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Marché des droits à polluer

Le marché des droits à polluer englobe toutes les transactions par lesquelles certains pays, juridiction ou entreprises, achètent des droits de polluer.

En 2005 s’est ouvert le marché européen des droits à polluer, afin de se conformer partiellement au protocole de Kyoto. En réalité ce marché des permis d’émission ne confère aucun « droit à polluer » au sens où il fixe seulement un prix de marché à la pollution en tant qu'une externalité, dotée d'un coût social[1]. Étant donné que les acheteurs et les vendeurs sont peu concernés par les conséquences externes de leurs décisions de demande et d’offre, l’équilibre du marché peut ne pas être efficace, c’est-à-dire, ne pas maximiser le bénéfice total pour la société. Le marché des droits à polluer constitue ainsi, dans une certaine mesure, une solution à l’inefficacité causée par l’externalité de la pollution.

Effet des externalités sur le marché

Pollution : une externalité négative à la production

Selon la théorie de la main invisible d’Adam Smith, les acheteurs et les vendeurs qui poursuivent leurs propres objectifs maximisent le bénéfice total que la société dérive d’un marché compétitif : on peut alors dire que ce marché est efficace. Dans un marché de biens normaux, en concurrence pure et parfaite, le prix du bien s’établit à un niveau qui équilibre l’offre et la demande. La quantité d’équilibre est efficace en ce sens qu’elle maximise le surplus du consommateur et du producteur. Ainsi le marché alloue les ressources de manière à maximiser la valeur accordée par les consommateurs diminuée des coûts supportés par les producteurs. En l’absence d'externalités, l’équilibre du marché est donc socialement optimal.

Mais les externalités négatives existent, ainsi de l'une des industries les plus polluantes : celle de la production du papier. Ainsi, pour chaque unité de papier produite, une certaine quantité de toxines pénètre dans l’atmosphère. Cette pollution augmentant les risques de troubles de santé dans la population, il s’agit là d’une externalité négative.

De ce fait, le coût social de production est supérieur au coût supporté par les producteurs. Pour chaque unité de papier produite, le coût social comprend le coût privé supporté par les fabricants, plus le coût public supporté par tous ceux qui respirent l’air pollué. La courbe de coût marginal social est située au-dessus de la courbe de coût marginal privé, du fait des coûts externes imposés à la société par le producteur de papier. La différence entre les deux courbes représente le coût de la pollution émise.

Effets de la pollution sur le niveau de production

Le producteur a alors deux options : il peut suivre la quantité du marché, ou le niveau de production pour lequel la courbe de demande coupe la courbe de coût social. Si le producteur suit l’équilibre du marché, la quantité qu’il va produire va être supérieure à la quantité d’équilibre social. Ce qui s’explique par le fait que l’équilibre du marché ne prend en compte que les coûts privés de production. Ainsi, au point d’équilibre du marché, le consommateur accorde au papier une valeur inférieure au coût social de production. Par conséquent, en présence des externalités, la situation obtenue n’est pas efficace au sens du principe de Pareto, ce qui produit une défaillance du marché. De ce fait, des externalités négatives à la production comme la pollution, conduisent les marchés à produire une quantité trop grande par rapport au niveau de production socialement efficace. Donc, une réduction de la consommation et de la production en dessous de ce niveau d’équilibre du marché augmenterait le bien-être économique général.

Marché des droits à polluer

Les externalités négatives, à la production ou à la consommation, conduisent les marchés à produire plus que l’optimum social. Il faut internaliser l’externalité en amenant les acheteurs et les vendeurs à intégrer les conséquences de leurs décisions. Quand une externalité conduit un marché à allouer les ressources de manière non optimale, le gouvernement peut intervenir de deux manières. Il peut choisir d'adopter des mesures réglementaires, par l’intermédiaire de taxes à la Pigou ou de quotas; ou il peut adopter des solutions de marché, qui inciteront les décideurs privés à résoudre le problème eux-mêmes.

De nombreux économistes pensent que les incitations économiques sont plus rentables et plus efficaces en matière de politique environnementale que des ordres du gouvernement. Ils suggèrent donc l’utilisation de droit à polluer, c’est-à-dire du paiement par les entreprises d’un impôt sur leur pollution égal au montant du dommage externe - une sorte d'amende sur le principe pollueur-payeur. De cette façon, l’entreprise serait placée face aux coûts sociaux de ses activités et l’externalité serait internalisée. Autrement dit, l’entreprise serait contrainte à soustraire le coût social marginal de son activité de production du bénéfice marginal de cette même activité. Elle serait donc amenée à considérer la possibilité d’une action de dépollution dont le coût marginal serait peut-être plus avantageux que le paiement de droits à polluer.

