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Ma Anand Sheela

Ma Anand Sheela, née Ambalal Patel Sheela le 28 décembre 1949, puis appelée Sheela Silverman et Sheela Birnstiel à la suite de ses mariages, est l’ancienne secrétaire et porte-parole de Bhagwan Shree Rajneesh (aussi appelé Osho).

Ma Anand Sheela
Sheela (au centre), avec David Woodard et Christian Kracht, au Cabaret Voltaire, 2008
Biographie
Naissance
Nom de naissance
Sheela Ambalal Patel
Nationalités
Domiciles
Formation
Activités
Porte-parole, secrétaire, infirmière
Autres informations
A travaillé pour
Osho (-)
Mouvement
Mouvement Rajneesh (en)
Condamnée pour
Lieu de détention
Federal Correctional Institution, Dublin (en) (-)

Elle est connue pour avoir été l’organisatrice d’un attentat bioterroriste en 1984 aux États-Unis. Condamnée à 24 ans d'emprisonnement, elle vit aujourd'hui en Suisse après avoir purgé deux ans et demi de sa peine dans une prison fédérale américaine.

Biographie

Sheela est née Ambalal Patel Sheela en 1949 à Baroda en Inde[1]. À l’âge de 18 ans, elle est envoyée aux États-Unis pour étudier à Montclair State University (New Jersey)[2] - [3]. Elle épouse Marc Silverman, un citoyen américain fortuné de l’Illinois[4] - [5]. En voyage en Inde en 1972, Sheela et Silverman deviennent disciples (« sannyasins ») de Bhagwan Shree Rajneesh. C’est alors qu’elle prend le nom de Ma Anand Sheela. Son mari se fait appeler Chinmaya[6]. Ce dernier meurt quelque temps plus tard, et Sheela se marie alors à John Shelfer (Jayananda)[6].

Secrétaire de Rajneesh

Un festival Ă  Rajneeshpuram en 1983

De 1981 à 1985, Sheela est la secrétaire personnelle de Rajneesh, un gurû indien alors populaire. C’est elle qui convainc Rajneesh de venir fonder un ashram aux États-Unis[7] - [8]. Le , c’est elle qui achète le Big Muddy Ranch en Oregon pour créer la communauté de Rajneeshpuram[1] - [7]. Elle en devient la gérante et la porte-parole.

Elle est rapidement réputée pour ses propos acerbes, son .357 Magnum et la force de sécurité (armée avec des Uzi) qu’elle a créée pour protéger les lieux[9] - [10].

En 1985, Sheela visite l’Australie en tant que porte-parole du mouvement. Une interview avec le journaliste Ian Leslie dans l’émission 60 Minutes lui vaut un succès national. Pendant l’interview, à la question sur les inquiétudes, voire le rejet, des résidents locaux concernant les plans d’expansion du mouvement de Rajneesh en Australie, elle répond d’une manière grossière et argotique qui la rendit célèbre : « Que voulez-vous que je vous dise ? pas de bol !» (elle utilise l’expression « tough titties », qui signifie littéralement « tétons durs » et implique que « l’interlocuteur peut dire ce qu’il veut, ça ne changera rien)[11] - [12]. En 1988, alors qu’elle était en prison, elle évoque un projet de documentaire sur sa vie qu’elle voulait intituler « Une heure avec Ma Sheela – tough titties »[13].

Rajneesh se repose entièrement sur Sheela à l’ashram d'Oregon[7]. Elle est son « bras droit »[14] - [15]. Elle a également le titre de présidente de la Rajneesh Foundation International[16]. Dans le mouvement, elle est appelée « la Reine »[17]. La plupart des assistants de Sheela sont des femmes[7] - [18] - [19] appelées les « mamans », et les plus influentes d’entre elles les « grandes mamans »[7] - [19]. Les adeptes qui ne respectent pas ses consignes peuvent facilement être renvoyés de l’ashram[7] - [18]. Selon certains observateurs des événements ultérieurs, telle que l'analyse intitulée Bioterrorism and Biocrimes, ce style de « management » a joué un rôle important dans la réalisation de l’attentat[7] - [20].

