aprĂšs la campagne des Cent fleurs quatre cent soixante mille contestataires sont « dĂ©portĂ©s » en 1957-1958, essentiellement dans les camps de travaux forcĂ©s, les laogaĂŻ[23].

À la campagne, dĂ©couverte et dĂ©sillusion

La majorité des paysans désapprouvent l'arrivée de ces jeunes instruits inaptes aux travaux des champs, il les considÚrent comme un « autre fardeau importun »[24].

Les zhiqing dĂ©couvrent les conditions de vie des paysans prĂšs de vingt ans aprĂšs la mise en place d'un rĂ©gime communiste en 1949. Dans son autobiographie Les Cygnes sauvages, la jeune instruite et ancienne garde rouge Jung Chang, dĂ©placĂ©e Ă  Ningnan, mentionne l'absence de machines agricoles et de bĂȘtes, les paysans ne pouvant pas les nourrir. Tout s'effectuait manuellement dans un village sans Ă©lectricitĂ©[25]. Elle indique une situation similaire dans l'ensemble du Sichuan, en dehors des buffles d'eau pour le labourage, il n'y a pas de bĂȘtes de trait. Le transport de l'eau, du combustible, de la nourriture ou du purin s'effectuent Ă  dos d'homme avec des paniers de bambou ou des rĂ©cipients suspendus au bout d'une perche[26]. Les idĂ©aux des anciens gardes rouges vacillent, ce qu'ils constatent est en contradiction avec le discours de supĂ©rioritĂ© de la voie maoĂŻste de dĂ©veloppement du monde rural. Les paysans Ă©voquent avec regret l'ancienne politique agricole de Liu Shaoqi. Ces mesures, dites des « trois libertĂ©s », sont la privatisation des terres, la mise en place de marchĂ©s libres et l'autorisation de petites sociĂ©tĂ©s privĂ©es. Elles ont Ă©tĂ© balayĂ©es par les idĂ©ologues de la rĂ©volution culturelle. Or ces jeunes Ă©taient les bras armĂ©s de la ligne rĂ©volutionnaire de Mao Zedong. D'autres paysans Ă©voquaient la famine du Grand bond en avant. Ces dĂ©couvertes de la rĂ©alitĂ© du terrain Ă©taient une surprise cruelle[27].

Les zhiqing considĂšrent ĂȘtre sacrifiĂ©s pour le maintien du MaoĂŻsme. Ils se considĂšrent comme abandonnĂ©s dans des campagnes isolĂ©es et ne trouvent pas leurs places au sein de celles-ci. Ils se trouvent Ă  la merci des fonctionnaires de la rĂ©gion; punitions non motivĂ©es, violences Ă  leur encontre, viol des jeunes filles sont des comportements courants Ă  l'Ă©gard de ces jeunes urbains[28].

L’expĂ©rience douloureuse du retour

Pour revenir chez eux les zhiqing peuvent utiliser plusieurs procédés. Le plus courant est la corruption. Avec beaucoup d'argent il est possible d'obtenir le droit certifié de rentrer en ville. Un autre moyen est le certificat médical, le médecin doit alors certifier que l'état de santé du jeune instruit nécessite un rapatriement dans sa famille, le pot-de-vin est bien nécessaire mais le médecin doit aussi constituer un dossier médical étayé. Le montant financier de cette corruption, environ cinq cents yuans, limite cette voie d'échapper au xiaxiang aux familles des privilégiés. Un autre moyen est réservé aux jeunes filles, celles-ci peuvent monnayer leurs charmes, auprÚs des cadres du parti communiste, contre la promesse d'un retour. Bien souvent, elles sont « libérées » quand elles sont enceintes, au point qu'un hÎpital de Pékin se spécialise dans l'accouchement des jeunes instruites de retour[29].

De cette pĂ©riode la sociologue Li Yinhe, une ancienne jeune instruite, indique : « Nous n’avons plus fait confiance trop facilement Ă  quiconque. Au dĂ©but, la personne qui nous a dit d’aller dans le vaste monde pour y ĂȘtre rĂ©Ă©duquĂ©s, n’avait sans doute pas imaginĂ© quel serait l’effet de cette cruelle dĂ©cision, quel genre de personnes elle forgerait ainsi. Son idĂ©alisme a formĂ© notre rĂ©alisme ; son dogmatisme a engendrĂ© notre libertĂ© de pensĂ©e ; sa politique d’abrutissement du peuple a Ă©tĂ© Ă  l’origine de notre indĂ©pendance d’esprit »[30].

Le manque d'expĂ©rience de ces jeunes les relie Ă  ces trois catĂ©gories : ni intellectuels, ni ouvriers, ni vraiment paysans. Ce sont des jeunes, issus de toutes les classes urbaines, que l’envoi Ă  la campagne a transformĂ©s en dĂ©classĂ©s privĂ©s d’avenir. Ils ont interrompu leurs Ă©tudes et ne valent plus rien Ă  leur retour. Le rĂ©gime ne leur prĂ©pare aucun avenir et cela les pousse Ă  exprimer leur mĂ©contentement. On les qualifie de gĂ©nĂ©ration « perdue ». Ils sont rejetĂ©s de la ville oĂč ils sont souvent discriminĂ©s[30].

