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Mandubiens

Les Mandubiens (en latin Mandubii) sont les habitants d'Alésia, oppidum assiégé par Jules César et qui ont été souvent considérés comme une fraction des Éduens, ou plus rarement des Séquanes, et dont le territoire correspond, d'après les universitaires qui situent Alésia en Côte-d'Or[1] - [2], approximativement à l'Auxois ou à l'Avallonnais[3].

Un peuple mentionné seulement par César ?

Les seules mentions des Mandubiens se trouvent dans le livre VII de la Guerre des Gaules, correspondant à l'an 52 avant J.-C. La première note que Vercingétorix, après la déroute de sa cavalerie, s'est retiré avec ses troupes vers Alésia, « qui est la citadelle des Mandubiens » (VII, 68) : reduxit protinusque Alesiam, quod est oppidum Mandubiorum, iter facere coepit. La deuxième mention précise que les Mandubiens avaient amené une grande quantité de bétail dans Alésia (VII, 71). La troisième ajoute que les Mandubiens qui avaient reçu l'armée de Vercingétorix dans leur oppidum en sont chassés avec leurs femmes et leurs enfants (VII, 78).

Contrairement au nom de plusieurs peuples gaulois (Lingons, Parisii, Rutènes, Cadurques...), celui des Mandubiens n'a donné aucun toponyme, ce qui rend leur localisation difficile. Il se rattacherait à une racine *mandus « poney », largement attestée dans l'onomastique gauloise[4].

Les mandubiens et les mandubiennes sont les habitants de la ville de Mandeure dans le Doubs. Cette ville se situe près du Lomont et de Pont de Roide. Le site fait partie des potentielles Alesia en concurrence avec le site officiel. Il contient plusieurs vestiges gallo-romains, notamment le Théâtre antique de Mandeure, estimé comme l'un des plus grands d'Europe et pouvant accueillir entre 15 000 et 22 000 personnes.

Un peuple indépendant ou rattaché à ses voisins ?

Selon Philippe Barral[5] la localisation des Mandubiens « ne suscite plus désormais aucune critique sérieuse ». Il clôt ainsi le débat instauré par Jérôme Carcopino, lequel situait les Mandubiens à Alise-Sainte-Reine en tant que « Séquanes de l'Ouest »[6], ce qui permettait d'admettre le sens clair et précis des textes de Plutarque et de Dion Cassius qui, sans contredire César, situent le combat préliminaire de cavalerie chez les Séquanes en Franche-Comté. L'hypothèse d'un rattachement des Mandubiens aux Séquanes est aujourd'hui abandonnée[7].

En revanche, il subsiste nombre d’inconnues sur le statut de ce peuple et ses rapports avec ses voisins, les Éduens et les Lingons, en particulier au Ier siècle avant notre ère. On place souvent les Mandubiens dans la dépendance éduenne[8], et ils sont souvent[8] - [9] considérés comme une fraction des Éduens située dans la région de l'Auxois[10] - [11]. Rien toutefois dans le texte de Cesar ne permet de faire le lien entre les Mandubiens et les autres peuples gaulois. La citadelle d'Alésia et les Mandubiens ne sont cités qu'en relation avec la bataille finale entre Vercingétorix et César, cette place se trouvant sur le chemin de repli des armées gauloises à la suite de la défaite de la cavalerie au bord d'un fleuve (à un jour de marche maximum, deux suivant l'hypothèse de Jules Toutain qui traduit altero die par « le surlendemain »)[12].

Le sort des Mandubiens d'après les textes anciens

En l’absence de texte plus précis que celui de Florus qui précise que « Alésia, malgré les efforts de deux cent cinquante mille Gaulois, est détruite de fond en comble »[13], les analyses historiques ne peuvent se baser, pour répondre à la question, que sur la répartition et la typologie du matériel archéologique. En effet, il ne reste aucune trace ethnologique de ce peuple, après la reddition de 52 av J.C. car selon Dion Cassius : « Vercingétorix fit sortir de la ville les enfants, les femmes et tous ceux qui étaient inutiles pour la défendre. Il espérait que cette multitude serait épargnée par les Romains, qui voudraient la faire prisonnière, ou bien que les subsistances qu'elle aurait consommées serviraient à nourrir les autres plus longtemps ; mais il fut trompé dans son attente. César n'avait pas assez de vivres pour en donner à des étrangers : il pensait d'ailleurs que toute cette foule, repoussée dans ses foyers (il ne doutait pas qu'elle n'y fût reçue), rendrait la disette plus terrible, et il lui ferma son camp. Placée entre la ville et les Romains, et ne trouvant de refuge d'aucun côté, elle périt misérablement »[14]. César lui-même dit qu'il a ordonné de ne pas recevoir dans les lignes romaines les Mandubiens expulsés, alors qu'ils suppliaient les Romains de les recevoir comme esclaves et de les nourrir[15]. Pour le reste des hommes et des combattants, il indique : « Il (= César) met à part les prisonniers héduens et arvernes, pensant essayer de se servir d'eux pour regagner ces peuples, et il distribue les autres à l'armée entière, à titre de butin, à raison d'un par tête »[16].