Les élections du comté de Wasco

La communautĂ© subit une hostilitĂ© croissante de la population locale[21]. Sheela, ainsi que quelques-uns de ses assistants, finit par s’inquiĂ©ter de cette opposition et de ses consĂ©quences sur leur communautĂ©[22]. Une dĂ©cision est alors prise conjointement avec Rajneesh, de s’intĂ©grer au « conseil municipal » Ă  l’élection de pour deux places vacantes Ă  pourvoir[22]. Il y avait alors 20 000 rĂ©sidents dans le comtĂ© de Wasco dont 15 000 Ă©lecteurs, et 4 000 rĂ©sidents dans l’ashram de Rajneesh, la plupart n’étant pas rĂ©sidents amĂ©ricains n’avaient pas le droit de vote[23].

Sheela dĂ©veloppe alors un plan qui consiste Ă  hĂ©berger 2 000 sans domicile fixe de la rĂ©gion Ă  l’ashram de Rajneeshpuram, sous le prĂ©texte d’une action pour les sans-logis, puis demanda ensuite Ă  ses 2000 rĂ©sidents de s’inscrire sur les listes Ă©lectorales.

Mais un Juge local intervient et la plupart des résidents se révélèrent dans l’incapacité légale de voter. Sheela apparaît alors souvent sur la télévision locale, appelant les autorités locales des « porcs bigots », des « fascistes », « plein de conneries», parfois menaçante : « si vous touchez à un seul de nos adeptes, j’aurai 15 de vos têtes, et je ne plaisante pas »[1] - [9] - [24]. L’organisation de Rajneesh cherche finalement un individu qui pourrait se présenter à leur profit mais ne parvient pas à le trouver[22].

Empoisonnement collectif et tentatives d’assassinat

Quatre des restaurants attaqués

Confrontée à des oppositions et défis de plus en plus importants, les tactiques de Sheela deviennent graduellement criminelles[25]. Elle met au point un plan pour l’empoisonnement des clients de restaurants locaux avec des Salmonella typhimurium[26] - [27] dans le but de les empêcher de voter[28]. Cet acte fut considéré comme le premier attentat terroriste bactériologique aux États-Unis[29]. Douze adeptes de Rajneesh furent impliqués dans la préparation de cet attentat[30] qui empoisonna 750 personnes au total (aucun décès). Selon le maire de la communauté de Rajneshpuram, David Berry Knapp, connu sous le nom de Krishna Diva ou KD, Sheela aurait discuté des plans avec Rajneesh, lequel aurait répondu « C’est mieux de ne blesser personne mais si quelques-uns meurent, ce n’est pas grave »[22]. Ces propos n'ont pu être prouvés mais une bande audio a été entendue lors d'un procès et dans laquelle Rajneesh déclare « S'il est nécessaire de faire certaines choses pour préserver ma vision, alors il faut les faire », des paroles qui ont été interprétées par Sheela comme un assentiment à ses plans. Mais la responsabilité d'Osho dans les préparatifs de l'attentat n'a finalement jamais été démontrée.

Les salmonelles furent obtenues de l’American Type Culture Collection[31] - [32]. Sheela et quelques autres membres de la communauté se rendirent directement dans dix restaurants de la ville de The Dalles pour répandre les salmonelles dans leurs buffets d’entrées [33] - [17].

La fuite et les procès

Une plaque commémorative dans le comté d'Antelope (Oregon) en l'honneur de « ceux qui ont résisté à l'invasion et l'occupation de Rajneesh »

Le , Sheela fuit la communautĂ© avec plusieurs autres adeptes, dont son troisième mari, Urs Birnstiel, un citoyen suisse aujourd'hui dĂ©cĂ©dĂ©[1] - [34] - [35]. Deux jours plus tard, Rajneesh, se dĂ©clarant ignorant de ces prĂ©paratifs, accuse lui-mĂŞme ouvertement Sheela de tentative de meurtre, d’écoutes tĂ©lĂ©phoniques illĂ©gales et d’empoisonnement[1]. Sheela nie et contre-attaque dans les journaux de l’Oregon, traitant Rajneesh de « menteur »[36]. Les robes de Sheela ainsi que 5 000 exemplaires d’un livre qu’elle avait Ă©crit sont alors brĂ»lĂ©s par les 2 000 membres de la communautĂ© qu'elle dirigeait[36]. Le , Ă  l’émission 60 Minutes de CBS News, Sheela, accuse Ă  son tour Rajneesh « d’exploiter les gens en utilisant leur fragilitĂ© et leurs Ă©motions »[36]. Elle ajoute qu’il Ă©tait complice de son acte[37].