Mais plutôt que de confier au gouvernement le soin de fixer le montant de cet impôt, et de laisser ensuite l’entreprise déterminer son niveau de pollution, on peut établir un système de marché de droits à polluer négociables qui inverse la logique du processus. Dans cette approche, l’État est celui qui fixe le niveau maximal de pollution et il attribue un nombre correspondant de permis, c’est-à-dire un nombre de quotas de pollution à chaque entreprise. Le prix de ces permis est alors établi sur le marché des droits à polluer selon la loi de l’offre et la demande car les entreprises peuvent échanger entre elles ces droits d’émission. Pour satisfaire aux quotas imposés, selon ses coûts de rentabilité, une entreprise pourra donc choisir entre incorporer rapidement le progrès technique de façon que son activité soit moins polluante, ou bien acheter des droits supplémentaires d’émission aux entreprises vertueuses qui seront effectivement parvenues à réduire leur pollution au point d’être en dessous de la limite fixée.

L'une de ses variantes est le marché des émissions de gaz à effet de serre qui pour le vocabulaire officiel de l’environnement (tel que défini par la commission d'enrichissement de la langue française en 2019, l’expression « marché des émissions de gaz à effet de serre » (GHG market, greenhouse gas market pour les anglophones) est définie comme le « marché d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre, qui repose sur un dispositif de quotas d'émission cessibles. Quand ce marché concerne les quotas d'émission de dioxyde de carbone, on parle de « marché du dioxyde de carbone » ou de « marché du carbone » (en anglais : carbon market). Voir aussi : délocalisation d'émissions de gaz à effet de serre, dispositif de quotas d'émission cessibles, quota d'émission de gaz à effet de serre, unité de réduction certifiée des émissions. (Équivalent étranger :. »[2]

Limites du marché

Mais si le marché des droits à polluer offre une solution au problème de l’externalité négative qu’est la pollution, il présente néanmoins quelques failles. Par exemple, le cours de la tonne de dioxyde de carbone sur le marché européen des droits à polluer était d’environ 30  début 2006 ; mais au cours de l’année il s’est effondré à 1,30  du fait de la prise de conscience que les émissions d’un certain nombre de pays étaient nettement inférieures aux quotas généreux allouées à leurs entreprises. Or un tel tarif permet aux pollueurs d’acheter des permis à bon compte et n’incite pas à investir dans des technologies propres. Si le prix d’achat des droits à polluer est trop attractif, les entreprises préfèreront se ruer sur le marché au lieu de faire des efforts réels de dépollution. Dès lors, ne faut-il pas établir une réglementation plus rigoureuse obligeant par exemple les gros pollueurs à des efforts de réduction réels avant d’avoir recours marginalement à l’achat de droits d’émission ?

De plus, du côté du consommateur, le prix final du bien devient un signal imparfait qui ne joue plus son rôle dans les décisions individuelles de consommation car il ne le renseigne pas sur l’impact écologique de son choix. La réduction de la pollution apparaît donc exclusivement comme étant du ressort des producteurs ce qui crée une fracture dans la relation aux consommateurs.

Conclusion

L'intérêt du recours au marché est de faciliter l'atteinte d'un objectif global, fixé par la collectivité, de réduction des rejets de substances polluantes. Les acteurs pouvant aller au-delà de cet objectif de réduction seront économiquement incités à le faire en valorisant leurs efforts sous forme de crédits d'émission. Les acteurs moins chanceux ou moins volontaires pourront acheter de tels crédits sur le marché pour respecter leurs engagements. Ainsi, le marché permet d'atteindre à moindre coût l'objectif initial de réduction des émissions en permettant un transfert depuis les acteurs les plus innovants ou les mieux placés.

Notes et références

  1. Une externalité est l’impact des actions d’un agent sur le bien-être d’autrui sans que cet impact soit pris en considération par le marché. Si cet impact est négatif, on parle d’une externalité négative; si l’impact est bénéfique, on parle d’externalité positive. Les externalités peuvent toucher le processus de production ou la consommation.
  2. Commission d'enrichissement de la langue française (2019) « Vocabulaire de l'environnement : climat-carbone » NOR : CTNR1926055K ; liste du 24-9-2019 - J.O. du 24-9-2019 ; Ref MENJ - MESRI – MC |URL : https://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=146186

Bibliographie

  • SAMUELSON, NORDHAUS, Économie, Economica, Paris, 2002.
  • STIGLITZ Joseph E., Principes d’économie moderne, de Boeck Université, Bruxelles, 2003.
  • MANKIW Gregory, Principes de l’économie, Economica, Paris, 1998.
  • GLEIZES Jérôme, MOULIER-BOUTANG Yann, Plaidoyer contre les marchés des droits à polluer, Ecorev' n°3, hiver 2000-2001

Articles connexes

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