Le sort des Mandubiens selon la thèse "Alésia dans le Jura"

André Berthier faisait remarquer qu'Alésia, oppidum des Mandubiens, n'avait ni armée, ni soldats, n'avait jamais émis de la moindre monnaie ni la moindre pièce d'or et qu'ainsi ses habitants ne pouvaient donc pas être considérés comme un peuple au sens archéologique du terme. C'était juste un centre religieux panceltique [17], et même d'après l'historien antique Diodore de Sicile, contemporain de César, « le foyer et métropole de toute la celtique » [18]. Reprenant les textes anciens, indiquant que la population entière fut exterminée, Franck Ferrand plaide pour que des recherches historiques et archéologiques soient entreprises à Chaux-des-Crotenay, reconnue comme site d'Alésia par André Berthier en 1962. Il indique que, même si la ville a été « brûlée, rasée, promise au néant » au terme du siège [19], la commune de Chaux-des-Crotenay devrait faire l'objet d'une attention nouvelle et d'une protection contre le pillage de nouveaux prospecteurs.

Le sort des Mandubiens selon la thèse "Alésia en Bourgogne"

À partir de l’analyse des monnaies trouvées sur le site archéologique d'Alésia à Alise-Sainte-Reine, Jean-Baptiste Colbert de Beaulieu supposa que les Mandubiens dépendaient des Lingons. Son analyse fut établie par la présence de deniers de Kaletedu à Alise car on les attribuait au monnayage Lingon[20] - [21]. Cette attribution a toutefois été remise en question et pour Philippe Barral « rien ne permet à l’heure actuelle, dans la numismatique alisienne, d’affirmer que les Mandubiens se trouvaient dans l’orbite de l’un plutôt que de l’autre grand peuple de la zone bourguignonne, avant la conquête »[22]. La région présente aussi un faciès céramique particulier, visible dès le IIe siècle avant notre ère dans l’oppidum d’Alise. L’originalité de la céramique mandubienne plaide donc pour une « relative indépendance, sinon politique, tout au moins économique et culturelle »[23].

À partir du règne d’Auguste, le statut des Mandubiens semble plus clair, et on considère en général comme acquis le rattachement de leur territoire situé sur le Mont Auxois à la cité des Lingons lors de l’organisation des Trois Gaules au plus tard[24]. La culture matérielle de l’Auxois se rapproche des productions des Lingons à partir du milieu du Ier siècle avant notre ère. Les Mandubiens ne sont plus une cité autonome mais un pagus[24]. Toutefois, Monique Dondin-Payre a attiré l’attention des chercheurs sur la fragilité des témoignages épigraphiques sur lesquels on se base pour affirmer que les Mandubiens constituaient un pagus et considère qu'ils formaient une cité indépendante[25]. Le dossier épigraphique des Mandubiens est en effet « problématique car il rassemble des inscriptions soit fragmentaires […], soit difficiles à localiser »[26].

Par la suite les Mandubiens sont détachés de la cité des Lingons et rattachés au territoire des Éduens. La date de transfert n’est pas connue avec certitude. Philippe Barral la situe dans les années qui suivent la mort de Néron, et en fait une conséquence de la rébellion des Lingons en 68-69[27] mais pour Jacky Bénard elle est plus tardive et le transfert a pu avoir lieu au Bas-Empire[21].

Référence actuelle

Créée en 2001, la mandubienne est une bière locale produite dans une microbrasserie installée à Bretenière en Côte-d'Or.