Lors du mouvement du 5 avril 1976, Jean-Philippe Béja indique que sur la place Tian'anmen, se trouvent parmi les manifestants des jeunes instruits revenus clandestinement de la campagne. Ils y cÎtoient des intellectuels persécutés depuis le début de la révolution culturelle ou des cadres étiquetés révisionnistes[31].

Pour Jean-Philippe Béja la manifestation du , à laquelle des jeunes instruits ont participé, constitue le socle de la coalition qui devait engager les réformes en 1978[31], avec le mur de la démocratie et le Printemps de Pékin.

Les examens d’entrĂ©e Ă  l’universitĂ© sont remis en place en 1978. Les zhiqing peuvent y prĂ©tendre car la classe d'Ăąge des possibles candidats est repoussĂ©e jusqu'Ă  31 ans. Toutefois seuls les candidats ayant obtenu au prĂ©alable l'accord des unitĂ©s de travail pouvaient se prĂ©senter. Par ailleurs le nombre de places Ă©tant trĂšs limitĂ©, la compĂ©tition est forte[32].

La place des zhiqing dans la société chinoise moderne

Le caractĂšre massif de cette dĂ©portation et la nature irrĂ©ductible de l'expĂ©rience qu'ils ont vĂ©cue dans les campagnes chinoises ont fait de cette gĂ©nĂ©ration une gĂ©nĂ©ration Ă  part. Elle est devenue emblĂ©matique de la crise de la sociĂ©tĂ© traversĂ©e Ă  l'issue de la rĂ©volution culturelle jusqu'Ă  la fin des annĂ©es 1970. Surtout, une vĂ©ritable conscience de gĂ©nĂ©ration entre ses membres s'est constituĂ©e, et il est admis en Chine qu'il s'agit d'une gĂ©nĂ©ration originale, une entitĂ© collective, avec un mode de pensĂ©e et d’action commun.

On dit souvent d'elle qu'il s'agit d'une « gĂ©nĂ©ration perdue ». Outre l'amertume d'avoir Ă©tĂ© envoyĂ©s Ă  la campagne pendant plusieurs annĂ©es dans des conditions gĂ©nĂ©ralement pĂ©nibles, loin de leur famille, les zhiqing ont eu les plus grandes peines Ă  se rĂ©insĂ©rer en ville Ă  leur retour. Ceux qui Ă©taient revenus en ville illĂ©galement furent souvent rĂ©duits au travail clandestin, aux trafics ou Ă  la dĂ©linquance. Pour les autres qui rentrĂšrent rĂ©guliĂšrement, leur scolaritĂ© avait Ă©tĂ© prĂ©maturĂ©ment interrompue et bien peu arrivĂšrent Ă  rĂ©intĂ©grer le systĂšme Ă©ducatif. Ils se retrouvĂšrent sans formation, et souvent sans travail. Cette situation difficile qu'ils partagent ne fit que renforcer leur sentiment d'ĂȘtre Ă  part.

Enfin, leur désillusion totale sur la nature du régime en feront les partisans les plus résolus du Mouvement démocratique chinois qui fera surface à partir de la fin des années 1970.

Un musée des Zhiqing est ouvert au public à Heihe en Chine[33]. Le Musée de Liangjiahe retrace la vie de Xi Jinping alors qu'il était un Zhiqing.

Notes et références

Notes

  1. Il s'agit notamment de ceux qu'on appellera ultĂ©rieurement la bande des Quatre composĂ©e de Jiang Qing, la femme de Mao Zedong, Zhang Chunqiao, Wang Hongwen et Yao Wenyuan, symboles de la RĂ©volution culturelle et de ses dĂ©rives, ils furent arrĂȘtĂ©s le 6 octobre 1976, un mois aprĂšs la mort de Mao Zedong.
  2. En aoĂ»t 1967, le ministĂšre des affaires Ă©trangĂšres Ă  PĂ©kin est occupĂ© par les gardes rouges et l'ambassade du Royaume-Uni est incendiĂ©e Ă  PĂ©kin. Les intĂ©rĂȘts occidentaux sont visĂ©s.
  3. Liu Shaoqi s'oppose Ă  Mao Zedong Ă  l'issue du Grand Bond en avant. RenversĂ© et arrĂȘtĂ© lors de la RĂ©volution culturelle, il dĂ©cĂšde en prison en 1969.

