Michèle Monjauze
Michèle Monjauze, née Michelle Milcent en 1931 à Saint-Jean-de-Monts dans le département de Vendée[1], et décédée le à Locoal-Mendon (Morbihan), est une écrivaine, psychothérapeute et maître de conférences à l'université de Nanterre française.
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Décès |
(Ă 80 ans) Locoal-Mendon |
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Michelle Milcent |
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Biographie
Diplômée pharmacien de la Faculté de Nantes en 1958, elle exerce comme pharmacienne tout entreprenant une cure psychanalytique avec Guy Vannier, puis en relaxation psychanalytique avec Blandine Folliot et en psychologie à l'université Paris X Nanterre, notamment en psychodrame avec Didier Anzieu. Elle obtient un master 2 en 1980 et réalise une psychanalyse personnelle avec Joyce McDougall pendant huit ans.
Elle s'oriente vers le suivi de patients alcooliques, animant à l'hôpital de Saint-Germain en Laye un groupe de parole qui leur est destiné. Dans cette perspective, elle constitue une équipe de recherche subventionnée par Le Haut comité d'étude et d'information sur l'alcoolisme (1982-1986) et réalise, avec Marie-Madeleine Jacquet une thèse à deux voix intitulée L'alcoolique, son corps et l'autre. Contribution à l'étiologie de la dépendance à l'alcool. Étude psychopathologique comparative de trois populations d'alcooliques et d'un groupe témoin (1987), éditée ultérieurement sous le titre La Problématique alcoolique (1991).
Elle a des charges de cours à Nanterre à partir de 1982, en dynamique des groupes restreints, en psychodrame, en supervision de stages et dans un séminaire consacré aux techniques projectives. En 1991, Michèle Monjauze devient maître de conférences à Paris-X où elle se consacre à la problématique alcoolique, illustré par une filmographie comparative. Elle prend sa retraite en 2011.
Michèle Monjauze est sociétaire de la Société des gens de lettres de France (2008).
Approche psychanalytique de l'alcoolisme
En décrivant la problématique alcoolique en termes de sémiologie, psychopathologie et psychogenèse, Michèle Monjauze démontre la spécificité d'une pathologie aussi désastreuse que fascinante, par ses angoisses spécifiques, ses remarquables modalités défensives et ses capacités d'auto-guérison.
À la suite de nombre de psychanalystes kleiniens notamment, l'auteur souligne que nous conservons tous dans notre fonctionnement psychique des modalités psychotiques issues de la phase préverbale du développement (voir les « noyaux agglutinés » de José Bleger, les « poches autistiques » de Frances Tustin). Les acquisitions secondaires, toujours présentes néanmoins, sont marquées par la qualité des intégrations primaires et par les relations internes entre la part « psychotique » de notre fonctionnement et sa part “adaptative”. Récusant les étiquettes nosographiques, Michèle Monjauze parlera de “fonctionnement psychotique prévalent”, lorsque les angoisses primaires sont actives au point de perturber les fonctionnements adaptatifs, et de “fonctionnement névrotique prévalent” lorsque les angoisses primitives sont bien contenues. Chaque personnalité présente ainsi une relation interne spécifique entre ces deux modes : relation maternante de soi à soi, clivage, rejet et conflit… Il suffit de s'interroger sur le dialogue intérieur de chacun pour le comprendre.
La part psychotique de la personnalité se manifeste pour certains par un besoin irrépressible de boire de l'alcool. Le remède inventé par les alcooliques eux-mêmes est essentiellement paradoxal : s'abstenir d'alcool puisqu'on ne peut pas s'en passer. La relation interne entre la part alcoolique et la part pensante du sujet est un clivage, soit le sujet ne se voit pas alcoolique, soit il pratique une amputation radicale dans l'abstinence.
Les quantités énormes d'alcool, qui est le meilleur des anxiolytiques, devrait attirer l'attention des thérapeutes sur la cause des conduites alcooliques : les angoisses primitives submergeantes, qui appellent l'alcool. Chaque personne alcoolique a sa façon répétitive d'utiliser l'alcool. Or toute répétition signale un traumatisme initial. Michèle Monjauze fait l'hypothèse que chaque façon de s'alcooliser provoque la reviviscence d'un trauma dont l'auteur définit la spécificité. Cette faille qui cherche en vain à se cicatriser reste inaccessible à la pensée et à la représentation.
