Mouchette (ornement)
La mouchette est un élément de décor ajouré souvent garni d'un vitrail dans le réseau d'une fenêtre dont les nervures de pierre évoquent des flammes. Il est très utilisé dans l'architecture gothique de la fin du Moyen Âge.
Définition
La mouchette est une forme asymétrique, évoquant une flamme. Cette forme caractéristique du gothique flamboyant est apparue au XIVe siècle[1]. La mouchette est souvent complémentaire du soufflet dont elle épouse le contour[2] - [3].
L'ensemble formé par les assemblages de soufflets, de mouchettes et d'autres éléments est structuré par le remplage et forme généralement, soit la partie haute d'une verrière en lancette, dite « réseau », soit une rosace[4].
Certaines mouchettes se terminent en pointe des deux côtés tandis que d'autres ont un côté arrondi. Elles décorent le réseau des baies du gothique flamboyant mais envahissent aussi les gâbles, les balustrades et autres.
Mouchettes aux formes en lancette de chaque côté. Mouchettes arrondies d'un côté.
Historique
Les mouchettes font leur première apparition dans l'architecture en Angleterre avec le style curvilinéaire déjà annoncé dès la fin du XIIIe siècle, par exemple dans la salle du chapitre de la cathédrale de York où l'on aperçoit deux timides mouchettes[5] - [6]. Elles se répandent ensuite à profusion dans les églises et cathédrales[1] du XIVe siècle[7] avant la lente progression du style perpendiculaire qui revient à des lignes beaucoup plus verticales et plus austères[8].
XIIIe siècle deux des premières mouchettes, salle du chapitre ; cathédrale d'York. - XIVe siècle, Heart of Yorkshire, façade ouest de la cathédrale d'York.
Début du XVe siècle, bras sud du transept de la cathédrale de Rodez. XVIe siècle, mouchettes sculptées dans le bois de la porte, en décor presque exclusif de la fenêtre et dans une partie de la rambarde du baldaquin.
En France, les premières mouchettes se manifestent discrètement dès le début du XIVe siècle dans quelques monuments[9]. Elles commencent à s'affirmer dans la cathédrale de Rouen, sur la rose du portail occidental exécutée par Jean Périer de 1375 à 1380[10], à Amiens dans les chapelles construites par Jean de La Grange[11]. Au XVe siècle, elles envahissent les portails et les réseaux des fenêtres et notamment des roses des monuments religieux[12]à tel point qu'elles inspirent, par leur ressemblance à des flammes, l'invention en 1830 du terme gothique flamboyant[13] - [8] car elles en sont la principale caractéristique[14]. On les retrouve même jusqu'au XVIe siècle[15].
Fonction
D'après Anthyme Saint-Paul les formes tourmentées des soufflets et des mouchettes n'auraient pas qu'une fonction décorative[11], ce que confirment Eugène Viollet-le-Duc[16] et Robert de Lasteyrie [9] : le jeu des courbes et contre-courbes permet de répartir les lignes de force et d'exercer des pressions verticales contrebalancées par les redents qui renforcent les points faibles surtout dans les immenses roses des grandes églises[17].
Emploi
- Dans le réseau des fenêtres munies de vitraux du gothique flamboyant.
- En motifs ajourés dans les balustrades des triforiums[18] et des galeries[19], dans les gables[20].
- En décor plaqué sur les façades, ou sculptées sur des boiseries[21], des plafonds[22].
Fenêtre de l'escalier du XVe siècle entre aile Dunois et aile Longueville à Châteaudun. Balustrade de l'ancien hôtel de ville d'Orléans, XVe siècle. Dais à l'entrée de l'oratoire d'Anne de Bretagne à Loches, début XVe siècle. Mouchettes sculptées et ajourées, salle de l'échanson, château d'Amboise. Décor ajouré du gâble et de la balustrade, en décor plaqué au-dessus des portes latérales, décor du réseau des fenêtres.
On les voit à l'intérieur autant qu'à l'extérieur des monuments religieux comme l'église Saint Vulfran d'Abbeville ou l'abbaye de la Trinité de Vendôme, la cathédrale de Sens, dont elles envahissent les façades mais aussi dans les balustrades de nombreux châteaux : Amboise, Chaumont, Fontaine-Henry, des hôtels de ville : Arras, Saint-Quentin, Compiègne ou de particuliers : hôtel d'Haussonville à Nancy[23].
