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Magnitude de moment

L'Ă©chelle de magnitude de moment est une des Ă©chelles logarithmiques qui mesurent la magnitude d'un sĂ©isme, c'est-Ă -dire la « taille Â» d'un sĂ©isme proportionnelle Ă  l'Ă©nergie sismique dĂ©gagĂ©e. CentrĂ©e sur les basses frĂ©quences des ondes sismiques, elle quantifie prĂ©cisĂ©ment l'Ă©nergie Ă©mise par le sĂ©isme. Elle ne prĂ©sente pas de saturation pour les plus grands Ă©vĂ©nements, dont la magnitude peut ĂȘtre sous-Ă©valuĂ©e par d'autres Ă©chelles, faussant ainsi les dispositifs d'alerte rapide essentiels pour la protection des populations. Pour cette raison, il est maintenant d'usage pour les sismologues de l'utiliser, de prĂ©fĂ©rence Ă  l'Ă©chelle de Richter ou aux autres magnitudes du mĂȘme type (magnitudes locales), par exemple par l'Institut d'Ă©tudes gĂ©ologiques des États-Unis[1].

Elle a été introduite en 1977[2] et en 1979[3] par Thomas C. Hanks (en) et Hiroo Kanamori.

DĂ©finition

La magnitude de moment, notée Mw, est un nombre sans dimension défini par :

[4]

oĂč M0 est le moment sismique en newtons mĂštres[5].

Les constantes de la formule sont choisies pour coïncider avec l'échelle locale de magnitude (dite échelle de Richter) pour les petits et moyens séismes[6].

Lien avec l'énergie sismique rayonnée

Mw ES
(Joules)
Équivalence
en TNT (Tonnes)
Équivalence en bombes
d'Hiroshima (12,5 kT TNT)
46,3 · 1010000.000.015
0,0012
52,0 · 1012000.000.475
0,038
66,3 · 1013000.015.000
1,2
72,0 · 1015000.475.000
38
86,3 · 1016015.000.000
1.200
92,0 · 1018475.000.000
38.000

Durant un séisme, l'énergie potentielle stockée dans la croûte terrestre est libérée et produit :

  • un glissement sur la faille sismogĂšne, des fissures et dĂ©formations ;
  • de la chaleur ;
  • de l'Ă©nergie sismique rayonnĂ©e sous forme d'ondes sismiques, notĂ©e Es.

Les sismographes ne mesurent que cette derniÚre, à partir de laquelle l'énergie totale libérée, indiquée par M0 (en newtons-mÚtres), est estimée grùce à la relation :

joules

Une augmentation d'une unitĂ© de magnitude de moment correspond Ă  une multiplication par √1000 (environ 31,6) de l'Ă©nergie libĂ©rĂ©e. En effet, considĂ©rons deux sĂ©ismes i et j ayant respectivement pour magnitude de moment Mw,i et Mw,j et pour moment sismique Mi et Mj. Le rapport d'Ă©nergie sismique rayonnĂ©e peut s'Ă©crire :

Ainsi, le rapport d'énergie libérée entre un séisme de magnitude de moment 8 et un autre de 9 est de 101,5 (soit environ 31,6)[7].

L'équivalence magnitude - énergie joules, permet d'effectuer des comparaisons énergétiques selon une méthode de calcul en équivalent en TNT tonnes ou en bombes d'Hiroshima bombes (Ms étant la magnitude d'ondes de surface (en) qui est reliée à Mw). Cette comparaison implique qu'il est considéré dans cette "analogie" empirique que seul 0,5 % (1/200) de l'énergie de la bombe est propagée sous forme d'énergie Es. La conversion de la totalité de l'énergie "explosive" en Es aboutit à un séisme 200 fois plus énergétique, soit, pour une bombe d'une kilotonne de TNT, à un séisme de magnitude 5,5[8]. Le tableau à droite illustre la relation entre l'énergie sismique et la magnitude du moment[9].

