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Magnitude des circonscriptions

La magnitude de la circonscription est le nombre de sièges qui lui sont attribués à l’assemblée législative. Ce concept est utilisé dans l’analyse des systèmes politiques et permet de comprendre les enjeux et résultats d’une élection.

DĂ©finition

Le concept de magnitude des circonscriptions fut mentionné pour la première fois par Georges Horwill en 1925 dans "Proportional Representation : Its Danger and Effect"[1]. Sans réellement lui donner une définition propre, il explique tout de même que la magnitude est un facteur de la plus haute importance.

En 1951, Maurice Duverger s’intéresse aussi à cette composante dans le but de théoriser la « loi Duverger » ainsi que « l’hypothèse Duverger »[2]. Cette loi tend à démontrer que le scrutin uninominal à un tour de circonscription, où un seul et unique siège est à pouvoir, a tendance à favoriser un système bipartisan. L’hypothèse, quant à elle, montre que le scrutin de liste et la représentation proportionnelle produisent le plus souvent un système avec plus de deux partis.

Cependant, ce n’est qu’en 1967 que Douglas Rae forge le concept de magnitude des circonscriptions en Ă©tablissant la première analyse comparĂ©e sur les modes de scrutin. Dans son ouvrage « the political consequences of Electoral Laws »[3], le politique amĂ©ricain dĂ©crit la magnitude des circonscriptions comme l’une des trois dimensions fondamentales des systèmes Ă©lectoraux, aux cĂ´tĂ©s de la formule Ă©lectorales (mĂ©thode mathĂ©matique pour convertir les votes en sièges) et du mode de scrutin, en mettant en Ă©vidence son influence sur le degrĂ© de proportionnalitĂ© d’une règle Ă©lectorale donnĂ©e.  Plus rĂ©cemment, des auteurs tels que Rein Taagepera et Matthew Shugart considèrent que la magnitude des circonscriptions est « le facteur dĂ©cisif »[4]. Si un facteur devait primer quant Ă  la dĂ©termination du nombre de partis, ce n’est pas l’histoire, les institutions ou les enjeux, mais bel et bien la magnitude.

Effets de la magnitude des circonscriptions

Représentativité du corps électoral

La magnitude des circonscriptions impacte la reprĂ©sentativitĂ© du corps Ă©lectoral, c’est-Ă -dire sa capacitĂ© Ă  reprĂ©senter les mandants[5]. En effet, plus la magnitude d’une circonscription est Ă©levĂ©e, plus le corps Ă©lectoral est reprĂ©sentatif de la population de celle-ci. Plus la circonscription est grande, plus elle permet un degrĂ© Ă©levĂ© de proportionnalitĂ©. Ainsi, plus il y a d’élus dans une circonscription, plus ils sont susceptibles de reprĂ©senter les diffĂ©rentes opinions des Ă©lecteurs, qui voient leur opinion reprĂ©sentĂ©e au Parlement. En revanche, une plus petite circonscription, mĂŞme si elle est moins reprĂ©sentative du fait d’un nombre de sièges attribuĂ©s infĂ©rieur, elle permet tout de mĂŞme l’établissement de liens plus Ă©troits entre les candidats et leurs Ă©lecteurs locaux. Ă€ l’inverse, le critère de la proximitĂ© dans les circonscriptions avec une forte magnitude n’est pas rempli. GĂ©nĂ©ralement, les circonscriptions qui bĂ©nĂ©ficient d’une grande magnitude sont Ă©tendues gĂ©ographiquement. Ainsi, mĂŞme si les Ă©lus sont plus reprĂ©sentatifs de leur Ă©lecteurs, le lien qui les unit est plus faible. Cela peut avoir de graves consĂ©quences dans les milieux oĂą la dimension de la proximitĂ© locale est importante. Il s’agit par exemple des milieux ruraux oĂą le dĂ©putĂ© est considĂ©rĂ© comme un rĂ©el moyen de se faire entendre Ă  l’échelle nationale. Ici, les Ă©lus jouent le rĂ´le de “dĂ©lĂ©guĂ©s” au sein du Parlement. Sans la prĂ©sence de liens Ă©troits entre les reprĂ©sentants et leur Ă©lectorat, un phĂ©nomène de dĂ©sintĂ©ressement du politique peut survenir car une interrogation est  prĂ©sente sur qui reprĂ©sente la circonscription au Parlement et comment elle est reprĂ©sentĂ©e.

