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Monika Ertl

Monika Ertl, née le et morte exécutée le est une guérillera communiste germano-bolivienne et la fille du militant nazi Hans Ertl (de). Elle est surtout connue pour avoir assassiné le Colonel Roberto Quintanilla Pereira, l'homme qui a coupé les mains de Che Guevara, ce qui lui vaut le surnom de « la vengeresse de Che Guevara ». Elle sera une combattante de l'Armée de libération nationale (ELN), résistant à la dictature bolivienne jusqu'à sa capture, sa torture puis son exécution en 1973.

Monika Ertl
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Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
(Ă  35 ans)
El Alto
Pseudonyme
Imilla
Nationalité
Activité
PĂšre
Hans Ertl (en)

Jeunesse

Monika Ertl nait le et grandit Ă  Munich. Elle est la fille de Hans Ertl (de)[1], camĂ©raman en chef temporaire de la cinĂ©aste nazie Leni Riefenstahl. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, son pĂšre rencontrant des difficultĂ©s lors de la dĂ©nazification, il Ă©migre en Bolivie. Il s'y construit une nouvelle vie et achĂšte une ferme, « La Dolorida », dans laquelle il Ă©lĂšve du bĂ©tail[2] et rĂ©alise ses derniers films.

En 1953, le reste de sa famille, dont Monika, rejoint Hans Ertl en Bolivie[3].

À l'Ăąge de seize ans, Monika accompagne son pĂšre dans des expĂ©ditions dans la jungle et des films, apprenant Ă  la fois Ă  manier la camĂ©ra et les armes Ă  feu[2]. Elle travaille comme assistante de camĂ©ra dans Hito-Hito (1958), un film sur une tribu indienne en voie de disparition et d'autres documentaires[4]. Bien qu'elle ait Ă©tĂ© la fille prĂ©fĂ©rĂ©e de son pĂšre, elle finira par s'Ă©loigner de lui, probablement en raison des idĂ©es nazies de celui-ci[2].

Plus tard, elle épouse l'ingénieur minier germano-bolivien Hans Harjes, qui dirige alors une firme américaine au Chili, dont elle divorce au milieu des années 1960[2].

Guérilla bolivienne

Carte de Bolivie avec zone d'activité de la guérilla dirigée par Che Guevara en 1966-1967.

AprÚs son divorce, elle rejoint, à la fin des années 1960, l'organisation de guérilla révolutionnaire de gauche Ejército de Liberación Nacional (ELN, Armée de libération nationale), qui était en train de se reconstruire aprÚs la mort de Che Guevara[2]. Au début, elle prend une part plutÎt passive dans la lutte contre le gouvernement militaire, notamment en abritant les combattants survivants du soulÚvement raté du Guevara et d'autres victimes de la persécution par le gouvernement militaire, en particulier les frÚres Guido « Inti » Peredo (es) et « Chato » Peredo, qui étaient les successeurs de Guevara à la direction de l'ELN[4].

En 1968, Monika Ertl devient officiellement membre de l'ELN[5] et la compagne d'Inti Peredo[4]. Elle prend alors le surnom d'Imilla, « l'Indienne »[2], nom par lequel elle sera désignée dans le roman que lui consacre le philosophe et écrivain français Régis Debray en 1977, La neige brûle[6].

Inti Peredo est abattu le 9 septembre 1969 lors d'une fusillade par les forces de sĂ©curitĂ© boliviennes[7]. Le Colonel Roberto Quintanilla Pereira aurait Ă©tĂ© prĂ©sent et se serait fait photographier devant le cercueil ouvert de Peredo, de mĂȘme qu'il l'avait fait auprĂšs du corps du Che[4].

Monika Ertl, alors enceinte et sur le point d'accoucher, est gravement blessĂ©e au bras gauche. Ses compagnons l'emmĂšnent Ă  l'ambassade d'Italie, oĂč l'ambassadeur lui fournit l'assistance mĂ©dicale dont elle a besoin. Monika perd son enfant, mais son bras peut ĂȘtre sauvĂ© de justesse de l'amputation. Elle reste Ă  l'ambassade d'Italie Ă  La Paz durant plusieurs mois[4].

Au début de 1970, elle part dans les montagnes avec un commando de l'organisation pour y mener la guérilla[5].

En 1971, elle est choisie par l'ELN, en raison de ses origines allemandes et de sa maßtrise de cette langue, pour tuer Quintanilla, devenu Consul de Bolivie à Hambourg[4], cible importante aux yeux de l'organisation pour avoir fait couper les mains du Che aprÚs son exécution afin de les utiliser comme preuves de sa mort[2]. Le millionnaire Giangiacomo Feltrinelli finance l'opération en confiant une importante somme d'argent, cachée dans un paquet de mouchoirs, à son confident, le journaliste danois communiste Jan Stage avec ordre de la transmettre à l'ELN dans ce but[4].

