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Matrice BCG

La matrice BCG (Boston Consulting Group, fin des années 1960) est un outil d'analyse stratégique inventé par Bruce Henderson. Utilisé en stratégie d'entreprise, elle permet de justifier des choix d'allocation de ressources entre les différentes activités d'une entreprise diversifiée, présente sur plusieurs domaines d'activité stratégique (DAS en français, SBU - Strategic Business Unit - en anglais).


Cet outil est utilisé par extension en marketing pour évaluer l'équilibre du portefeuille de produits d'un DAS, mais ce n'est pas sa fonction initiale.

Construction

La matrice du BCG. Le taux de croissance est à modifier en fonction de celui du secteur d'activité. La matrice a été créée avec Fancy BCG Matrix

La matrice BCG permet de positionner chacun des DAS de l'entreprise selon deux axes :

  • ce que rapporte chaque DAS, mesurĂ© par sa part de marchĂ© relative, c'est-Ă -dire la part de marchĂ© du DAS divisĂ©e par celle du leader sur le mĂŞme marchĂ© (ou par rapport au numĂ©ro 2 sur le marchĂ© si l'entreprise est elle-mĂŞme leader). Un chiffre de 0,5 rĂ©vèle que l’entreprise dĂ©tient une part de marchĂ© Ă©gale Ă  50 % de celle dĂ©tenue par le leader. Un chiffre de 4 signifie que l'entreprise est leader et dĂ©tient une part de marchĂ© quatre fois supĂ©rieure Ă  celle du numĂ©ro 2 du marchĂ©.
  • ce que coĂ»te chaque DAS, mesurĂ© par le taux de croissance de son marchĂ©. Chaque DAS ayant une croissance diffĂ©rente, on adaptera l'Ă©chelle en consĂ©quence.

On représente ensuite les DAS par des bulles, dont la surface (et non le diamètre) est proportionnelle à la contribution du DAS au chiffre d'affaires total de l'entreprise.

L'analyse peut être effectuée à l'aide de tableurs ordinaires. Des solutions basées sur le Web sont également disponibles.

Utilisation

La matrice BCG repose sur trois hypothèses :

  • chaque activitĂ© a un taux de croissance dĂ©pendant de son cycle de vie :
    • plus l’activitĂ© est jeune, plus les investissements sont importants (le DAS consomme des flux de trĂ©sorerie),
    • rĂ©ciproquement, plus l’activitĂ© est âgĂ©e moins les investissements sont importants (le DAS gĂ©nère des flux de trĂ©sorerie) ;
  • plus la part de marchĂ© relative du DAS est Ă©levĂ©e, plus il est rentable, car il profite de l'effet d'expĂ©rience ;
    • l'idĂ©e est que plus le DAS a une part de marchĂ© relative Ă©levĂ©e, plus il va vendre, donc produire en plus grande quantitĂ©, ce qui lui permettra d'abaisser son coĂ»t de production (du fait des Ă©conomies d'Ă©chelle, des Ă©conomies d'expĂ©rience et des innovations de procĂ©dĂ©). Dans cette logique, la rentabilitĂ© est directement corrĂ©lĂ©e au volume de production cumulĂ© ;
  • chaque activitĂ© dĂ©gage un rĂ©sultat financier dĂ©duit des deux relations prĂ©cĂ©dentes ;
    • ainsi si un DAS est arrivĂ© Ă  maturitĂ© et qu'il dispose d'une part de marchĂ© Ă©levĂ©e, ses bĂ©nĂ©fices vont ĂŞtre Ă©levĂ©s (peu d'investissements et marge importante). L'entreprise va pouvoir utiliser les flux de trĂ©sorerie (cash flows) dĂ©gagĂ©s par ce DAS pour financer le dĂ©veloppement d'une autre activitĂ©.

Le croisement des situations et des positions débouche sur un tableau à 4 cases. Chacune d’elles possède des caractéristiques commerciales et financières qui justifient son nom et la stratégie à suivre.

CroissanceVedetteDilemme
StagnationVache Ă  laitPoids Mort
LeaderSuiveur

La matrice BCG permet ainsi de classer les produits en fonction de leur aptitude à générer du cash, tout en prenant en compte la croissance du marché, ainsi que leur part de marché relative :

  • vedette (ou Ă©toile) : part de marchĂ© relative Ă©levĂ©e sur un marchĂ© en forte croissance. Fort besoin de liquiditĂ© pour continuer la croissance (ex : les smartphones pour Samsung) ;
  • vache Ă  lait : part de marchĂ© relative Ă©levĂ©e sur un marchĂ© en faible croissance, en phase de maturitĂ© ou en dĂ©clin. Exigeant peu d'investissements nouveaux et dĂ©gageant des flux financiers importants qui devront ĂŞtre rĂ©investis intelligemment sur les vedettes et les dilemmes (ex : la Freebox dans le portefeuille d'activitĂ©s d'Iliad) ;
  • dilemme : part de marchĂ© relative faible sur un marchĂ© en croissance Ă©levĂ©e. Peu rentable, voire dĂ©ficitaire en termes de flux financiers, nĂ©cessite des investissements importants pour l'acquisition d'une bonne part de marchĂ© relative afin de ne pas devenir des poids morts (ex : Free mobile dans le portefeuille d'activitĂ©s d'Iliad) ;
  • poids mort : part de marchĂ© relative faible sur un marchĂ© en faible croissance. Faible potentiel de dĂ©veloppement, peu consommateur de capitaux, ne dĂ©gage pas de flux financiers stables, faible rentabilitĂ© voire nulle ou nĂ©gative (ex. : "Ma ligne Visio", offre visiophonie dans le portefeuille d'activitĂ©s de France Telecom).

