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Midrashim classiques

Le midrash (littéralement : « recherche ») est un procédé exégétique de la Bible hébraïque, tant pour définir les lois à partir du Texte que pour éclairer sinon le sens immédiat du verset, son esprit, sans y chercher d'implication normative. Il est à l'occasion littéral, mais fait beaucoup plus souvent appel à la parabole, voire à l'allégorie.

Certains produits du midrash sont devenus si classiques qu'ils en ont presque acquis pour certains une autoritĂ© Ă©quivalente Ă  celle du Tanakh elle-mĂȘme. Le rabbin Avraham MaĂŻmonide luttera contre cette tendance, enseignant que « celui qui croit que tout est Ă  prendre au sens littĂ©ral dans la Aggada est un fou ; [cependant], celui qui croit que tout est allĂ©gorique est un hĂ©rĂ©tique ».

Sont présentés ici des midrashim classiques et leur reconstruction.

Midrash sur Bereshit

L'acte de la Création (MaassÚ Bereshit) intrigue depuis que ce récit fut connu. Ainsi pour la question de jours mesurables autrement que par l'alternance soleil/lune, qui selon le récit ne reçoivent ce rÎle qu'au quatriÚme jour. Le midrash suivant fut, sous une forme abrégée, l'un de ceux choisis par Rachi, le « prince des commentateurs », pour expliquer le verset discuté ci-dessous.

Source : Bereshit Rabba

« "Et Dieu appela la lumiÚre jour." (Gen.1:5)
Mais lumiĂšre et jour, c'est tout un !
Voici ce qu'enseigne la tradition: La lumiere créée lors des six jours du commencement ne peut briller le jour car elle éclipserait le disque solaire et ne peut briller la nuit, puisqu'elle fut créée pour éclairer le jour.
OĂč donc se trouve-t-elle? Elle est dissimulĂ©e, destinĂ©e aux justes pour le monde Ă  venir, comme l'exprime: "La lumiĂšre de la lune sera comme la lumiĂšre du soleil, et la lumiĂšre du soleil sera sept fois comme la lumiĂšre des sept jours" (Is.30:26).
Le verset parle de "sept jours", et non de trois, pourtant c'est bien le quatriÚme jour que furent créés les luminaires? En fait, l'on parle de "sept jours" ainsi qu'une personne dirait : Voici ce que je destine pour les sept jours du festin. »

Abraham, les idoles et Nemrod

Source: Midrash Bereshit Rabba 38:19

La Torah ne livre pas beaucoup de renseignements sur la vie d'Abram avant que Dieu ne lui dise de quitter son pays. On ignore par exemple à quel moment il redécouvrit le monothéisme, s'il garda l'idée pour lui ou si, au contraire, il dévoila un zÚle de missionnaire.
Partant du verset Gen. 11:30 ("Et Haran mourut devant son pĂšre"), un Sage entreprend de combler ces lacunes.

« R. Hiyya petit-fils de R.Ada de Yaffo [dit] :
Terah Ă©tait idolĂątre1.
Un jour, il sortit et chargea Abraham de la vente [des idoles]2.
Si un homme venait acheter une statue, il lui demandait :"Quel Ăąge as-tu ?"
[Le client] répondait: "Cinquante" ou "Soixante ans".
[Abraham] disait alors: "Il a soixante ans, et il veut vénérer une statue d'un jour."
[Le client] se sentait honteux et partait.
Une femme vint un jour, avec un panier de farine. Elle dit: "Voici pour tes dieux."Abraham prit un bĂąton, et fracassa toutes les idoles, Ă  l'exception de la plus grande, dans la main de laquelle il mit le bĂąton.
Son pÚre revint et demanda ce qui s'était passé. [Abraham] répondit: "Cacherais-je quoi que ce fût à mon pÚre ? Une femme est venue avec un panier de farine et m'a demandé de les donner à ces dieux." Lorsque je l'ai offerte, un dieu a dit :"Moi d'abord !", un autre "Non, moi d'abord !" Alors, le plus grand s'est levé et a brisé toutes les autres.
[Son pĂšre] lui dit : "Te moques-tu de moi ? Comment pourraient-elles faire quoi que ce soit ?"
[Abraham] répondit : "Tes oreilles n'entendraient pas ce que ta bouche vient de dire ?"3
Terah emmena [Abraham] chez Nemrod4 :