Association soufflet-mouchette
Dans les remplages de fenêtres, aussi bien que dans les réseaux qui contiennent des roses, les mouchettes sont associées à d'autres éléments, le plus souvent des soufflets. Ces deux éléments se marient dans les combinaisons les plus variées. Les soufflets sont presque toujours en nombre inférieur, parfois plus petits, parfois de même taille que les mouchettes[24]. Elles accompagnent aussi d'autres formes géométriques comme des quatre-feuilles, leurs formes très souples permettant de remplir les espaces vacants.
L'association soufflet-mouchette peut être absente dans les balustrades des triforiums et des galeries où les mouchettes se combinent à des quatre-feuilles ou des trilobes, ou s'enroulent deux par deux dans un espace plus linéaire[25].
Références
- Super User, « Définition d'une mouchette », sur infovitrail.com (consulté le ).
- Maryse Bideault, « Soufflet et mouchette », sur universalis.fr (consulté le ).
- Jean-Marie Pérouse de Monclos, Architecture, description et vocabulaire méthodiques, Paris, Éditions du patrimoine, coll. « Principes d'analyse scientifique », , 665 p. (ISBN 978-2-7577-0124-9), p. 213.
- « Mouchette », sur futura-sciences.com (consulté le ).
- Anne Prache, « Jean Bony, The English Decorated Style, Gothic Architecture transformed 1250-1350, compte rendu d'article », Bulletin monumental, sur Persée, (consulté le ).
- Girard, p. 17.
- (en) Gabriel Byng, Church Building and Society in the Later Middle Ages, Cambridge/New York, Cambridge University Press, , 324 p. (ISBN 978-1-107-15709-5, lire en ligne), p. 33.
- Enlart Camille, « Origine anglaise du style flamboyant », Bulletin monumental,‎ , p. 62, 71 (lire en ligne, consulté le ).
- Léon Honoré Labande, « L'architecture religieuse en France à l'époque gothique de R. de Lasteyrie, compte rendu », Journal des Savants, sur Persée, (consulté le ), p. 396.
- (en) Paul Frankl et Paul Crossley, Gothic Architecture, vol. 58, Yale University Press, , 408 p. (ISBN 0-300-08799-3, lire en ligne), p. 217.
- Anthyme Saint-Paul, « Les origines du gothique flamboyant en France », Bulletin monumental,‎ , p. 395 et 487 (lire en ligne, consulté le ).
- Girard, p. 24-32.
- Gustave Cohen et Louis Reau, L'Art du Moyen Âge et la civilisation française : arts plastiques art littéraire, Albin Michel, (1re éd. 1935), chap. 1.
- Girard, p. 23.
- Girard, p. 111-112.
- Viollet-Leduc 1863.
- Girard, p. 19-20.
- Pierre Héliot, « Triforiums et coursières dans les églises de Bretagne et de Normandie », Annales de Normandie,‎ , p. 130 (lire en ligne, consulté le ).
- Girard, p. 84-85.
- « Rouen, église Saint-Maclou », sur Patrimoine, histoire (consulté le ).
- Photo de Jean-Gilles Berizzi, « Panneau sculpté, décor de mouchettes », sur Images d'art, musée de Cluny et musée national du Moyen-âge (consulté le ).
- « Décor d'architecture », sur Inventaire général du Patrimoine culturel région Provence-Alpes-Côte d'Azur, (consulté le ).
- Girard, p. 20.
- Girard, p. 24-31.
- Peter Kurmann, La Cathédrale Saint-Étienne-de-Meaux, Librairie Droz, (ISBN 2-600-04602-X et 9782600046022), p. 118-119.
Voir aussi
Bibliographie
- (en) John Eric Clark, « The Decorated Style in Leicestershire Churches », sur lra.le.ac.uk, University of Leicester, (consulté le ).
- Mireille Girard, « Les roses flamboyantes en France, mémoire », sur corpus.ulaval.ca, (consulté le ).
- Victor Ruprich-Robert, Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle, t. 6, Paris, B. Bance, (lire en ligne), p. 339-341.