AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Mencius

Mencius[1] - [2], de son nom personnel Meng Ke[3], ou Meng Tzeu, est un penseur chinois confucéen ayant vécu aux alentours de 380 av. J.-C.-289 av. J.-C.

Mencius
Biographie
Naissance
DĂ©cĂšs
Nom dans la langue maternelle
歟歐
Nom de naissance
歟èœČ
Activités
PĂšre
Meng Ji (d)
MĂšre
Meng Mu (d)
Autres informations
MaĂźtre
Influencé par

Mencius aurait étudié auprÚs d'un disciple de Zi Si, petit-fils de Confucius. Se posant en défenseur des stricts enseignements du maßtre, il a combattu sans relùche les « hérésies extrémistes » des disciples de Mo Zi et de Yang Zhu[4]. Sillonnant la Chine chaotique des Royaumes combattants à la recherche d'un sage-roi capable de restaurer la paix, il a rencontré un grand nombre de princes de cette époque et leurs entretiens sont consignés dans le livre qui porte son nom, le Mencius, l'un des Quatre Livres formant, avec les Cinq Classiques, le corpus néo-confucianiste tel que défini par Zhu Xi, le grand réformateur des Song. Il est appelé 'Maeng-ja' en Corée, et 'MÎshi' au Japon.

Parcours

Bien qu'il soit considĂ©rĂ© traditionnellement comme son continuateur le plus orthodoxe, Mencius adapte aux rĂ©alitĂ©s de son temps les enseignements de Confucius. Il utilise des arguments polĂ©miques et dĂ©fend que l'homme est nĂ© avec un sens moral innĂ© (è‰ŻçŸ„), les circonstances seules l'empĂȘchant de rĂ©vĂ©ler cette bontĂ© naturelle. Xun Zi, autre grand confucianiste prĂ©-impĂ©rial, dĂ©fendra l'inverse un peu plus tard.

On raconte que la mÚre de Mencius déménagea trois fois pour trouver un voisinage convenable à l'éducation de son fils. Dans le quartier des fossoyeurs, Mencius enfant creusait des tombes miniatures, dans celui des abattoirs, il tuait les petits animaux ; ils finirent par s'installer prÚs d'une école.

Une autre anecdote tout aussi Ă©difiante dans la carriĂšre du jeune Mencius est souvent racontĂ©e aux enfants en Asie du Sud-Est. Un jour, sa mĂšre, ayant Ă©lu domicile dans un endroit « convenable » pour l'Ă©ducation de son fils, Ă©tait Ă  son ouvrage — un mĂ©tier Ă  tisser. Elle vit le jeune garçon rentrer de l'Ă©cole plus tĂŽt que prĂ©vu. Sans mot dire, elle prit les ciseaux et coupa le beau morceau de tissu qu'elle Ă©tait en train de rĂ©aliser. Le jeune Mencius lui demanda pourquoi ce geste de destruction d'un si bel ouvrage ! Ce Ă  quoi sa mĂšre rĂ©torqua : « C'est exactement ce que tu es en train de faire ! » AussitĂŽt, l'enfant se confondant en excuses, retourna Ă  l'Ă©cole et devint le grand philosophe Mencius.

ƒuvre

Les enseignements de Mencius, présentés sous forme de dialogues, sont réunis dans un ouvrage en sept livres dont chacun porte le titre du principal interlocuteur, prince ou disciple. L'ouvrage a été traduit plusieurs fois en français, notamment par Guillaume Pauthier (1862), Séraphin Couvreur (1895), André Lévy (2003).

