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Massacre de l'usine AZTRA

Le massacre de l'usine AZTRA est un massacre qui a lieu en Équateur, à La Troncal, dans la province de Cañar, le . Ses victimes sont des travailleurs de l'entreprise Azucarera Tropical Americana (AZTRA), spécialisée dans le traitement de la canne à sucre. Alors que les ouvriers en grève revendiquant l'application d'un intéressement de 20 % sur les bénéfices occupent les installations, la police intervient violemment dans l'après-midi pour les en déloger, faisant 26 morts selon les autorités, plus de 100 morts selon les syndicats[1].

Contexte

De 1972 à 1979, l'Équateur est gouverné par un régime militaire, tout d'abord dirigé par le général Guillermo Rodríguez Lara, de 1972 à 1976, puis de 1976 à 1979 par un triumvirat regroupant deux généraux et un amiral représentant l'armée de terre, l'armée de l'air et la Marine. C'est sous le gouvernement de ce triumvirat que se produit la grève de l'usine AZTRA. Malgré ce contexte, les mouvements sociaux se développent au cours des années 1970 dans le pays, avec notamment en l'organisation d'une grève nationale unitaire par les trois principales centrales syndicales du pays. Ce renforcement des luttes syndicales va de pair avec un renforcement des politiques répressives menées par le gouvernement à leur encontre[2].

Sur le plan local, les annĂ©es 1970 reprĂ©sentent aussi une pĂ©riode d'organisation des travailleurs en syndicats et comitĂ© d'entreprise. Les près de 4 000 travailleurs obtiennent de la direction de l'usine AZTRA, fondĂ©e en 1964 et propriĂ©tĂ© de l'État depuis 1972, deux contrats collectifs en 1974 puis 1976 prĂ©voyant notamment un intĂ©ressement des travailleurs Ă  hauteur de 20 % des bĂ©nĂ©fices de l'entreprise. Toutefois, en , le gouvernement dĂ©crète une hausse des prix du sucre et supprime en l'intĂ©ressement de 20 %. En , les travailleurs demandent au ministère du Travail, le rĂ©tablissement de cet intĂ©ressement, ainsi qu'une plus grande stabilitĂ© de l'emploi et de meilleures grilles de rĂ©munĂ©ration. C'est sur ces revendications non satisfaites qu'est dĂ©cidĂ©e la grève du [2].

La journée du 18 octobre 1977

Le , les ouvriers de l'usine AZTRA se mettent en grève afin d'obtenir satisfaction de leurs revendications, en particulier sur l'intĂ©ressement de 20 % des bĂ©nĂ©fices. Ils occupent leur usine, oĂą ils sont rejoints dans l'après-midi par des membres de leur famille. Vers 17 heures, un dĂ©tachement de plus de cent policiers fortement armĂ©s tente de les dĂ©loger, donnant un dĂ©lai de 2 minutes aux quelque 2 000 personnes qui occupent l'usine pour Ă©vacuer les lieux, avant de procĂ©der Ă  des tirs de gaz lacrymogènes puis des tirs Ă  balle rĂ©elle face au refus des travailleurs, pour certains armĂ©s de machettes. Dans le mouvement de foule qui s'ensuit, de nombreuses personnes tombent dans un canal d'irrigation, tandis que, selon les grĂ©vistes, d'autres sont blessĂ©es ou tuĂ©es par balles avant d'ĂŞtre jetĂ©es dans ce mĂŞme canal par les forces de polices. Tandis que le bilan officiel s'Ă©tablit Ă  26 morts (officiellement de noyade ou de crise cardiqaque), des bilans non officiels se basant entre autres sur le nombre d'ouvriers manquant Ă  l'usine pendant les jours qui ont suivi, font Ă©tat de plus de cent morts ou disparus ce jour-lĂ . Ă€ 20 heures, le commandant des forces de polices, le major DĂ­az, fait savoir Ă  sa hiĂ©rarchie que sa mission a Ă©tĂ© complètement accomplie[2] - [3].

