Madame de Lauvergne
Madame de Lauvergne, née en 1620[1] et morte dans la décennie 1670[2], dite Lénodaride, est une poètesse et Précieuse française.
Naissance | |
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Décès | |
Nom de naissance |
Le Roux |
Pseudonyme |
LĂ©nodaride |
Activités |
Mouvement |
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Ses poèmes contiennent des allusions de son attrait pour une actrice et sa poésie est redécouverte dans l'ouvrage d'Alice Coffin, Le Génie Lesbien.
Biographie
On sait peu de choses de Madame de Lauvergne.
Née N. dame de Le Roux en 1620[3], elle est originaire de Normandie où sa famille est liée par alliance au marquisat de Neuville d'après les recherches de A. Briquet[4]. Sa protectrice est la mère de la marquise de Neuville[5]. En 1660 à 40 ans, elle devient veuve[6].
Les informations manquantes et parfois peu fiables ont amené à questionner l'identité, voire l'existence de Mme de Lauvergne.
L'anonymat, constitué faute d'écrits sur les autrices permettant de les inscrire dans la longévité, est assez courant même pour les femmes ayant joui d'une notoriété de leur vivant[7]. Pour Myriam Defour-Maître, la notoriété des autrices passent essentiellement par les relais mondains et la publication difficile et progressive commençait souvent sous pseudonyme. Mme Lauvergne avait obtenu un privilège de publication du roi, donnant au libraire l'exclusivité de l'impression et de la vente du texte, comme Mlle Certain et Antoinette Deshoulières[8].
Inspiration saphiques
Dans son « Sonnet à Mademoiselle Godefroy », Mme de Lauvergne déclare son amour à la destinataire du poème, l'actrice de la Comédie française Marie Anne Du Rieu, notamment par le vers « si vous n'étiez absolument maîtresse de mon cœur...»[9]. Il était courant que les correspondances entre précieuses revêtent une dimension saphique dans leur langage[10].
On peut observer une redécouverte de ce sonnet dans une logique de remise en valeur de textes féminins ou issus des minorités sexuelles à la suite de la publication de l'ouvrage Le Génie lesbien d'Alice Coffin. Le sonnet est accessible en ligne sur des blogs queer comme Poétesses blog forever[11] et des revues queer comme le Pan poétique des muses[12].
Pour Stéphanie Bung, le recueil posthume aurait été orchestré afin de recontextualiser les poèmes d'une femme de la noblesse à travers une fiction d'amitiés saphiques et d'écriture collective[13].
RĂ©ception
Une controverse a retenu l'attention en en faisant l'hypothétique pseudonyme de Madame de La Fayette. En effet, les sonorités Lauvergne et Marie-Madeleine Pioch de La Vergne sont proches. Alphonse Séché la décrit comme « le double de Mme de la Fayette »[14]. Pour Charles-Louis Livet, « Il ne peut d’ailleurs être ici question de Mlle Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, Mme de Lafayette, puisque son mariage eut lieu le 15 février 1655 »[15].
Elle décrite avec beaucoup d'éloges par Eugène Viollet-le-Duc dans son Catalogue poétique (p.574):
« Quoi qu’il en soit, elles sont infiniment supérieures à celles des Desmarets, des Coras, des Le Laboureur et des Dassoucy. La première pièce, entre autres, intitulée : Caprice d’un malade, est un modèle de style et de bonne plaisanterie. Ce recueil, je crois fort rare, se compose d’élégies, d’un poème d’Adonis, de madrigaux, de portraits en prose, sorte de composition alors fort à la mode. Il y a dans tout cela du sens, de la correction et du goût. »
Poétesse
Madame de Lauvergne est considérée comme l'une des principales précieuses, ayant été d'un apport majeur à cette littérature[10]. Elle se fait appeler Lénodaride d'après la tradition des Précieuses consistant à se rebaptiser par des noms d'emprunt de l'Antiquité[6].
Elle est essentiellement connue pour sa madrigal, une courte pièce de vers galants, dans son Recueil de poésies dédicacé à sa protectrice[4]. L'ouvrage de 85 pièces galantes[16] est publiée à titre posthume en 1680 par l'éditeur parisien Claude Barbin, un libraire actif à Paris de 1656 à 1698 ayant lancé Madame de Lafayette et publié de nombreuses dames du monde mondain (Madeleine de Scudéry, Marie-Catherine Desjardins de Villedieu, Mme de Merville)[17] - [18].
L'ouvrage prend la forme d'un frontispice écrit par une unique autrice cachant un recueil polygraphe, une astuce d'édition courante à l'époque[13] - [19]. D'après Frédéric Lachèvre, cinq personnes auraient contribué à l'écriture et 23 poèmes seraient tirés de la publication[16] - [20] du Recueil de pièces galantes de la Comtesse de La Suze et de Monsieur Pelisson, considéré comme un des premiers recueil galant et édité par Gabriel Quinet en 1663 à Paris[21]. D'après Stéphanie Bung, l'objectif de commercialisation aurait été de constituer une 1ère anthologie galante, préparant la publication de Recueil des plus belles pièces des poètes françois (1692)[13].