Le 1er avril 1971, camouflĂ©e derriĂšre une perruque blonde et des lunettes de soleil, Monika Ertl pĂ©nĂštre dans le consulat de Bolivie Ă  Hambourg, aprĂšs s’y ĂȘtre dĂ©jĂ  prĂ©sentĂ©e une premiĂšre fois la semaine prĂ©cĂ©dente. Une secrĂ©taire la fait entrer et la mĂšne au bureau du consul. À peine la porte refermĂ©e, Monika tire Ă  trois reprises sur le Bolivien, le blessant mortellement. Elle glisse ensuite dans la poche de celui-ci, un billet portant ces mots : « Sieg oder Tod. [La victoire ou la mort]. ELN ». AlertĂ©e par les coups de feu, l'Ă©pouse du consul accourt et tente de retenir Monika, qui perd sa perruque et son pistolet dans cette altercation[4]. La maniĂšre dont elle est parvenue Ă  quitter la maison n'a jamais Ă©tĂ© Ă©lucidĂ©e avec prĂ©cision. Selon une version, elle se serait Ă©chappĂ©e par la cage d'escalier Ă  l'extĂ©rieur, oĂč un complice l’attendait avec une voiture. Une autre version avance qu’elle aurait Ă©tĂ© cachĂ©e dans l’appartement du dessus, occupĂ© par une communautĂ© de radicaux de gauche avec qui elle aurait eu des contacts depuis 1969, et qui n'a pas Ă©tĂ© fouillĂ© par la police[4].

Quelques heures à peine aprÚs l'attentat, l'ELN le revendique dans tous les médias boliviens par ces mots :

« Eine unserer Kampfgruppen hat Oberst Quintanilla hingerichtet. Es handelt sich um einen revolutionÀren Akt der Gerechtigkeit. ... Wir versprechen, dass kein Schuldiger im Bett sterben wird, wo immer er sich auch verstecken mag. Der Krieg geht weiter. Sieg oder Tod. ELN.[4]

[L'un de nos groupes de combat a exĂ©cutĂ© le colonel Quintanilla. C'est un acte de justice rĂ©volutionnaire. ... Nous promettons qu'aucun coupable ne mourra dans son lit, oĂč qu'il puisse se cacher. La guerre continue. La victoire ou la mort. ELN]. »

.

L'arme du crime est identifiĂ©e comme appartenant Ă  Giangiacomo Feltrinelli[8] - [9], mais celui-ci ne sera pas inquiĂ©tĂ©, probablement protĂ©gĂ© par les services secrets. L’enquĂȘte piĂ©tine jusqu’en juillet 1972, quand deux prisonniers de l'ELN, le bolivien Emilio Maldonado (El Zurdo) et l’argentin JosĂ© Osvaldo Ukaski (El Viejo) avouent que l’attentat a Ă©tĂ© commanditĂ© par Feltrinelli et exĂ©cutĂ© par Monika Ertl. L’enquĂȘte Ă©tablira que Monika et Feltrinelli s’étaient rencontrĂ©s Ă  Zurich quelques jours avant l’assassinat et que c’est Ă  cette occasion que ce dernier lui aurait remis l’arme. Le ministre de l'IntĂ©rieur (en) , Mario Adett Zamora, offre alors 20 000 dollars (une somme supĂ©rieure Ă  la rĂ©compense proposĂ©e pour le Che lui-mĂȘme[10]) pour la capture de Monika[4].

Selon les informations fournies par ses compagnons d'armes Ă  l'Ă©poque, elle se rend Ă  La Havane via le Chili aprĂšs l'attaque et retourne illĂ©galement en Bolivie au dĂ©but de l'annĂ©e 1972[5], oĂč elle entre dans la clandestinitĂ© sous le nom de Nancy Fanny[4] et commence immĂ©diatement Ă  prĂ©parer une autre campagne : l'ELN planifie de kidnapper l'ancien chef de la Gestapo de Lyon, Klaus Barbie, qui vit alors en Bolivie depuis des annĂ©es et de l'amener en France[11]. Barbie travaillait comme conseiller en sĂ©curitĂ© auprĂšs du gouvernement bolivien et avait une armĂ©e privĂ©e. Monika Ertl, qui connaissait Barbie depuis l'enfance parce qu'il Ă©tait un ami de son pĂšre, dirigeait la brigade de guĂ©rilla qui Ă©tait censĂ©e l'arrĂȘter. RĂ©gis Debray, camarade d'armes de Che Guevara, a dĂ©clarĂ© dans le film de Christian Baudissin Wanted: Monika Ertl : « Nous avons eu l'idĂ©e de l'enlĂšvement parce que nous voulions crĂ©er un lien entre la RĂ©sistance française et la rĂ©sistance antifasciste en Bolivie. Nous voulions montrer que c'Ă©tait un seul et mĂȘme homme qui a conduit la rĂ©pression de la rĂ©sistance dĂ©mocratique Ă  Lyon pendant la guerre et qui a Ă©tĂ© l'un de ceux qui ont tentĂ© d'Ă©craser la rĂ©volution en Bolivie par la force. »[5].