Suites et commémorations du massacre

La journée du met fin à l'occupation de l'usine. Les principaux dirigeants du mouvement sont arrêtés puis emprisonnés, tandis que la localité de La Troncal, où le mouvement se poursuivait, est placée sous contrôle militaire. La nouvelle du massacre se propage rapidement dans le pays, d'autres travailleurs de l'industrie sucrière (entreprises 'San Carlos et Valdez) se mettent en grève en solidarité avec ceux d'AZTRA, tandis que des manifestations d'ouvriers et d'étudiants se produisent à divers endroits du pays en guise de protestation. Lors du retour à la démocratie et des premières élections présidentielles en 1979, Jaime Roldós Aguilera promet qu'il n'y aura ni pardon ni oubli pour les responsables du massacre. Toutefois, quand il prend le pouvoir en , aucune poursuite n'est engagée contre les auteurs de la répression. Une commission d'enquête est nommée par l'Assemblée nationale, mais elle se contente de mettre à pied deux juges de la province de Cañar[3].

En 2011, le président Rafael Correa fait sien le bilan de plus de 100 victimes avancé par les syndicats, et promet de faire édifier un monument pour commémorer cet événement tragique[4]. En , l'Assemblée nationale de l'Équateur décrète le « journée de la dignité du travailleur équatorien de la canne à sucre » (día de la dignidad del zafrero ecuatoriano). L'Assemblée demande également la mise en place d'une Commission de la vérité pour éclaircir les faits, établir une liste exacte des victimes afin de pouvoir ériger un mémorial où seraient inscrits leurs noms au sein de l'enceinte législative, et le cas échéant poursuivre en justice les responsables. Le , la commémoration du massacre qui a lieu chaque année à La Troncal autour du « Monument au coupeur de canne » (monumento al zafrero), devient donc pour la première fois une célébration officielle[5].

Histoire postérieure de l'usine AZTRA

Le , après un mouvement social de plusieurs mois, le gouvernement privatise l'usine AZTRA au bĂ©nĂ©fice du groupe IsaĂ­as pour la somme de 100 000 dollars, prĂ©fĂ©rant cette vente pour une somme que les syndicats jugent dĂ©risoire au projet de reprise par les travailleurs. Dans les mois qui suivent, 3 500 d'entre eux sont licenciĂ©s, ce qui en fait le licenciement de masse le plus important dans l'histoire de l'Équateur[6]. En 2008, l'usine est de nouveau nationalisĂ©e avec d'autres biens de la famille IsaĂ­as au sein d'une holding Ecudos, administrĂ©e par le fonds public No más impunidad (Plus d'impunitĂ©)[7]. En , la sucrerie, la troisième d'Équateur par sa production, est de nouveau privatisĂ©e avec le reste de la holding Ecudos au bĂ©nĂ©fice du groupe pĂ©ruvien Gloria qui acquiert 70 % des actions pour 133,8 millions de dollars, tandis que les travailleurs espèrent pouvoir obtenir un crĂ©dit public pour pouvoir investir dans les 30 % restants[7].

Bibliographie

  • AZTRA, perdĂłn y olvido de una masacre, BuitrĂłn et al., Revue du CEDEP (No 14), 1985, 45 pp.
  • La masacre de AZTRA: el crĂ­men más espantoso de la dictadura del triunvirato militar. Granda Aguilar, V., Ed. Facultad de Ciencias EconĂłmicas de la Universidad de Cuenca, 1979, 387 pp.
  • Memorias y representaciones de la matanza de trabajadores de Aztra 1977. Garrido, M. J., Rev. Pacarina del sur, Vol. 20, 2014.

Références

  1. Durán Alba, J., « Movimientos sociales en Ecuador en 1970 Â», in Camacho, D., Los movimientos populares en AmĂ©rica Latina, Ed. Siglo XXI. p. 269.
  2. Memorias y representaciones de la matanza de trabajadores de Aztra 1977. Garrido, M. J., Rev. Pacarina del sur, Vol. 20, 2014.
  3. Masacre de Aztra: PerdĂłn y olvido, Eduardo Tamayo G., rev. ALAI, 20 octobre 1988.
  4. Gobierno firmará memorial para recordar masacre en Ingenio Aztra, ecuadorinmediato?com, 3 septembre 2011
  5. Cada 18 de octubre se celebrará el Día del Zafrero, El Telégrafo, 28 octobre 2014.
  6. Extrabajadores de Aztra llevaron su reclamo ante la CIDH
  7. Ecudos se vendió con crédito de la CFN, El Comercio, 16 septembre 2011
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