La pensĂ©e de Mencius s'arc-boute sur l'idĂ©e que la nature de l'homme est fondamentalement bonne. La preuve de cette bontĂ©, Mencius la voit dans le fait que tout un chacun tentera spontanĂ©ment d'aider un enfant en dĂ©tresse tombĂ© dans un puits : « Tout homme est dotĂ© d’un cƓur qui ne supporte pas la souffrance d’autrui. (
) Ce qui nous fait affirmer que tout homme est douĂ© de compassion, c’est que toute personne qui apercevrait aujourd’hui un petit enfant sur le point de tomber dans un puits, Ă©prouverait en son cƓur panique et douleur, non pas parce qu’il connaĂźtrait ses parents, non pas pour acquĂ©rir une bonne rĂ©putation auprĂšs des voisins ou amis, ni non plus par aversion pour les hurlements de l’enfant[5]. » En voici une traduction lĂ©gĂšrement diffĂ©rente : « Tout homme a un cƓur qui rĂ©agit Ă  l'intolĂ©rable. [...] Supposez que des gens voient soudain un enfant sur le point de tomber dans un puits, ils auront tous une rĂ©action d'effroi et d'empathie qui ne sera motivĂ©e ni par le dĂ©sir d'ĂȘtre en bons termes avec les parents, ni par le souci d'une bonne rĂ©putation auprĂšs des voisins et amis, ni par l'aversion pour les hurlements de l’enfant[6]. » Selon Mencius, la compassion ou l’incapacitĂ© de supporter la souffrance de l’autre est la manifestation de la morale innĂ©e.

La moralitĂ© est pour Mencius ce qui distingue l'humain de l'animal : "sans un cƓur qui compatit Ă  autrui, on n'est pas humain; sans un cƓur qui Ă©prouve la honte, on n'est pas humain; sans un cƓur empreint de modestie et de dĂ©fĂ©rence, on n'est pas humain; sans un cƓur qui distingue le vrai du faux, on n'est pas humain"[7]. Pour prĂ©server son statut humain, l'homme doit se consacrer aux idĂ©aux de la morale. Selon Mencius, vaut mieux sacrifier sa vie que transgresser la vertu[8].

La nature de l'homme, supposĂ©e bonne, n'a pas, pour autant, vocation Ă  tendre vers l’amour universel tel que prĂŽnĂ© par l’école moĂŻste fondĂ©e par Mozi, que Mencius critique fortement. La bontĂ© de l’homme est un facilitateur du confucianisme. A ce titre, son expression doit tenir compte respectueusement des hiĂ©rarchies de la sociĂ©tĂ© : elle ne doit pas transcender l’ordre social au nom d’un « amour pour tous », qui se caractĂ©riserait par une uniformitĂ© universelle[9].

Éducation

La conception de l'Ă©ducation de Mencius se base sur sa vision de la nature humaine. Dans la pensĂ©e de Mencius, l'Ă©ducation vise le perfectionnement personnel par la cultivation des vertus innĂ©es : l'humanitĂ©, intĂ©gritĂ©, respect des rites et sagesse. Le but de l'Ă©ducation est de conserver, cultiver sa bontĂ© naturelle, et si l’on perdait, chercher Ă  la retrouver[10].

Mencius tire une conclusion importante de sa conviction en la bontĂ© de la nature humaine en matiĂšre d'Ă©ducation : Mencius pense qu'il est inutile, voire contre-productif de contraindre la nature humaine dans l'Ă©ducation des enfants et des adolescents. Il faut travailler le sens moral, mais sans chercher Ă  le redresser, ne pas laisser son cƓur oublier ce sens moral, mais sans vouloir l’aider Ă  pousser, et surtout ne pas faire comme l’homme de Song. Un homme de Song, se dĂ©solant de ne pas voir ses pousses grandir assez vite, eut l’idĂ©e de tirer dessus. RentrĂ© chez lui en toute hĂąte, il dit Ă  ses gens : « Je suis bien fatiguĂ© aujourd’hui, j’ai aidĂ© les germes Ă  pousser ». Sur ce, son fils se prĂ©cipita pour aller voir le champ, mais les pousses avaient dĂ©jĂ  sĂ©chĂ©. Dans le monde, rares sont ceux qui n’aident pas les germes Ă  pousser. Ceux qui abandonnent, persuadĂ©s que c’est peine perdue, sont ceux qui nĂ©gligent de cultiver les pousses ; mais ceux qui forcent la croissance sont ceux qui tirent les pousses, effort non seulement inutile, mais nuisible[11]. Pour Mencius, il faut bien sĂ»r travailler et faire des efforts pour apprendre des savoirs et apprendre Ă  ĂȘtre un homme meilleur, animĂ© par le sens du juste et le sens de l'humain. Mais rien ne sert de vouloir prĂ©cipiter notre dĂ©veloppement et nous contraindre tout de suite Ă  devenir savant et sans dĂ©faut moral. Ce dĂ©veloppement se poursuit de lui-mĂȘme, un peu comme une plante croĂźt et s'Ă©panouit d'elle-mĂȘme. Vouloir forcer l'enfant Ă  ĂȘtre parfait tout de suite, c'est comme tirer sur les plants de blĂ©s pour les faire pousser plus vite ! Le seul rĂ©sultat sera de gĂącher l'Ă©ducation de l'enfant tout comme l'idiot de Song gĂąche sa rĂ©colte.

