Mort de Zyed Benna et Bouna Traoré
Les deux adolescents Zyed Benna et Bouna TraorĂ© meurent le Ă Clichy-sous-Bois, Ă©lectrocutĂ©s dans lâenceinte d'un poste Ă©lectrique dans lequel ils se sont cachĂ©s pour Ă©chapper Ă un contrĂŽle de police, ce qui cause de violents affrontements entre plusieurs centaines d'individus de Clichy-sous-Bois et les forces de police françaises. Cet Ă©vĂ©nement est un Ă©lĂ©ment dĂ©clencheur des Ă©meutes de 2005 dans les banlieues françaises.
Circonstances
Le jeudi , Ă Clichy-sous-Bois, en fin d'aprĂšs-midi, une dizaine de jeunes Clichois reviennent Ă pied du stade Marcel-Vincent de Livry-Gargan, oĂč ils ont passĂ© lâaprĂšs-midi Ă jouer au football, Ă©tant en vacances. En chemin, ils passent Ă proximitĂ© dâun chantier de logements en construction. De sa fenĂȘtre, lâemployĂ© du funĂ©rarium voisin les voit s'en approcher et sâinquiĂšte en pensant que lâun dâeux fait le guet, puis il appelle la police[1]. Le rapport de police de l'Inspection gĂ©nĂ©rale des services, rendu le [2], avance qu'aucun cambriolage n'a eu lieu Ă ce moment mais que c'est l'approche de la police qui l'aurait empĂȘchĂ© :
« [la] tentative de vol Ă©tait bien constituĂ©e dans la mesure oĂč ses auteurs n'avaient renoncĂ© Ă leur action concertĂ©e et organisĂ©e, non pas de leur propre fait, mais Ă la suite de l'intervention rapide et efficace des policiers de la BAC 833[3]. »
à 17 h 25, le commissariat ordonne à la BAC 833 de se rendre sur place[1]. D'aprÚs les enregistrements des conversations radio de 17 h 32, un des membres des forces de l'ordre présents sur place, Sébastien Gaillemin, dit dans trois appels à ses collÚgues qu'il a vu les jeunes se diriger dans la direction de l'installation électrique : « Deux individus sont localisés. Ils sont en train d'enjamber pour aller sur le site EDF. Il faudrait cerner le coin. » Puis : « Il faudrait ramener du monde », et enfin :
« S'ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau[3] »
La police nationale essaye dâinterpeller six personnes dans le parc Vincent-Auriol et deux autres dans le cimetiĂšre des PrĂ©s[4] qui jouxte le poste de transformation EDF oĂč se sont rĂ©fugiĂ©s trois fuyards : Bouna TraorĂ© (15 ans), Zyed Benna (17 ans), et Muhittin Altun (17 ans)[5]. Cherchant Ă se cacher dans un transformateur Ă©lectrique, Bouna TraorĂ© et Zyed Benna meurent par Ă©lectrocution dans l'enceinte d'un poste source Ă 18 h 12. Le troisiĂšme, Muhittin Altun, est gravement brĂ»lĂ©, mais parvient Ă regagner son quartier et Ă alerter d'autres personnes[6] - [7].
Dans son tĂ©moignage, Altun affirme que les trois adolescents fuient en voyant une voiture de police dont un policier descend avec un pistolet flashball Ă la main : ils ne veulent pas ĂȘtre en retard chez eux pour le repas de coupure du Ramadan, Ă 18 heures. Ils n'ont en effet pas de papiers sur eux, les papiers Ă©tant conservĂ©s par leurs parents qui ont eu « tellement de mal Ă les avoir », et un passage au commissariat les mettrait forcĂ©ment en retard. Un des jeunes sur place, David, affirme qu'il n'y a aucune raison de courir, mais ses camarades ne l'Ă©coutent pas, sachant que leurs parents les accuseront de s'ĂȘtre mal comportĂ©s s'ils sont arrĂȘtĂ©s, mĂȘme dans ce contexte[6]. Ils restent cachĂ©s dans le transformateur pendant une demi-heure, entendant les sirĂšnes et des voix de policiers[8].
Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'IntĂ©rieur, exclut la faute policiĂšre et dĂ©clare que les trois victimes n'Ă©taient pas poursuivies par la police[9] - [10]. Le lendemain matin de la mort des deux adolescents, alors qu'il est en dĂ©placement Ă Nancy, il affirme que « lors d'une tentative de cambriolage, lorsque la police est arrivĂ©e, un certain nombre de jeunes sont partis en courant[11]. » Cette version est corroborĂ©e par le Premier ministre Dominique de Villepin : « Il s'agit, selon les indications qui m'ont Ă©tĂ© donnĂ©es, de cambrioleurs qui Ă©taient Ă lâĆuvre[11] - [12]. »
ProcĂšs des policiers
Le , deux policiers ont été mis en examen pour « non-assistance à personne en danger » aprÚs la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré.