Les autorités découvrent un dispositif d'écoutes téléphoniques et un laboratoire pour la préparation des salmonelles dans la résidence de Sheela[1]. Elle est arrêtée le en Allemagne et extradée aux États-Unis en sur l’accusation de fraudes à l’immigration (400 mariages arrangés)[38] ainsi que pour tentative d’assassinat du médecin personnel de Rajneesh, le Dr. George Meredith[28] - [39]. Lors du procès, elle plaide coupable, reconnaissant les tentatives de meurtres, l’empoisonnement, les écoutes téléphoniques des autorités locales et avoir également mis le feu à un bureau municipal.

Sheela est condamnée à 24 ans de prison[31] et 470 000 dollars d’amende [28] ainsi que 69 353,31 dollars de dommages au comté de Wasco[40] - [41]. Sheela est emprisonnée, avec son assistante, à la prison de Pleasanton en Californie[41]. Elle est relâchée au bout de deux ans et demi, pour bonne conduite, et part pour la Suisse le [1] - [35].

Après la prison

Ayant la nationalité suisse par son mariage, elle s'installe légalement dans ce pays, et ne peut en être extradée pour des charges qui n’ont pas encore été jugées aux États-Unis (dont la tentative d'assassinat du procureur Charles Turner). Elle est toutefois est condamnée en Suisse en 1999, sans pourtant être emprisonnée[12]. Elle ouvre, toujours en Suisse, à Maisprach, une maison de retraite dont elle est la gérante[42]. Elle est à nouveau veuve depuis 1992[43]. Dans une interview donnée en 2007, elle se dit convaincue d'avoir été un bouc émissaire, et considère que son expérience à Rajneeshpuram lui sert encore aujourd'hui dans son activité, et qu'il s'agissait « d'un rêve merveilleux, un lieu magnifique (...) on ne devrait pas permettre que de telles expérimentations soient détruites par la médiocrité »[44].

En 2008, elle a collaboré avec David Woodard et Christian Kracht à une exposition d'art au Cabaret Voltaire, à Zurich[45] - [46].

Références

  1. Oregon Historical Society, 2002
  2. (en) William E. Geist, « Cult in castle troubling Montclair », The New York Times, The New York Times Company,‎ (lire en ligne, consulté le )
  3. (en) Taylor Clark, « The Red Menace », Willamette Week, Portland, Oregon, City of Roses Newspapers,‎ (lire en ligne)
  4. Carter 1990, p. 47.
  5. (en) Art Petacque, « Local lawyers help reel in cult fugitive », Chicago Sun-Times, Chicago Sun-Times, Inc.,‎ , p. 16
  6. Carter 1990, p. 277.
  7. Carus 2002, p. 51.
  8. Tucker 2000, p. 116.
  9. (en) P. Coster, « A Pistol-Packin' Sheela with a Tongue to Match », The Courier-Mail,‎
  10. (en) G. Turner, « Bhagwan Hits out as Commune Chiefs Flee », The Courier-Mail,‎
  11. (en) « Blinded », The Canberra Times, Fairfax Media,‎ , p. 8 (Section A)
  12. (en) Natasha Granath, « Orange princess has aged but not mellowed », The West Australian,‎
  13. (en) Anthony Dennis, « Colourful Cult Ambitions », Sydney Morning Herald,‎ , p. 28
  14. Lalich 2004, p. 9.
  15. Lax 2005, p. 130.
  16. Collins 2002, p. 115.
  17. Goldwag 2009, p. 44.
  18. McCann 2006, p. 153.
  19. Lax 2005, p. 178.
  20. Bioterrorism and Biocrimes
  21. Carter 1990, p. 124, 165, 195, 237.
  22. Carus 2002, p. 52.
  23. Tucker 2000, p. 123.
  24. (en) « Street People Deny Political Role », The Washington Post, The Washington Post Company,‎ , A28
  25. Carter 1990, p. 195.
  26. Carus 2002, p. 53.
  27. McIsaac 2006, p. 25.
  28. (en) Christopher Reed, « Sect women gaoled for attempt to kill doctor: Former aide to Indian guru Rajneesh jailed in US for poisoning », The Guardian,‎
  29. Kahn 2009, p. 41.
  30. McCann 2006, p. 154.
  31. McIsaac 2006, p. 26.
  32. Kahn 2009, p. 42.
  33. Carus 2002, p. 56.
  34. McPheters, p. 152.
  35. Albertine Bourget, « La trajectoire de Sheela Birnstiel, du gourou Bhagwan à la Suisse », sur illustre.ch, 30 mai 2018, modifié 18 janvier 2021 (consulté le )
  36. Collins 2002, p. 118.
  37. Wellman 2007, p. 171.
  38. Kushner 2002, p. 307
  39. (en) « Judge Refuses Bail For Guru's Ex-Secretary », The New York Times, The New York Times Company,‎ , p. 6 (Section 1)
  40. Tucker 2000, p. 136.
  41. Miller 2002, p. 32.
  42. Miller 2002, p. 337.
  43. (en) Jeanie Senior, « Indian guru follower Anand Sheela arrested after German TV show: Bhagwan Shree Rajneesh's former spokeswoman is freed because a Swiss court already convicted her in 1999 », The Oregonian,‎ (lire en ligne)
  44. (en) « Whatever Happened To... », sur wweek.com, (consulté le )
  45. Cabaret Voltaire, Dreamachine: David Woodard, Sheela Birnstiel, Christian Kracht, le 2 mai—août 24 2008.
  46. Paunić, N., « Cabaret Voltaire Securing its Future », Widewalls, Février 2016.