Mais Barbie et les services secrets boliviens dĂ©couvrent les plans de l'ELN. Le 12 mai 1973, Monika Ertl est capturĂ©e par les forces de sĂ©curitĂ© boliviennes. Son corps est retrouvĂ© avec un autre membre de l'ELN, tous deux portant des signes de torture et ont reçu balles dans le cou[4]. « Barbie a certainement organisĂ© l'embuscade qui a tuĂ© Monika, mĂȘme si je ne peux pas le prouver », a dĂ©clarĂ© Debray[5]. Son corps ne fut jamais remis Ă  sa famille, probablement afin de ne pas rĂ©vĂ©ler les traces de la torture dont elle fut victime et l'emplacement de sa dĂ©pouille demeure inconnu[12].

Monika Ertl dans la culture populaire

Non-fiction

  • Le film documentaire Gesucht: Monika Ertl (1988) de Christian Baudissin est consacrĂ© Ă  la vie de Monika Ertl[11].
  • (en) JĂŒrgen Schreiber, Sie starb wie Che Guevara. Die Geschichte der Monika Ertl, DĂŒsseldorf, Artemis & Winkler, .
  • (en) Jobst Knigge, Feltrinelli – Sein Weg in den Terrorismus, Berlin, Humboldt UniversitĂ€t, , 156 p. (lire en ligne), p. 114.

Fiction

  • RĂ©gis Debray lui rend un hommage littĂ©raire dans La neige brĂ»le, Paris, Grasset, prix Femina, 1977, 220 p. (ISBN 978-2-246-00518-6)[6]. Bien que les noms des personnages aient Ă©tĂ© modifiĂ©s, ce roman retrace toute l'histoire de Monika, de la mort de son amant Ă  l'attentat, avec de nombreux dĂ©tails similaires, tels que sa blessure au bras et la perte de son enfant[4].
  • Monika Ertl est l'un des principaux protagonistes du roman Los Afectos, de l'auteur bolivien Rodrigo HasbĂșn[13].

Références

  1. (en) Margaret Randall, More Than Things, U of Nebraska Press, (ISBN 978-0-8032-4697-3, lire en ligne), p. 316.
  2. (de) Christoph Gunkel, « Che Guevaras bayerischer Racheengel, Leben und Sterben der Monika Ertl », Der Spiegel,‎ (lire en ligne).
  3. (de) Claudia Heissenberg, « Frau mit zwei Gesichtern. JĂŒrgen Schreiber: „Sie starb wie Che Guevara. Die Geschichte der Monika Ertl“, Artemis & Winkler. », Andruck – Das Magazin fĂŒr Politische Literatur,‎ (lire en ligne).
  4. (en) Jobst Knigge, Feltrinelli – Sein Weg in den Terrorismus, Berlin, Humboldt UniversitĂ€t, , 156 p. (lire en ligne), p. 114-122.
  5. (de) Christian Eggers, « Der Krieg geht weiter », Jungle World, no 15,‎ (lire en ligne).
  6. (de) Gintare Malinauskaite, « PortrÀt Régis Debray », LATEINAMERIKA-INSTITUT (LAI), Freie UniversitÀt Berlin (consulté le ).
  7. (en) Peter McFarran et Fadrique Iglesias, Devil's Agent, Xlibris Corporation, , 297–298 p. (ISBN 9781483636429)
  8. (it) « 12 maggio 1973, l’uccisione di Monika Ertl, la donna che vendicĂČ Che Guevara », Senza Soste,‎ (lire en ligne).
  9. (it) Stefano Sani, « Trotsky ed il Che: aneddoti italiani », Modus,‎ (lire en ligne).
  10. (en) Peter McFarren et Fadrique Iglesias, The Devil's Agent : Life, Times and Crimes of Nazi Klaus Barbie, Xlibris, , 622 p. (ISBN 1483636445 et 9781483636443, lire en ligne), chap. 8 (« The Barbie and ertl Families: a story of Friendship, Passion, intrigue, and Betrayal »), p. 299
  11. (en) Peter McFarran et Fadrique Iglesias, Devil's Agent, Xlibris Corporation, , 298 p. (ISBN 9781483636429)
  12. « Monika Ertl (1937-1973) », sur Find A Grave (consulté le ).
  13. (en) Martin LĂ€ubli, « Der-Nazi-und-die-GuerillakĂ€mpferin », Neue ZĂŒrcher Zeitung,‎ (lire en ligne).

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) JĂŒrgen Schreiber, Sie starb wie Che Guevara. Die Geschichte der Monika Ertl, DĂŒsseldorf, Artemis & Winkler, .

Articles connexes

Liens externes

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