Composition de l'assemblée

La magnitude des circonscriptions influe également la composition sociale et ethnique de l’assemblée[5]. En effet, lorsque la circonscription est grande et que peu de partis politiques s’affrontent, le nombre d’élus d’un même parti sera plus élevé. Cela encourage les partis à promouvoir de la diversité pendant leur campagne : en présentant des candidats d’origines diverses, ils penseront qu’ils auront plus de chances de représenter un maximum d’individus et ainsi de remporter plus de sièges. Il y a donc fort à parier que dans cette configuration, le Parlement comptera plus de députés issus de milieux sociaux et ethniques différents, ainsi que des deux sexes.

Bipartisme

Une magnitude de  circonscription faible a tendance Ă  privilĂ©gier le système du bipartisme avec un transfert du nombre de voix Ă  un nombre de sièges avantageant les grands partis et rĂ©duisant le “nombre effectif de partis”[6]. Ă€ l’inverse, une grande magnitude favorise l’admission de plusieurs partis au sein du corps Ă©lectoral (voir la Loi de Duverger).

Campagnes Ă©lectorales

La magnitude des circonscriptions a donc aussi un impact sur les campagnes électorales. En effet, à l’inverse du cas où la magnitude de la circonscription est grande, lorsque celle-ci est faible et qu’un parti sait les chances de voir son candidat remporter l’élection, il peut faire le choix de placer ses ressources électorales pour une autre élection ou dans une autre circonscription.

Partis politiques

Ainsi, la magnitude de la circonscription a un effet direct sur les partis politiques[7]. On observe généralement une forte corrélation positive entre la magnitude de la circonscription et la magnitude du parti, c’est-à-dire le nombre de sièges qu’il remporte dans une circonscription donnée. Plus le nombre de sièges par circonscription est élevé, plus chaque parti fait élire de candidats, et plus il y a des partis comptant des délégations de plusieurs députés. Ainsi, la combinaison de circonscriptions de grande magnitude et d’un nombre relativement faible de partis augmentent la magnitude des partis. En outre, dans une petite circonscription où le parti n’a la possibilité d'élire qu’un seul candidat, il va essayer de maximiser ses chances de le faire remporter l’élection. Il lui faut donc un candidat capable de remporter un maximum de suffrages. Dans la plupart des cas, il s’agit d’un homme. En revanche, dans une grande circonscription où le parti peut présenter plusieurs candidats, il va chercher à élaborer une liste variée et plus “équilibrée”, c’est-à-dire avec la présence de femmes, d’individus issus de minorités ethniques ou encore de candidats moins expérimentés.

Études de cas

Élections européennes de 2004

Bernard Dolez et Annie Laurent donnent un exemple du rôle de la magnitude des circonscriptions dans les résultats électoraux en étudiant les élections européennes de 2004 en France[6]. En effet, la loi du modifie la modalité de scrutin des élections européennes. Tout en conservant les mêmes règles de proportionnalité, les circonscriptions sont modifiées, le territoire étant divisé en 8 circonscriptions.

Lors de cette élection, la magnitude a baissé : elle est passée de 87 en 1999 à 9,75 en moyenne 2004. La magnitude se calcule de la manière suivante : 78 sièges / 8 circonscriptions = 9,75. Par circonscription, la magnitude varie car il y a un nombre différent de sièges dans chacune d’entre elles. Elle était de 14 en Île de France, et de 3 en Outre-mer.

Le découpage des circonscriptions des élections européennes de 2004 avantage les grands partis. En effet, une baisse de la magnitude entraîne une hausse du « point d’équilibre »[8], c'est-à-dire que la proportion de voix à partir de laquelle un parti peu obtenir une plus grande proportion de sièges que de voix augmente. De 1979 à 1999, le point d’équilibre était de 5% des suffrages exprimés. Lors de l’élection de 2004, il était de 10%. Ainsi, le PS, l’UMP, et l’UDF obtiennent 75% des sièges avec « seulement » 57,5% des suffrages exprimés. Comme la magnitude varie d’une circonscription à une autre, il ne suffit pas d’avoir un pourcentage moyen pour obtenir des sièges dans chaque circonscription, mais il faut avoir un certain pourcentage dans les bonnes circonscriptions.

La magnitude des circonscriptions en Allemagne

Plus de détails « système électoral allemand ».

L'Allemagne est composée de 299 circonscriptions. La Commission des circonscriptions électorales est l'organisme indépendant chargé de déterminer les limites des circonscriptions du pays. Elle est tenue de respecter cinq règles lors du processus de délimitation électorale, tel que défini dans l'Article 3 de la Loi électorale fédérale[9] :

  • Les frontières des Länder doivent ĂŞtre respectĂ©es.
  • Le nombre de circonscriptions dans chacun des Länder doit, autant que possible, correspondre Ă  sa proportion de la population.
  • La population d'une circonscription ne devrait pas s'Ă©loigner du quotient de population de plus de 15 %. Lorsque l'Ă©cart est supĂ©rieur Ă  25 %, les limites des circonscriptions doivent ĂŞtre rĂ©visĂ©es.
  • Chaque circonscription doit former une zone gĂ©ographiquement cohĂ©rente.
  • Dans la mesure du possible, les limites des communes, des arrondissements et des villes-arrondissements doivent ĂŞtre respectĂ©es.

