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Manuscrit de Sion

Le manuscrit de Sion, également connu sous le nom de Viandier de Sion, est le plus ancien « livre de cuisine »[1] de langue française. Il est connu pour être le plus ancien témoin de la tradition des Viandiers. Le manuscrit, daté de la seconde moitié du XIIIe siècle, est un rouleau écrit recto-verso par Petrus plenus amoris et conservé sous la cote S 108 à la Médiathèque du Valais, à Sion.

Le manuscrit

L'image illustre les habitudes du copiste telles que décrites dans ce paragraphe.
Les habitudes d'Ă©criture du copiste

Il s’agit d’un parchemin au format 1945 x 133 millimètres contenant 483 lignes d’écriture, respectivement 312 lignes au recto et 171 lignes au verso. Le copiste usait de l’écriture gothique et s’aidait de lignes rectrices tracées à la mine de plomb au fur et à mesure de l’avancement du texte. Pour mettre son texte en page et l’organiser en fonction des recettes, il marquait le début de ses recettes par un retour à la ligne, usait de majuscules ou de titres rubriqués, ainsi que de signes de ponctuation. Le texte est accompagné d’une numérotation, toutes les cinq lignes, apposée à la mine de plomb par un intervenant moderne.

Histoire du manuscrit

La datation du parchemin a longtemps fait consensus et les spécialistes dataient le parchemin de la fin du XIIIe siècle[2]. Plus récemment, Bruno Laurioux a proposé de reculer la date en en faisant un document contemporain de Taillevent, cuisinier du XIVe siècle, sans doute pour avancer l’idée que le Manuscrit de Sion serait le premier Viandier, écrit pour ou par Taillevent[3]. Mais la tendance générale est aujourd’hui de resituer ce manuscrit à la deuxième moitié du XIIIe siècle, en en faisant une source du premier Viandier de Taillevent[4], inconnu jusqu’ici.

On sait de ce manuscrit qu’il provient de la Bibliothèque Supersaxo, établie par Walter Supersaxo et son fils Georges à la fin du XVe siècle jusqu’au début du XVIe siècle[5]. En 1930, l’Etat du Valais en est devenu propriétaire et c’est en 1951 qu’il fut redécouvert par Paul Aebischer qui décela toute l’importance de ce parchemin dans l’histoire des livres de cuisine[6]. Il est aujourd’hui conservé à la Médiathèque du Valais à Sion.

Un livre de cuisine ?

Le parchemin réunit 133 recettes classées en trois rubriques : d’abord la viande, les volailles et les gibiers, ensuite les poissons et enfin les sauces qui sont elles-mêmes divisées selon qu’elles sont non bouillies d’une part et bouillies de l’autre. Notons que le terme viande désignait alors toute sorte de nourriture et non exclusivement la nourriture carnée telle qu’on la nomme aujourd’hui selon la métonymie moderne.

133 recettes pour 483 lignes équivalent à 3,63 lignes – pas plus larges qu’une petite dizaine de centimètres, rappelons-le – de moyenne par recette. Ces recettes n’ont donc rien à voir avec les recettes de cuisine que l’on connait aujourd’hui. Peut-être n’avaient-elles pas la portée didactique ou transmissive qu’ont les livres de cuisine contemporains. Elles n’indiquent effectivement pas les grammages, ni les temps de cuisson et n’insistent pas non plus sur les ustensiles. Peut-être alors étaient-elles des pense-bêtes pour quelqu’un qui connaisse déjà les étapes techniques et clefs des recettes. Prenez pour exemple la recette du hochepot :

Hochepot de poullaile metez par membres surfrire

en saing de lart prenez ung pou de pain brullé

& des foyes deffais de vin & du boillon de beuf metez

boulir vostre grain affinez gingembre canelle grene

de paradis deffait de verjus et doit estre noiret & cler

Hochepot de volaille. Faites frire en

morceaux dans de la graisse de lard.

Prenez un peu de pain brûlé et des foies,

délayez avec du vin et du bouillon de

bœuf. Faites bouillir votre grain. Affinez

du gingembre, de la cannelle, de la

maniguette délayés avec du verjus. Ce

doit ĂŞtre gris et clair[7].

Une mystérieuse disparition

Cette image illustre que le manuscrit a été amputé de son début. Les découpes sont nettes et les deux coins sont coupés diagonalement.
La coupure volontaire du début de texte.

Outre sa datation problématique, le parchemin présente une autre caractéristique qui a suscité des débats et qui l’a rendu remarquable : le début du parchemin. Il est en effet constaté que le début du manuscrit a été arraché ou découpé (voir image). La longueur de parchemin ayant disparu est estimée entre 75 et 100 millimètres, ce qui revient, après calcul, à une quinzaine de lignes qui sont manquantes[8]. Ce qui a alors alimenté les débats, c’est l’origine de cette disparition, chaque spécialiste ayant son idée[9]. Aucune preuve historique ne nous permet cependant de valider une hypothèse plutôt qu’une autre.

Bibliographie

  • Aebischer Paul, « Un manuscrit valaisan du Viandier attribuĂ© Ă  Taillevent », Vallesia, n° 8, 1953, pp. 73-100.
  • Laurioux Bruno, “Chapitre 2. Les "Viandiers" des XIVe et XVe siècles”, Le règne de Taillevent : Livres et pratiques culinaires Ă  la fin du Moyen Ă‚ge, Paris, Éditions de la Sorbonne, 1997, pp. 53-85.
  • Scully Terence (Ă©d.), The Viandier of Taillevent: An Edition of All Extant Manuscripts. University of Ottawa Press, 1988.

Notes et références

  1. Voir rubrique « Un livre de cuisine ? ».
  2. Aebischer Paul, « Un manuscrit valaisan du Viandier attribué à Taillevent », Vallesia, n° 8, 1953, p. 74 ; Scully Terence (éd.), The Viandier of Taillevent: An Edition of All Extant Manuscripts. University of Ottawa Press, 1988.
  3. Laurioux Bruno, “Chapitre 2. Les "Viandiers" des XIVe et XVe siècles”, Le règne de Taillevent : Livres et pratiques culinaires à la fin du Moyen Âge, Paris, Éditions de la Sorbonne, 1997, pp. 53-85.
  4. « Sion/Sitten, Médiathèque du Valais, S 108 ; Description de Nadia Togni pour e-codices », sur e-codices [en ligne], 2010. URL : https://www.e-codices.unifr.ch/fr/description/mvs/viandier, consulté le 21 décembre 2020. Toutes les informations non référencées à propos du manuscrit dans la suite de l’article, se basent sur les descriptions de N. Togni.
  5. Donnet André, « Inventaire de la Bibliothèque Supersaxo », dans Vallesia, n° 29, 1974, pp. 31-106.
  6. Aebischer Paul, « Un manuscrit valaisan du Viandier attribué à Taillevent », Vallesia, n° 8, 1953, p. 73.
  7. Pour l’édition critique et la traduction, Englebert Annick (éd.), « 1275-Viandier de Sion (texte et traduction) », sur histolf [en ligne]. URL : http://histolf.ulb.be/index.php/textes-gh/251-1275-viandier-de-sion-texte-et-traduction, consulté le 21 décembre 2020.
  8. « Sion/Sitten, Médiathèque du Valais, S 108 ; Description de Nadia Togni pour e-codices », sur e-codices [en ligne], 2010. URL : https://www.e-codices.unifr.ch/fr/description/mvs/viandier, consulté le 21 décembre.
  9. Voir par exemple Laurioux Bruno, op. cit. ; Scully Terence (Ă©d.), op. cit.

Voir aussi

Articles connexes

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