  • [Nemrod] lui dit: "Adorons le feu".
  • [Abraham] lui dit: "En ce cas, adorons l'eau, puisqu'elle Ă©teint le feu."
  • [Nemrod] lui dit: "Adorons l'eau".
  • [Abraham] lui dit: "En ce cas, adorons les nuages, puisqu'ils portent l'eau."
  • [Nemrod] lui dit: "Adorons les nuages."
  • [Abraham] lui dit: "En ce cas, adorons le vent, puisqu'il disperse les nuages."
  • [Nemrod] lui dit: "Adorons le vent."
  • [Abraham] lui dit: "En ce cas, adorons l'homme, puisqu'il rĂ©siste au vent."
  • [Nemrod] lui dit: "Ce que tu dis est absurde ; je ne m'incline que devant le feu. Je vais t'y prĂ©cipiter. Que le Dieu devant lequel tu t'inclines vienne et t'en sauve."5


Haran se trouvait lĂ .
Il [se] dit : quoi qu'il en soit, si Abraham s'en sort, je dirai que je suis d'accord avec Abraham ; si c'est Nemrod qui triomphe, je dirai que je soutiens Nemrod.
AprÚs qu'on eut jeté Abraham dans le four, et qu'il en fût sorti indemne, on interrogea [Haran] : "Avec qui es-tu [allié]" ?
Il leur dit : "Je suis avec Abraham."
Ils le prirent et le jetÚrent dans le feu, et ses tripes brûlÚrent.
Il sortit et mourut devant Terah son pĂšre.6

Voici la signification du verset : "Et Haran mourut devant son pÚre." »