La Commission des circonscriptions électorales est établie par le président allemand au début de chaque législature. Elle est composée du président du Bureau de statistique fédéral, d'un juge de la Cour administrative fédérale et de cinq autres membres, habituellement de hauts fonctionnaires d'État. Une fois le travail de consultation achevé, la Commission transmet un rapport au Parlement qui décide, ou non, de redécouper les circonscriptions. Dans les faits, il est rare que le Parlement procède à une telle manœuvre de peur que le redécoupage se fasse au détriment d’un parti ou d’un Etat fédéré[10].

L’Allemagne est caractérisée par un système électoral mixte, c’est-à-dire qu'il combine la représentation proportionnelle à scrutin de liste et le scrutin majoritaire uninominal. Puisque les systèmes mixtes ont recours aux circonscriptions uninominales, il est nécessaire de réviser les limites des circonscriptions périodiquement afin de s'assurer que les circonscriptions électorales soient relativement égales sur le plan de la population. Bien que l'Allemagne ait recours au système mixte avec compensation, le processus de délimitation a tout de même des implications sur le résultat des élections. Étant donné que les États allemands varient en taille et sur le plan des tendances politiques représentées, la mauvaise délimitation des circonscriptions électorales peut mener à des mandats qualifiés d'« excédentaires ». Dans de telles situations, les grands partis possèdent plus de sièges directs (gagné par le scrutin majoritaire uninominal) qu'il en a été alloué à l'État.

La magnitude des circonscriptions aux États-Unis

Les États-Unis sont actuellement composés de 435 circonscriptions, chacune ayant un élu qui siège à la Chambre des représentants. Chaque état dispose d'un nombre de circonscriptions proportionnelles à l’ensemble de sa population, et non seulement à la population en âge de voter. La population est calculée grâce au recensement décennal : chaque état a au moins une circonscription mais elle peut être modifiée tous les dix ans.

Le découpage des circonscriptions aux États-Unis est unique en son genre[11]. En effet, celui-ci est très politisé car ce sont les élus, les assemblées législatives des États qui, dans la plupart des cas, sont responsables des découpages. La délimitation des circonscriptions est formulée sous forme projet de loi. Elle revêt donc d'une dimension politique forte. La promulgation d’un projet de loi sur le découpage des circonscriptions est une question très partisane aux États-Unis puisque que les partis tentent d’en tirer un avantage politique. C’est la pratique du gerrymandering. Si le découpage des circonscriptions aux États-Unis se distingue, c’est aussi car les tribunaux ont un rôle à jouer. Ils sont présents pour élaborer des normes de redécoupage, arbitrer les conflits et même pour produire d'autres propositions de délimitation. Ils peuvent ainsi contrôler, dans une certaine mesure, la pratique du gerrymandering.

Notes et références

  1. Alfred Henderson, « Proportional representation, its Dangers and defects. By george Horwill. London: George Allen & Unwin, Ltd. 1925. Pp. 149 », National Municipal Review, vol. 15, no 9,‎ , p. 548–548 (ISSN 0190-3799 et 1931-0250, DOI 10.1002/ncr.4110150910, lire en ligne, consulté le )
  2. Maurice Duverger, Les partis politiques, Paris, Armand Colin,
  3. (en) Douglas Rae, The Political Consequences of Electoral Laws, New Haven, Yale University Press,
  4. (en) Rein Taagepera ; Matthew S. Shugart, Seats and Votes. The Effects and Determinants of Electoral Systems., New Haven, Yale University Press, , p.112
  5. « Magnitude de la circonscription et partis politiques — », sur aceproject.org (consulté le )
  6. Bernard Dolez et Annie Laurent, « La magnitude, facteur décisif ? Les élections européennes de 2004 en France et les effets du changement de mode de scrutin. », Revue internationale de politique comparée,‎ (ISSN 1370-0731, lire en ligne)
  7. « Magnitude du parti et sélection des candidats — », sur aceproject.org (consulté le )
  8. (en) TAAGEPERA Rein LAAKSO Markku, Proportionality Profiles of West European Electoral Systems, European Journal of Political Research, , p. 423-46
  9. « Bundestag allemand - Cadre juridique du Parlement », sur Bundestag allemand (consulté le )
  10. « Allemagne : délimiter des circonscriptions dans un système mixte avec compensation — », sur aceproject.org (consulté le )
  11. « Les États-Unis : redistribution et redécoupage — », sur aceproject.org (consulté le )
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