Notes et références

  1. Yann Le Bohec, Alésia : 52 avant J.-C., Paris, Tallandier, 2012 (ISBN 978-2-286-09374-7)
  2. Jean-Louis Brunaux, Alésia, Gallimard, nrf, 2012 (ISBN 978-2-07-012357-5)
  3. Abbé Fr. Poulaine (curé de Voutenay), Voutenay : Histoire d'un village (monographie), Avallon, Émile Odobé, , 2e éd. (1re éd. 1893), 127 p. (lire en ligne), p. 22.
  4. Xavier Delamarre, Dictionnaire de la langue gauloise : une approche linguistique du vieux-celtique continental, Paris, Errance, , 440 p. (ISBN 2-87772-237-6), p. 215.
  5. Ph. Barral, J.-P. Guillaumet et P. Nouvel, « Les territoires de la fin de l’âge du fer entre Loire et Saône : les Éduens et leurs voisins. Problématique et éléments de réponse » dans D. Garcia et F.Verdin dir., Territoires celtiques. Espaces ethniques et territoires des agglomérations protohistoriques d’Europe occidentale, Errance, Paris, 2002, p. 279
  6. Jérôme Carcopino, Alésia et les ruses de César, Paris, Flammarion, 1958, 221 p.
  7. Cette hypothèse est complètement abandonnée : Ph. Barral, op. cit., 2002, p. 281.
  8. Philippe Barral ¹, « Les Mandubiens : territoire, économie et culture », Dossiers d'archéologie, n° 305, p. 30-35, Faton, Dijon, juillet-août 2005. (¹) Laboratoire de chrono-écologie, UMR 6565, CNRS, Université de Franche-Comté, France
  9. Benard (J.), « L'agglomération de l'Oppidum d'Alésia à la Tène D2 : un exemple de proto-urbanisation en Gaule », Revue archéologique de l'Est, Dijon, 1997, vol. 48, pp. 119-165.
  10. Michel Reddé, Alésia : l'archéologie face à l'imaginaire, Paris, Errance, 2003.
  11. Dossiers d'archéologie, n° 305 : Alésia. Comment un oppidum gaulois est entré dans l'histoire, Dijon, Faton, 2005.
  12. Jules Toutain, « Le combat de cavalerie qui précéda le siège d'Alésia », Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France, vol. 1950, no 1,‎ , p. 213–216 (lire en ligne, consulté le )
  13. Florus, Abrégé de l'histoire romaine, Livre 3, chap. XI, Guerre des Gaules (An de Rome 695 - 704).
  14. Dion Cassius, Histoire Romaine, Livre 40, chapitre 40.
  15. CĂ©sar, Bellum Gallicum VII, 78 : cum ad munitiones Romanorum accessissent, flentes omnibus precibus orabant ut se in servitutem receptos cibo iuvarent. At Caesar dispositis in vallo custodibus recipi prohibebat.
  16. CĂ©sar, Bellum Gallicum, Livre VII, chap. 89.
  17. André Berthier et André Wartelle, Alésia, Nouvelles Editions Latines, 1990, page 53.
  18. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, V, 24,1-4.
  19. Franck Ferrand, L'Histoire interdite, Tallandier, 2008, p. 65 : « Alésia identifiée ».
  20. Jean-Baptiste Colbert de Beaulieu, « Le statut des Mandubii et le témoignage de la numismatique », Hommages à Marcel Renard, t. III, collection Latomus, n° 103, Bruxelles, 1969, p. 146-153.
  21. J. Bénard, M. Mangin, L. Roussel, Les agglomérations antiques de Côte-d’Or, Besançon, 1994, p. 33
  22. P. Barral, J.-P. Guillaumet et P. Nouvel, « Les territoires de la fin de l’âge du fer entre Loire et Saône : les Éduens et leurs voisins. Problématique et éléments de réponse » dans D. Garcia et F.Verdin dir., Territoires celtiques. Espaces ethniques et territoires des agglomérations protohistoriques d’Europe occidentale, Errance, Paris, 2002, pp. 281-282
  23. P. Barral, op. cit., 2002, p. 282
  24. Ph. Barral, op. cit., 2002, p. 279
  25. M. Dondin-Payre, « Magistrature et administration municipale dans les Trois Gaules », dans M. Dondin-Payre et M.-Th. Raepsaet-Charlier, Cités, Municipes, Colonies, Publication de la Sorbonne, Paris, 1999, p. 201 et 213
  26. Laurent Lamoine, « Autocélébration, mémoire et histoire des notables des cités des Gaules », dans Mireille Cébeillac-Gervasoni, Laurent Lamoine et Frédéric Trément (éd.), Autocélébration des élites locales dans le monde romain : contextes, images, textes, IIe s. av. J.-C.-IIIe s. ap. J.-C., Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, coll. « Erga » (no 7), (ISBN 2-84516-271-5), p. 448, n. 30. Les inscriptions qui peuvent mentionner le pagus des Mandubiens sont CIL XIII, 2877 b, c, d et 11252
  27. P. Barral, op.cit., 2002, p. 280

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