Reconstruction

  • (1) Cela, nous le savons de JosuĂ© 24 :2: "JosuĂ© dit : 'ainsi a dit Hashem Dieu d'IsraĂ«l : vos pĂšres ont sĂ©journĂ© au-delĂ  du fleuve, Terah pĂšre d'Avraham et pĂšre de Na'hor, et ils servaient des dieux autres'", et ce passage est repris dans la Haggadah de Pessa'h.
  • (2) D'oĂč tient-on qu'il Ă©tait marchand ? La sociĂ©tĂ© Ă©tait sĂ©dentaire, et seule la guerre ou la famine (ou Dieu) l’en faisait bouger. Or Tera’h entreprit de voyager de ChaldĂ©e jusqu’en Haran, sans intervention divine directe, ce qui ne s’explique que par le fait qu’il soit berger, marchand ou artisan. Par ailleurs, Abraham et Jacob Ă©taient marchands.
    Il y a une autre histoire oĂč idolĂątrie et subsistance sont liĂ©es, dans le Livre des Juges 17-18 (lorsque les danites pillent un temple paĂŻen, toute la population poursuit les voleurs, car le temple est source de revenus pour la rĂ©gion, soit qu’il attire les marchands ambulants, soit qu’on y vend des PĂ©nates.
  • (3) Le style d’argumentation d’Abraham est assez particulier, il n’expose pas ses croyances de prime abord, reprend les mots de son interlocuteur et lui dĂ©montre l’inconsistance de ses propres raisonnements.
    PlutĂŽt que de rĂ©primander le client d’acheter un "dieu fraĂźchement sorti du four", il lui demande (apparemment Ă  brĂ»le-pourpoint, en toute ingĂ©nuitĂ©) son Ăąge. On entendrait presque Abraham marmonner dans sa barbe "Il a soixante ans et il veut vĂ©nĂ©rer une statue d’un jour." – on verrait presque le client honteux s’éclipser du magasin sans demander son reste.
    Qu’Abraham se fĂ»t dĂ©jĂ  idĂ©ologiquement engagĂ© Ă  rĂ©pandre le monothĂ©isme est assez Ă©vident Ă  le lumiĂšre des versets Gen 12:1-3. Cependant, comment les auteurs de ce Midrash Aggada auraient-ils eu connaissance de cette mĂ©thode de disputation fort peu conventionnelle ?
    On peut voir une Ă©bauche de rĂ©ponse dans l’échange entre Abraham et Avimelekh (Gen. 20). Contrairement au premier Ă©pisode "femme sƓur" (en Égypte), qui avait Ă©tĂ© rendu nĂ©cessaire par la famine, Abraham n’avait pas de raison de descendre Ă  Guerar (20:1).
    Abraham savait dĂ©jĂ , qu’il devrait utiliser son stratagĂšme "femme/sƓur" pour sauver sa vie (v. 11) – mais pourquoi y aller?
    À noter qu’Abraham ne rĂ©primande pas le roi (et, indirectement, sa cour) sur sa turpitude morale jusqu’à ce qu’ils viennent Ă  lui, prĂȘts Ă  entendre l’explication de son curieux comportement. S’il Ă©tait venu Ă  Guerar pour propager la parole et faire des adeptes (comme le pensent Rachi sur le 12:5 et le Sforno sur le 12:9), pourquoi n’était-il pas immĂ©diatement venu critiquer leurs mauvaises mƓurs?
    Alternativement, s’il savait que Sarah serait mise en danger, pourquoi y aller?
    Il semblerait qu’Abraham y allait pour engager la discussion, qui ne pourrait se tenir qu’une fois que le peuple l’avait dĂ©fiĂ© et Ă©tait devenu rĂ©ceptif (Ă  cause de la grande peur) Ă  ce qu’il avait Ă  dire. IL semble que cela ait rĂ©ussi, au moins en partie, car Avimelekh (ou son fils) ont reconnu que Dieu soutenait Itzhak (26:28), ce qui implique qu’ils aient compris qu’il y avait Un Dieu d’Abraham et qu’il fallait Le respecter.
    Nous avons ici une preuve de la dialectique d’Abraham en action, et ceci dans le sens obvie du texte. Les auteurs du Midrash peuvent donc supposer qu’Abraham a utilisĂ© ces voies plus tĂŽt dans sa vie. (Il ne s’agit donc pas de croire que le Midrash relate une rĂ©alitĂ© historique stricto sensu. Cependant l’extrapolation Ă  partir de dĂ©tails historiques rapportĂ©s par la Tora en permet une approximation trĂšs fine).
  • (4) Nemrod fut le premier Ă  ĂȘtre considĂ©rĂ© roi (Ber 10: 8-12)
    Abraham est également appelé prince puissant par les Hittites (Ber 23:5-6)
    De plus, ils étaient idéologiquement adversaires. Tant la Torah que les ProphÚtes exÚcrent les dirigeants humains (voir la réaction de Gédéon envers le peuple de Manassé, Juges 8, et la diatribe de Samuel lorsque le peuple demande un roi, cf. I Samuel 8)
    Nemrod Ă©tant le premier souverain autoproclamĂ©, il se pose en adversaire du rĂšgne du Seul VĂ©ritable Roi. Abraham, lui, a consacrĂ© sa vie Ă  apprendre au monde qu’il n’y avait de Vrai Dieu que YHVH, encourageant les gens Ă  accepter Son autoritĂ©.
    La vie de Nemrod et celle d’Abraham se chevauchent partiellement, et le premier rĂ©gnait sur la ChaldĂ©e, rĂ©gion oĂč Abraham prĂȘchait, Ă  tout le moins durant ses jeunes annĂ©es. Leur rencontre est donc tout Ă  fait envisageable.
  • (5) Le livre de Daniel relate le miracle des justes jetĂ©s dans la fournaise pour n'avoir pas voulu honorer une idole et sortis miraculeusement indemnes. Il n'y aurait pas de mal Ă  ce qu'Abraham eĂ»t rĂ©alisĂ© un "prĂ©cĂ©dent". Cependant, d'oĂč les Sages pourraient-ils dĂ©duire qu'il s'agit d'une fournaise, et non d'une noyade ou d'une autre "ordalie" ?
    Lorsque Dieu S’Adresse Ă  Abraham afin de conclure la premiĂšre alliance (Gen 15), Il lui Dit: Je Suis L’Eternel qui t’a fait sortir (Ś”Ś•ŚŠŚŚȘŚ™ŚšÖž) d’Ur Kasdim (Gen 15:7).
    Deux remarques: que signifie "Ur Kasdim" ? Le nom "Ur" peut designer un lieu (d’oĂč "Ur en ChaldĂ©e") ou bien, "Le UR en Kasdim" – le mot UR signifiant four ou fournaise (cf. IsaĂŻe 31:9 et 50:11). On peut concilier en estimant qu’Ur dĂ©signe un lieu nommĂ© d’aprĂšs un four qui faisait sa rĂ©putation.
    D’autre part, comment comprendre le verbe Ś”Ś•ŚŠŚŚȘŚ™ŚšÖž (Je t’ai Fait sortir)? Sortir de ta terre ŚœŚšÖž ŚœŚšÖ° ou cela fait-il reference Ă  une intervention plus directe?
    On ne retrouve ce verbe Ś”Ś•ŚŠŚŚȘŚ™ŚšÖž qu’une fois dans la Tora, dans la premiĂšre Parole:
Je Suis L’Eternel ton Dieu (Tout-puissant) qui t’a fait sortir (Ś”Ś•ŚŠŚŚȘŚ™ŚšÖž) du pays d’Egypte. (Ex. 20:2, Deut. 5:6)