Parmi les principes de l'Ă©ducation morale mencienne sont : prĂ©server sa bontĂ© naturelle, maitriser ses dĂ©sirs matĂ©riels, chercher ses dĂ©fauts afin de s'amĂ©liorer, se repentir et se corriger si on a commis une faute, dĂ©velopper la grandeur naturelle de l’ñme et la volontĂ©[10].

Le Mal chez Mencius

Mencius rend Ă©galement compte des mauvais cĂŽtĂ©s de la nature humaine. Pour lui, la cause du mal en l’humain est son inconscience de l’existence de sa bontĂ© ou son dĂ©veloppement insuffisant et non pas la nature premiĂšre de l’homme. La morale consiste donc dans la prise de conscience de cette nature premiĂšre. Pour Mencius comme pour tous les confucĂ©ens, le Mal n'existe pas en soi, car il n’est que l’absence du Bien[12].

La politique morale

Mencius juge que les problĂšmes politiques de son Ă©poque sont provoquĂ©s par le fait que les rois ne croient plus Ă  la vertu comme source de pouvoir. Il pense que la solution Ă  ces problĂšmes rĂ©side dans un gouvernement bienveillant et dans un Ă©tat qui adopte la politique morale. Celui-ci aurait comme objectif premier d'assurer le bien-ĂȘtre des gens et de gagner leur cƓur. Pour lui, un souverain qui ne pense qu'Ă  ses intĂ©rĂȘts personnels ne fait que pousser le peuple Ă  agir de mĂȘme, ce qui finit par mettre l'État en ruine. Bien qu'il ne nie pas que l'homme soit prĂ©disposĂ© au dĂ©sir, il dit cependant que les humains ne devraient pas permettre Ă  ces plaisirs de prendre une plus grande importance que l'humanitĂ© et la droiture. Avec ce principe en tĂȘte, Mencius arrive Ă  la conclusion que si le roi gouverne avec vertu, ses subalternes agiront de mĂȘme et l'Ă©tat en profitera grandement[13].

Mencius attribue la source de la lĂ©gitimitĂ© des souverains au peuple. Cependant le peuple ne fait qu'exprimer le Mandat du Ciel. Si le roi est agrĂ©Ă© par le Ciel, le peuple se tourne naturellement vers lui. Par consĂ©quent, si le souverain n’est pas digne de son mandat, le peuple a le droit de le renverser et mĂȘme de le tuer, selon Mencius[14].

Selon lui, si un roi voulait rĂ©ellement gouverner avec sagesse, celui-ci se devait de mettre l'Ă©ducation des bonnes valeurs de sa population au centre de ses prioritĂ©s. Mencius pensait Ă©galement que faire la paix serait dans l'intĂ©rĂȘt des souverains, car si ceux-ci arrivaient Ă  mettre leurs diffĂ©rents de cotĂ© et se concentraient plutĂŽt sur leur population, ils pourraient alors crĂ©er des programmes Ă©ducatifs qui rendraient le peuple bon. Il fut un parmi tant d'autres Ă  essayer de promouvoir la paix au lieu de la guerre aux diffĂ©rents monarques, mais pas un seul d'entre eux ne vit l'intĂ©rĂȘt de dĂ©poser les armes en premier. Ceux-ci avaient toujours une excuse justifiant le fait qu'ils n'adopteraient pas le confucianisme et qu'ils ne mettraient pas fin aux guerres[15].