Le , Ă la suite de diverses pĂ©ripĂ©ties judiciaires, se tient le procĂšs des deux policiers pour « non-assistance Ă personne en danger » et « mise en danger dĂ©libĂ©rĂ©e de la vie d'autrui »[14] et fait l'objet d'un important suivi mĂ©diatique. Ils encourent jusqu'Ă 5 ans de prison et 75 000 ⏠d'amende. La dĂ©cision rendue le aboutit Ă leur relaxe dĂ©finitive[15]. Alors que les avocats des familles, Emmanuel Tordjman et Jean-Pierre Mignard, avaient appelĂ© les juges Ă donner Ă leur dĂ©cision une portĂ©e symbolique, le tribunal s'en tient Ă une stricte application du droit et conclut que mĂȘme si l'un des policiers avait dit sur les ondes de la police que « s'ils entrent ici, je ne donne pas cher de leur peau », aucun d'eux n'avait eu « une conscience claire d'un pĂ©ril grave et imminent »[16] - [17]. Ce jugement est confirmĂ© par un arrĂȘt de la cour d'appel de Rennes rendu le [18].
Selon le sociologue Didier Lapeyronnie, « le verdict sera interprété comme un profond déni de justice non seulement par les proches, mais plus généralement par la population des quartiers populaires », alors que les relations entre les populations et la police ou les institutions resteront distantes et difficiles[19].
Soutien associatif
Ă la suite des Ă©vĂ©nements, Samir Mihi crĂ©e l'association ADM â Au-delĂ des Mots â, qui a pour objectif de soutenir sur le plan moral et matĂ©riel les familles de Bouna TraorĂ©, Zyed Benna et Muhittin Altun[20].
Références
- Anne Donadini, « Lâaffaire Zyed et Bouna en 7 questions », lesinrocks.com, (consultĂ© le ).
- Agence France-Presse, « Affaire Zyed et Bouna: La chronologie des faits », 20minutes.fr, (consulté le ).
- GĂ©rard Davet, « La âlĂ©gĂšretĂ©â des policiers dĂ©noncĂ©e dans le drame de Clichy-sous-Bois », lemonde.fr, (consultĂ© le ).
- Zyed et Bouna : dix ans dâattente
- Le Goaziou et Mucchielli 2007, p. 15.
- « Le dernier jour de Bouna Traoré et Zyed Benna », sur Le Monde.fr (consulté le ).
- Karl Laske, « Zyed et Bouna : la poursuite inavouable », LibĂ©ration,â (lire en ligne).
- Le Goaziou et Mucchielli 2007, p. 17.
- Vincenzo Cicchelli, Olivier Galland, Jacques de Maillard et SĂ©verine Misset, « Retour sur les violences urbaines de lâautomne 2005 », Horizons stratĂ©giques, (consultĂ© le ).
- « Interview de M. Nicolas Sarkozy », Le Parisien, (consulté le ).
- Didier HASSOUX, « Les dérapages de Villepin et Sarkozy », sur Libération (consulté le )
- « Le rĂ©cit mĂ©diatique de la mort des deux adolescents de Clichy-sous-Bois, par lâAFP », sur Acrimed, .
- « Mort de Zyed et Bouna : des rassemblements en France aprĂšs la relaxe des policiers », Le Monde.fr,â (lire en ligne, consultĂ© le )
- Pascale Robert-Diard, « Mort de Zyed et Bouna : deux policiers devant la justice aprĂšs dix ans de bataille judiciaire », Le Monde,â (ISSN 1950-6244, lire en ligne).
- « Zyed et Bouna : ââDix ans d'impunitĂ© policiĂšre !ââ », LibĂ©ration,â (lire en ligne).
- « Zyed et Bouna : le jugement qui relaxe les deux policiers », Pascale Robert-Diard, lemonde.fr, 18 mai 2015.
- Relaxe des policiers dans lâaffaire de Clichy-sous-Bois :
« Faute de caractĂ©riser chez les prĂ©venus lâexistence claire dâun pĂ©ril imminent et grave, les prĂ©venus doivent ĂȘtre relaxĂ©s du dĂ©lit de non-assistance Ă personne en danger. »
â TGI Rennes, 18 mai 2015, n° 15/1225, Dalloz actualitĂ©, 21 mai 2015
- « Mort de Zyed et Bouna : relaxe des policiers confirmée en appel », sur leparisien.fr, (consulté le )
- Didier Lapeyronnie, « Mort de Zyed et Bouna : ââLa relaxe des policiers est un verdict politiqueââ », Le Monde.fr, (version du 22 mai 2015 sur Internet Archive)
- Spéciale 10 ans aprÚs les émeutes en banlieue (1/5) - Samir Mihi, France culture, 2 novembre 2015.
Articles connexes
- Mort de Nahel Merzouk
- Violence policiĂšre en France
Bibliographie
- Gwenaël Bourdon, avec Adel Benna, Siyakha Traoré, Zyed et Bouna, Paris, Don Quichotte, , 208 p. (ISBN 978-2-35949-518-8).