Lien avec la rupture de la faille

Ce lien est Ă©tabli par la formule oĂč est le module de rigiditĂ© du milieu (rĂ©sistance de la croĂ»te terrestre dans la zone de foyer, exprimĂ©e en N.m-2), L et l la longueur et la largeur de la zone de rupture (la partie de la faille qui s'est dĂ©placĂ©e durant le sĂ©isme, exprimĂ©e en km) et D le dĂ©placement moyen des deux blocs le long de la faille (appelĂ© aussi coulissage, dislocation ou glissement produit sur la faille, exprimĂ© en m). Par des calculs de lois d'Ă©chelle sur de nombreux sĂ©ismes et en supposant que les rapports entre longueur, largeur et dĂ©placement de faille sont constants quelle que soit la magnitude, on peut estimer grossiĂšrement le rapport entre la magnitude de moment et la rupture sur la faille[10] - [11] :

Mw Longueur de la rupture[note 1] (km) Déplacement sur la faille (m) Durée de la rupture[note 2] (s) Nombre de séismes par an dans le monde
98008 m2501 tous les 10 ans
82505 m2951
7501 m1510
6100,23100
530,0511000
410,020,310 000

DĂ©termination de la magnitude de moment

La magnitude de moment est déterminée à partir du moment sismique et de son tenseur, elle est donc reliée aux dimensions physiques de la faille qui a causé le séisme, à la résistance des roches en présence (module de rigidité) et à la moyenne du déplacement sur la faille pendant le séisme.

On la calcule Ă  partir de l'Ă©tude dĂ©taillĂ©e des formes d'onde prĂ©sentes sur les sismogrammes, et en particulier du spectre en dĂ©placement, Ă  basses frĂ©quences, des mouvements du sol[12]. Selon que les formes d’ondes proviennent de sĂ©ismes Ă©loignĂ©s ou proches, et selon qu'on considĂšre la source comme un point ou comme une faille avec une surface Ă©tendue, l’étude est rĂ©alisĂ©e diffĂ©remment et prĂ©sente plus ou moins de complexitĂ©.

Lorsque la station rĂ©ceptrice est Ă©loignĂ©e du sĂ©isme, on utilise surtout les seules ondes P et S alors qu'en champ proche de nombreuses autres ondes Ă©mises par la rupture rendent les sismogrammes plus complexes Ă  utiliser. Cependant, lorsque des alertes rapides doivent ĂȘtre Ă©mises, pour annoncer des tsunamis par exemple et prĂ©venir les populations, il peut ĂȘtre utile de dĂ©terminer la magnitude en quasi-temps rĂ©el grĂące Ă  ces formes d’ondes, car on peut capter leurs enregistrements plus tĂŽt que ceux captĂ©s en champ lointain. Des mĂ©thodes statistiques, par calibrations et calculs de droites de rĂ©gressions linĂ©aires, peuvent ĂȘtre employĂ©es parallĂšlement Ă  des mĂ©thodes plus thĂ©oriques et conduisent Ă  dĂ©terminer des estimations empiriques, souvent suffisantes dans le cas oĂč l'on dĂ©sire alerter rapidement les populations [13].

La puissance de calcul des ordinateurs permet aux laboratoires de gĂ©ophysique de calculer une magnitude de moment de maniĂšre automatique, grĂące Ă  des techniques d’inversion : un programme informatique complexe intĂšgre des paramĂštres de la source et produit des sismogrammes de synthĂšse. Un ajustement par de nombreux essais (par exemple par des techniques de type recuit simulĂ©) permet de comparer les sismogrammes synthĂ©tiques Ă  ceux du sĂ©isme observĂ©s par les stations. La meilleure proposition permet ainsi d'approcher la source sismique qui a produit ces sismogrammes[14].

Des choix des espaces dans lesquels varient tous les paramÚtres du programme et des calibrations sont effectués par les concepteurs des programmes, reflétant les conditions tectoniques et sismiques du contexte de l'événement étudié.

Magnitude de moment dans les catalogues de sismicité

La magnitude de moment tend actuellement Ă  ĂȘtre utilisĂ©e comme mesure unifiĂ©e de magnitude pour Ă©tablir des catalogues de sismicitĂ© instrumentale (SI-Hex, SismicitĂ© Instrumentale en France mĂ©tropolitaine, 2015)[15], dans le but de mieux cerner l'alĂ©a et Ă©tablir des cartes d'alĂ©a sismique en France qui soient les plus fiables possibles.