AprĂšs s'ĂȘtre rendu compte que sa quĂȘte Ă©tait en vain et qu'il ne rĂ©ussirait pas Ă  convaincre les rois de faire la paix, Mencius se concentra plutĂŽt sur l'Ă©ducation des Ă©tudiants de son Ă©cole privĂ©e[15].

Bibliographie

  • Meng Tzeu. Traduction de SĂ©raphin Couvreur, latin et français, avec le texte original commentĂ© par Tchou Hi en regard, 1895.
  • De l'utilitĂ© d'ĂȘtre bon, traduction Couvreur abrĂ©gĂ©e et commentĂ©e, Mille et une Nuits, 2004, (ISBN 978-2842058210).
  • Mencius. Traduction d'AndrĂ© LĂ©vy, You Feng, 2003, (ISBN 978-2842791476), rĂ©Ă©ditĂ© chez Payot & Rivages, 2008.
  • Fonder la morale. Dialogue de Mencius avec un philosophe des LumiĂšres, François Jullien, Grasset, 1996, (ISBN 978-2246521716).
  • Histoire de la pensĂ©e chinoise, chap.6, Anne Cheng, Ă©d. du Seuil, Paris, pp. 159-187.
  • Les philosophies orientales, chap.5, Vladimir Grigorieff, Eyrolles.
  • Arunkhajornsak, Sarinya, et Nicole G. Albert. « Les enjeux politiques de la compassion chez Mencius », DiogĂšne, vol. 254-255, no. 2-3, 2016, pp. 68-86.
  • Mark, J. J. (2020, juillet 08). Mencius [Mencius]. (J. Couturier, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/1-10639/mencius/

Notes

  1. ce nom a été latinisé par les jésuites
  2. chinois : 歟歐 ; pinyin : Mùng Zǐ ; parfois Mong Tseu en français
  3. chinois : ć­Ÿè»» ; pinyin : MĂšng Kē
  4. (愊朱)
  5. Mencius, II, A, 6, traduction d'André Lévy, Payot & Rivages, p. 85.
  6. Cheng, Anne, 1955-, Histoire de la pensée chinoise, p. 161-162, Paris, Ed. du Seuil, , 650 p. (ISBN 2-02-012559-5 et 9782020125598, OCLC 416934677, lire en ligne)
  7. Mencius (trad. Anne Cheng), Mengzi II A6, Histoire de la pensée Chinoise, Edition du Seuil, , p. 171
  8. Ru Xin, « La personne humaine dans la civilisation chinoise », DiogĂšne, vol. 215, no 3,‎ , p. 77 (ISSN 0419-1633 et 2077-5253, DOI 10.3917/dio.215.0077, lire en ligne, consultĂ© le )
  9. Vladimir Grigorieff, Les philosophies orientales, Eyrolles.
  10. International Bureau of Education (GenÚve ; Unesco), Perspectives : PRS : revue trimestrielle de l'éducation comparée, Bureau international de l'éducation (OCLC 609872969, lire en ligne), vol. XXIV, n° 1-2,1994, p. 125-134
  11. Mencius, II, A, 2, op. cit..
  12. Cheng, Anne, author., Histoire de la pensée chinoise, 650 p. (ISBN 978-2-7578-4444-1 et 2-7578-4444-X, OCLC 904736390, lire en ligne), p. 178-179
  13. « Les enjeux politiques de la compassion chez Mencius »
  14. Cheng, Anne, author., Histoire de la pensée chinoise, 650 p. (ISBN 978-2-7578-4444-1 et 2-7578-4444-X, OCLC 904736390, lire en ligne), p. 165
  15. « Mencius », sur Encyclopédie de l'Histoire du Monde (consulté le )

Annexes

Liens externes

Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.