Pour les activités qualifiées de vedettes ou de poids morts, le choix d'allocation de ressources est clair : investir à fond sur les premières et délaisser (voire tenter de céder) les secondes.
Les cas des vaches à lait et des dilemmes sont plus complexes. Très souvent, une entreprise se servira des flux de trésorerie générés par ses vaches à lait pour financer ses dilemmes ; ces derniers constituent un investissement moins sûr mais qui peut rapporter beaucoup à terme, à condition d'arriver à les transformer en vedettes (en leur faisant gagner des parts de marché avant que le marché ne stagne). Dans le cas où l'on ne parvient pas à faire des dilemmes des vedettes avant que le marché ne stagne, ils deviennent des poids morts.

Limites importantes

L'idée du BCG était de fournir à ses clients une visualisation leur permettant de constituer un portefeuille d'activités équilibré (posséder suffisamment de DAS Vaches à lait pour financer les Vedettes et les Dilemmes, de manière à équilibrer la génération et la consommation de flux de trésorerie).

Un outil limité à quelques secteurs d'activité

La principale limite de ce modèle est qu'il est uniquement pertinent pour des DAS qui profitent d'un effet d'expérience élevé (par exemple dans la sidérurgie, les semi-conducteurs, la banque de dépôt, etc.). Pour les DAS dans lesquels l'effet d'expérience est faible, la rentabilité n'a pas de raison d'être corrélée avec la part de marché. C'est le cas par exemple dans l'industrie du luxe, où les entreprises les plus rentables ne sont pas nécessairement celles qui possèdent la part de marché la plus forte. Plus généralement, lorsque la stratégie retenue par l'entreprise est une stratégie de différenciation ou de focalisation et non une stratégie de volume fondée sur l'effet d'expérience, utiliser la matrice BCG peut conduire à prendre de mauvaises décisions d'allocation de ressources : selon la matrice BCG, le portefeuille d'activités de LVMH ne comprend que des poids morts, qui devaient donc tous être revendus.

Un outil financièrement déphasé

Par ailleurs, l'hypothèse selon laquelle certaines activités doivent financer les autres ne prend pas en compte la possibilité de ressources financières externes (emprunts, entrée de nouveaux investisseurs, émission d'actions, introduction en Bourse, etc.). Le modèle repose donc sur un principe d'autofinancement qui n'est plus en phase avec la finance moderne.

Un outil qui ne tient pas compte des synergies

Enfin, ce modèle ne tient aucun compte des synergies qui peuvent exister entre plusieurs DAS : un DAS qualifié de "poids mort" peut en fait se révéler très utile. Il peut par exemple permettre à un autre DAS partageant certains de ses actifs de renforcer ses économies d'échelle ou lui apporter un complément de gamme facilitant sa commercialisation : selon la matrice BCG, BMW aurait depuis longtemps dû arrêter de fabriquer des motos.

Conclusions : des conditions d'utilisation très rares

Au total, les conditions dans lesquelles la matrice BCG peut être utilisée de manière pertinente sont extrêmement rares : il faut que l'entreprise privilégie l'autofinancement, qu'elle présente uniquement des DAS suivant une stratégie de volume, et entre lesquels il n'y a pas de synergies. Ces conditions très restrictives limitent très fortement l'utilisation de la matrice BCG, que ce soit en entreprise ou dans un cadre pédagogique. De même, la matrice BCG n'est pas utilisable directement dans les entretiens de recrutement des cabinets de conseil lors des études de cas.

Notes

    Voir aussi

    Articles connexes

    Bibliographie

    • JosĂ© Allouche et GĂ©raldine Schmidt, Les Outils de la dĂ©cision stratĂ©gique. Tome 1 : Avant 1980, La DĂ©couverte, , 122 p. (ISBN 978-2707124074).
    • Jean-Marie Ducreux, RenĂ© Abate et Nicolas Kachaner, Le Grand Livre de la stratĂ©gie, Pearson, , 378 p. (ISBN 978-2212542462), pp. 125-145.
    • Laurence Lehmann-Ortega, FrĂ©dĂ©ric Leroy, Bernard Garrette, Pierre Dussauge et Rodolphe Durand, Strategor. Toute la stratĂ©gie d'entreprise, Dunod, , 6e Ă©d., 704 p. (ISBN 978-2100598649), pp. 414-418.
    • Alain-Charles Martinet, Diagnostic stratĂ©gique, Vuibert, , 157 p. (ISBN 978-2711777068), pp. 28-32.
    • Richard Whittington, Duncan Angwin, Patrick RegnĂ©r, Gerry Johnson, Kevan Scholes et FrĂ©dĂ©ric FrĂ©ry, StratĂ©gique, Pearson, , 13e Ă©d., 722 p. (ISBN 978-2-326-00324-8), pp. 380-382.
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