Notes et références

Notes

  1. La longueur de faille ne doit pas ĂȘtre confondue avec la longueur de la rupture qui se propage rarement sur toute la faille. On observe gĂ©nĂ©ralement le dĂ©placement de segments de faille. Elle ne doit pas ĂȘtre Ă©galement confondue avec la profondeur de la faille. Les sismologues distinguent conventionnellement les sĂ©ismes en trois classes suivant la profondeur de leur foyer : les sĂ©ismes superficiels (0-33 km), les sĂ©ismes intermĂ©diaires (33-70 km), les sĂ©ismes profonds (70-800 km). Les foyers peuvent atteindre 800 km dans certaines zones de subduction. Au-delĂ , plus aucun du manteau lithosphĂ©rique ne peut ĂȘtre cassant et subir une rupture. La majoritĂ© des sĂ©ismes sont superficiels et se produisent Ă  une profondeur de 10 km, au niveau des frontiĂšres divergentes (dorsales mĂ©dio-ocĂ©aniques, failles transformantes, rifts continentaux) ou convergentes (zones de subduction). Pour des Ă©vĂ©nements de magnitude au moins Ă©gale Ă  5,5, la rupture de faille atteint la surface du sol et y induit un mouvement d'escarpement ou de coulissage.
  2. La durĂ©e de la rupture ne doit pas ĂȘtre confondue avec la durĂ©e de la secousse sismique, cette derniĂšre Ă©tant gĂ©nĂ©ralement plus longue. La vitesse de rupture est trĂšs rapide (3 km/s, soit 10 800 km/h). Quand la faille est longue, cela reprĂ©sente un temps de rupture non nĂ©gligeable, d'autant plus que le front de rupture se propage Ă  des vitesses diffĂ©rentes selon la rĂ©sistance des matĂ©riaux traversĂ©s.

Références

  1. « USGS Earthquake Magnitude Policy (implemented on January 18, 2002) ».
  2. (en) Hiroo Kanamori, « The energy release in great earthquakes », Journal of Geophysical Research, vol. 82, no 20,‎ , p. 2156-2202 (lire en ligne).
  3. (en) Thomas C. Hanks et Hiroo Kanamori, « Moment magnitude scale », Journal of Geophysical Research, vol. 84, no B5,‎ , p. 2348-2350 (lire en ligne).
  4. (en) T.C. Hanks et H. Kanamori, « A moment magnitude scale », Journal of Geophysical Research, vol. 84, no B5,‎ , p. 2348-50.
  5. « La magnitude Mw et le moment sismique », sur Musée de Sismologie et collections de Géophysique.
  6. T. Utsu, « Relationships between magnitude scales », Lee, W.H.K, Kanamori, H., Jennings, P.C., and Kisslinger, C., editors, International Handbook of Earthquake and Engineering Seismology: Academic Press, a division of Elsevier, two volumes, International Geophysics, vol. 81-A, 2002, p. 733-746.
  7. G.L. Choy et J.L. Boatwright, « Global patterns of radiated seismic energy and apparent stress », Journal of Geophysical Research, vol. 100, no B9, 1995, p. 18205-28.
  8. Olivier Dequinceyn, « La magnitude d'un séisme : définitions, déterminations », sur planet-terre.ens-lyon.fr, .
  9. (en) « How much energy is released in an earthquake? », sur earthquake.usgs.gov (consulté le ).
  10. Article SÉISMES ET SISMOLOGIE - Ondes sismiques et paramùtres du foyer. Encyclopédia universalis, Encyclopédia universalis France, , p. 837.
  11. Raoul Madariaga, Guy Perrier, Les tremblements de terre, Presses du CNRS, , p. 37.
  12. Brune, J.N., 1970. Tectonic stress and the spectra of seismic shear waves of earthquakes, J. of Geophys. Res. 75(26), 4997-5009.
  13. Wu,Y-M.,Teng,T-l.(2004): Near real-time magnitude determination for large crustal earthquakes Tectonophysics 390, 205– 216.
  14. Delouis, B., Charlety, J. and VallĂ©e, M., A Method for Rapid Determination of Moment Magnitude Mw for Moderate to Large Earthquakes from the Near-Field Spectra of Strong-Motion Records (MWSYNTH) Bulletin of the Seismological Society of America, Vol. 99, No. 3, pp. 1827–1840, June 2009, doi: 10.1785/0120080234.
  15. Cara et al. (2015)SI-Hex: a new catalogue of instrumental seismicity for metropolitan France Bull. Soc. géol. France, 2015, t. 186, no 1, pp. 3-19.

Voir aussi

Articles connexes

Lien externe

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