En ce cas, Ś”Ś•ŚŠŚŚȘŚ™ŚšÖž s’est fait via des interventions miraculeuses.On peut donc infĂ©rer Ă  partir de ce verset d'Ex. la signification du verset de Gen.: Dieu est intervenu, miraculeusement, pour sauver Abraham, de la mĂȘme maniĂšre qu’Il sauverait plus tard son peuple d’Egypte.


On notera au passage que le sĂ©jour en Égypte est qualifiĂ© (dans Deut. 4:20, I Rois 8:51 et JĂ©rĂ©mie 11:4), de fournaise de fer

De ce simple verset (Gen. 15:7), les auteurs du midrash ont pu dĂ©duire qu’Abraham avait Ă©tĂ© sauvĂ© d’une fournaise.

  • (6) Quel Ă©tait la part d’Haran?
    Il a fait un pari de Pascal avant la lettre. Sa foi, en contraste Ă  celle d’Abraham, est dĂ©peinte comme opportuniste, et la Aggada est claire sur ce point : les professions de foi sont d’une piĂšce et la foi qui sauve de la fournaise est celle qui a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© forgĂ©e au creuset, non pas celle d’une commoditĂ© temporaire.
    D’oĂč les auteurs du Midrash tiennent-ils que c’est cela qui fut le dĂ©faut d’Haran? N’aurait-il pu mourir avant son pĂšre pour un autre pĂȘchĂ©?
    Comme les textes ne parlent que fort peu d’Haran, il faut se rĂ©fĂ©rer Ă  la source qui s’en rapproche le plus : son fils, Loth.
    De celui-lĂ , nous savons qu’il a toujours privilĂ©giĂ© la voie la plus commode du moindre effort quand bien mĂȘme cela affecterait la sociĂ©tĂ© oĂč il pĂ©nĂ©trait, lui et sa famille.
    Quand Abraham et Loth durent se sĂ©parer, Abraham laissa Loth choisir: "Si tu prends Ă  gauche, j’irai Ă  droite; et vice versa" d’oĂč nous savons que cela a lieu sur la chaĂźne de montagnes, entre le nord (Ă  gauche) et le sud (Ă  droite).
    Abraham abjura Loth de rester dans les montagnes, plus propices Ă  la foi et Ă  la solitude (cf. Deut. 11:10-12, par exemple). Au lieu de cela, Loth choisit la "bonne vie" de Sodome, qui, Ă  l’époque, semblait ĂȘtre "le jardin d’Hashem, le pays d’Égypte" – humide et fertile.
    Fuyant la citĂ© Ă©goĂŻste et condamnĂ©e, Il prie les anges de lui permettre de rester Ă  proximitĂ©, parce qu’il se sent incapable de marcher. Avec les consĂ©quences qu’on sait, la saĂŽulerie et l’inceste Ă  son insu.
    En conclusion, bien qu’on en sache peu sur Haran, son fils est taxĂ© d’opportuniste. Le premier fils Ă  dĂ©cĂ©der avant son pĂšre (meurtre exceptĂ©) meurt donc de son opportunisme appliquĂ©e Ă  la grande foi d’Abraham.

Source

  • AVRAHAM AVINU: THE EARLY YEARS by Yitzchak Etshalom, Mikra, torah.org (traduit avec permission)

Midrash dans le Coran

Le récit d'Abraham détruisant les idoles se trouve dans le Coran (sourate 21 (Les ProphÚtes), versets 51-70)[1]

  1. Voir la traduction de Chouraqui

La Torah n'est pas au ciel

Traité Baba Metsia 59b, d'aprÚs Deutéronome 30, 12

Voir aussi

Liens externes

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