Il ressort des tests projectifs, comme des entretiens, que la part alcoolique, d'ordre psychotique, n'est pas dissociative, mais est une « psychose associative » : l'angoisse surgit de toute rupture de continuité (entre les lieux, les personnes, etc.) Michèle Monjauze démontre dès 1991 que cette part alcoolique est d'ordre autistique. Cette enclave muette et souffrante peut s'exprimer par une médiation, et uniquement par une médiation, en individuel ou en groupe : l'objet créé, autour duquel on parle, se répare au-dehors. S'il est préférable que l'abstinence soit acquise auparavant (grâce notamment aux anxiolytiques et à la relaxation), la création, accompagnée par un fort soutien narcissique, peut se substituer à l'alcool en douceur. Il n'est pas impossible alors qu'une cure analytique du type de celles pratiquées par Gisela Pankow guérisse l'alcoolisme et permette une consommation contrôlée.
Les psychothérapies consistent à rendre le sujet apte à gérer sa pathologie lui-même : personne ne posera le verre à sa place. Il s'agit donc premièrement de soigner la honte inhérente à la pathologie par un soutien narcissique intensif en évitant de parler d'alcool : valoriser ce qui va bien et renforcer le positif. Ensuite, calmer les angoisses en utilisant comme médiation privilégiée la relaxation. Puis ouvrir au sujet un espace potentiel de création. On accompagne, on ne choisit pas, on n'impose pas. Une souffrance si précoce, comme la psychogenèse le laisse supposer, ne se guérit pas par un effort de volonté du patient ni une prescription du thérapeute. C'est un travail de patience à long terme pour mettre au jour des capacités insoupçonnées.
En référence aux artistes alcooliques des plus brillants, Michèle Monjauze voit dans chaque personne alcoolique des potentialités extraordinaires. Elle ouvre son dernier livre par cette phrase : « A mes yeux la problématique alcoolique témoigne de l'humanité la plus pure, dans sa détresse originaire, son audacieuse survie et l'invention de sa liberté ».
Publications
Principaux articles
- 1986, « Fluctuations quantitatives et qualitatives des trios des alcooliques au Test des Trois personnages », Bulletin de psychologie no376, tome 39
- 1987, « Alcoolisme et imaginaire du corps », in Les relations thérapeutiques aujourd'hui, tome I, L'Harmattan
- 1990, « Racines culturelles de la dépendance alcoolique en Irlande à travers l'autobiographie de Kathleen Behan », Études irlandaises, no XV-2 nouvelle série
- 1991, « Les alcooliques au Test des Trois personnages », Bulletin de psychologie no406, tome 45
- 1996, « Les hypothèses psychopathologiques au service de la prise en charge », Psychologues et psychologies, no 129
- Monjauze M. et Jacquet M.M., 1985, « Essai de psychogenèse de l'alcoolisme », La revue de l'alcoolisme, hors série, Éditions Masson
- Monjauze M., Baudinet M., Van Amerongen P. 1988, « Un groupe de parole en évolution », Alcool ou santé, revue de l'ANPA, 187
- Zarka J. et Monjauze M., 2002, « Au cœur de l'incohérence, les alcooliques au Rorschach », Bulletin de psychologie, tome 55, (2)458
Livres
- 1991, La problématique alcoolique, Dunod, Paris, rééditions 2000, 2008 In Press
- 1999, La Part alcoolique du Soi, Dunod, Paris épuisé
- 2001, Comprendre et accompagnerle patient alcoolique, rééditions In Press, 2008, 2011
- 2009, La vie psychique, In Press Paris
- 2011, Pour une nouvelle clinique de l'alcoolisme, la part alcoolique du Soi, In Press, Paris (Sélectionné par le Choix des libraires)
- Anzieu D. et Monjauze M. 1993, Francis Bacon ou le portrait de l'homme désespécé, Seuil/Archimbaud, Paris, 2004