Références

  1. RĂ©volution culturelle en Chine EncyclopĂ©die Universalis, « ContestĂ© Ă  la tĂȘte du rĂ©gime aprĂšs l'Ă©chec du Grand Bond en avant (1958-1961), qui a provoquĂ© un vĂ©ritable marasme Ă©conomique en Chine populaire et accĂ©lĂ©rĂ© la rupture des relations avec l'U.R.S.S. (1960), Mao Zedong lance, lors de l'Ă©tĂ© de 1966, une « grande rĂ©volution culturelle prolĂ©tarienne » censĂ©e reprĂ©senter une nouvelle Ă©tape de dĂ©veloppement dans l'histoire du pays. » EncyclopĂŠdia Universalis
  2. BergĂšre 1987, p. 119-124
  3. Les Massacres de la RĂ©volution culturelle : Textes de Song Yongyi, traduit par Marc Raimbourg, sous la direction de Marie Holzman, p. 9
  4. BergĂšre 1987, p. 125-133
  5. Bonnin 2004
  6. Thierry Wolton Histoire mondiale du communisme: Les bourreaux
  7. Roux 2009, p. 804
  8. MacFarquhar 2009, p. 319
  9. Tanguy L'Aminot Mao Zedong et Jean-Jacques Rousseau : à propos des zhiqing Revue Rousseau Studies numéro 3, 2015
  10. Jung 1993, p. 468
  11. Jacques Andrieu, Psychologie de Mao Tsé-toung, p. 69
  12. Historiens et géographes, Numéros 391 à 392, Société des professeurs d'histoire et de géographie (France). Association des professeurs d'histoire et géographie., 2006 « Traités par Mao de "puants de la neuviÚme catégorie", les intellectuels sont désormais associés à l'ouverture politique qui représente pour Deng Xiaoping »
  13. Jung 1993, p. 469
  14. Jung 1993, p. 471
  15. Short 2005, p. 504
  16. Bonnin 2004, p. 51-52
  17. Bonnin 2004, p. 54
  18. Hannah Arendt Le Systùme totalitaire, Paris, Édition du Seuil, 1972, p 27
  19. Bonnin 2004, p. 55
  20. Bonnin 2004, p. 59-61
  21. Roux 2009, p. 803
  22. Claudie et Jacques Broyelle.1980, p. 112
  23. Claudie et Jacques Broyelle.1980, p. 108
  24. Short 2005, p. 503
  25. Jung 1993, p. 474-477
  26. Jung 1993, p. 516
  27. Bonnin 2004, p. 245
  28. Angeloff 2010, p. 44
  29. Claudie et Jacques Broyelle.1980, p. 115 et 116
  30. Monique de Saint-Martin À propos de la RĂ©volution culturelle chinoise Mouvements des idĂ©es et des luttes, 2005/4 (no 41)
  31. Jean-Philippe BĂ©ja Chine: DĂ©fense de se souvenir! 5 avril 2016
  32. Jiang Xun MaoĂŻsme. Les “jeunes instruits”, gĂ©nĂ©ration sacrifiĂ©e de la Chine Yazhou Zhoukan (Hong Kong), 27 janvier 2005
  33. (en) Current Project: Collective Memory of China’s “Educated Youth” (zhiqing) Generation.

Annexes

En français

Jung Chang, une jeune instruite est envoyée à la campagne à la fin des années 1960. Elle évoque cette période dans son autobiographie Les Cygnes sauvages.

En anglais

  • Thomas P. Bernstein, Up to the Mountains and Down to the Villages. The Transfer of Youth from Urban to Rural China, New Haven and London, Yale University Press, 1977.
  • Yihong Pan, Tempered in the Revolutionary Furnace. China's Youth in the Rustication Movement, Lanham, Lexington Books, 2003.
  • The Rustication of Urban Youth in China edited by Peter J. Seybolt. Introduction by Thomas P. Bernstein, White Plains, New York, M.E. Sharpe, 1977.
  • Zuoya Cao, Out of the Crucible. Literary Works about the Rusticated Youth, Lanham, Boulder, New York, Oxford, Lexington Books, 2003.
  • Zhiqing. Stories from China's special Generation ed. by Kang Xouepei, Zeng Jianjun, Li Wei, Qin Yang. Huntsville, Texas Review Press, 2014.
  • Thomas P. Bernstein, Up to the Mountains and Down to the Villages. The Transfer of Youth from Urban to Rural China, New Haven and London, Yale University Press, 1977
  • Yihong Pan, Tempered in the Revolutionary Furnace. China's Youth in the Rustication Movement, Lanham, Lexington Books, 2003
  • The Rustication of Urban Youth in China edited by Peter J. Seybolt. Introduction by Thomas P. Bernstein, White Plains, New York, M.E. Sharpe, 1977
  • Zuoya Cao, Out of the Crucible. Literary Works about the Rusticated Youth, Lanham, Boulder, New York, Oxford, Lexington Books, 2003
  • Zhiqing. Stories from China's special Generation ed. by Kang Xouepei, Zeng Jianjun, Li Wei, Qin Yang. Huntsville, Texas Review Press, 2014


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Liens externes

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