Elle décrite avec beaucoup d'éloges par Eugène Viollet-le-Duc dans son Catalogue poétique (p.574):
« Quoi qu’il en soit, elles sont infiniment supérieures à celles des Desmarets, des Coras, des Le Laboureur et des Dassoucy. La première pièce, entre autres, intitulée : Caprice d’un malade, est un modèle de style et de bonne plaisanterie. Ce recueil, je crois fort rare, se compose d’élégies, d’un poème d’Adonis, de madrigaux, de portraits en prose, sorte de composition alors fort à la mode. Il y a dans tout cela du sens, de la correction et du goût. »[22]
Extrait
Sonnet pour Mademoiselle Godefroy
Aimable Godefroy, vous ĂŞtes redoutable,
Vos beaux yeux savent l'art d'ôter la liberté.
Ils ont de la douceur, ils ont de la fierté
Et leur brillant Ă©clat n'a rien de comparable.
Le tour de votre esprit parait inimitable,
Qui pourrait se lasser d'admirer sa beauté,
Il est fin, délicat et rempli de bonté,
Et l'on voit dans votre air un charme inévitable.
Mon cœur qui tant de fois se défendit d'aimer,
Connut que malgré lui vous l'alliez enflammer,
Par vos attraits puissants, mon âme fut surprise,
Et je sentis pour vous certain je ne sais quoi,
Que mes brûlants soupirs vous dirent mieux que moi,
Au moment qu'Ă vos pieds je perdis ma franchise.
Ĺ’uvres
- Recueil de poésies par Madame de Lauvergne, dédié à Madame la Marquise de Neuville, Claude Barbin, 1680 Lire en ligne sur Gallica
Notes et références
- Dictionnaire des précieuses, de Somaize et Livet ; Hildesheim, 1856
- Lauvergne (lire en ligne)
- Alexandre Cioranescu, Bibliographie de la littérature française du dix-septième siècle, Paris, éd. du CNRS, 1965-1966
- A. Briquet, « Note », Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire. Revue mensuelle de l’Association des amis de la Bibliothèque nationale de France,‎ , pp.1219-1222
- Viollet-le-Duc, Bibliothèque poétique, p. 574
- Antoine Baudeau de Somaize, Le grand dictionnaire des précieuses ou la clef de la langue des ruelles., Paris, Jean Ribou,
- Daphné Ticrizenis, Autrices. Ces grandes effacées qui ont fait la littérature (tome 1), Paris, Hors d'atteinte,
- Myriam Dufour-Maître, « « Ces Messieurs du Recueil des pièces choisies ». Publication collective et anonymat féminin », Littératures classiques, vol. 80, no 1,‎ , pp.309-322 (lire en ligne)
- Recueil de poésies, page 156 et suivantes
- Renate Kroll, « La poésie des Précieuses. Un genre nouveau ? », Dix-septième siècle, vol. 1, no 254,‎ , pp. 73-82 (lire en ligne)
- « Autres poésies lesbiennes », sur poetesses.blog4ever.com (consulté le )
- Le Pan Poétique Des Muses, « n°0|Calepin des personnes d'exception », sur LE PAN POÉTIQUE DES MUSES (consulté le )
- Stephanie Bung, « Le Recueil Lauvergne (1680) de Claude Barbin. Écriture en groupe ou coup d’éditeur ? », 1.2. Le travail du fait littéraire : trompe-l'oeil,‎ (lire en ligne)
- Alphonse Séché, Les muses françaises, Paris, Louis-Michaud, , « Madame de Lauvergne », pp. 111-115
- Charles-Louis Livet, Le Dictionnaire des précieuses par le sieur de Somaize, Paris, , 268 p.
- « Librairie-Galerie Emmanuel Fradois », sur www.livresetmanuscrits.com (consulté le )
- Nathalie Grande, « Claude Barbin, un libraire pour dames ? », Revue de la BNF, vol. 3, no 39,‎ , pp. 22-27 (lire en ligne)
- Michèle Rosellini, « Les poètes libertins dans le recueil Barbin Une invisibilisation stratégique ? », Cahiers du GADGES, vol. 16 : Le recueil Barbin (1692),‎ , pp. 169-189 (lire en ligne)
- Edwige Keller-Rahbé et Miriam Speyer, « Les privilèges d’impression du recueil Barbin et des recueils de vers polygraphiques au XVIIe siècle. Législation et pratiques éditoriales », Cahiers du GADGES, vol. 16 : Le recueil Barbin (1692),‎ , pp. 21-60 (lire en ligne)
- Frédéric Lachèvre, Bibliographie des recueils collectifs de poésies publiés de 1597 à 1700, Paris, 1901-1905, t.II pp. 438-439 & t.III p. 508
- Miriam Speyer, « Le “ Recueil La Suze-Pellisson ”, première anthologie de poésies galantes ? », Colloque international : Usages du copier-coller aux XVIe et XVIIe siècles : extraire, réemployer, recomposer, Caen,‎ , pp. 115-178 (lire en ligne )
- Société des amis de la Bibliothèque nationale et des grandes bibliothèques de France, « Madame de Lauvergne », Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, Librairie Giraud-Badin,‎ , p. 1219