Ouvrages de référence

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  • (en) Catherine Ann Collins et Andrew King (dir.), Postmodern Political Communication : The Fringe Challenges the Center, Westport, Praeger Publishers, , 1re Ă©d., 188 p. (ISBN 978-0-275-93840-6, LCCN 91045612, lire en ligne), chap. 9 (« Ma Anand Sheela: Media Power through Radical Discourse »), p. 115–131
  • (en) Arthur Goldwag, Cults, Conspiracies, and Secret Societies, New York, Vintage, , 1re Ă©d., 332 p. (ISBN 978-0-307-39067-7, OCLC 290472301, LCCN 2009021657)
  • (en) Laura Kahn, Who's In Charge? : Leadership during Epidemics, Bioterror Attacks, and Other Public Health Crises, Santa Barbara, Praeger, , 235 p., reliĂ© (ISBN 978-0-275-99485-3, LCCN 2009022273)
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  • (en) Walter Lacquer, The New Terrorism : Fanaticism and the Arms of Mass Destruction, Oxford, Oxford University Press, USA, , 312 p., poche (ISBN 978-0-19-514064-4, LCCN 98052012, lire en ligne) *(en) Janja Lalich, Bounded Choice : True Believers and Charismatic Cults, Berkeley, University of California Press, , 329 p., poche (ISBN 978-0-520-24018-6, LCCN 2004000767, lire en ligne)
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  • (en) Mike McPheters, Agent Bishop, Springville, Cedar Fort, , 273 p. (ISBN 978-1-59955-317-7, OCLC 316327157, LCCN 2009010071), « The Rajneesh Experiment », p. 142–156
  • (en) Judith Miller, Stephen Engelberg, William J. Broad, Germs : Biological Weapons and America's Secret War, New York, Simon & Schuster, , 1re Ă©d., 416 p., poche (ISBN 978-0-684-87159-2, LCCN 2002725622, lire en ligne)
  • (en) Oregon Historical Society, « Ma Anand Sheela (b. 1950) », The Oregon History Project, www.ohs.org, (consultĂ© le )
  • (en) Jonathan B. Tucker, Toxic Terror : Assessing Terrorist Use of Chemical and Biological Weapons, Cambridge, The MIT Press, , 2e Ă©d., 303 p., poche (ISBN 978-0-262-70071-9, LCCN 99048256, lire en ligne)
  • (en) James K. Wellman, Belief and Bloodshed : Religion and Violence Across Time and Tradition, Lanham, Rowman & Littlefield Publishers, Inc., , 271 p., poche (ISBN 978-0-7425-5824-3, LCCN 2006029147, lire en ligne)
  • (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Ma Anand Sheela » (voir la liste des auteurs).

Autres ouvrages sur l’affaire

  • (en) Catherine Ann Collins, « Chapter Nine: Ma Anand Sheela: Media Power through Radical Discourse », dans Andrew King (Ă©d.), Postmodern Political Communication: The Fringe Challenges the Center, Praeger Publishers, (ISBN 0275938409), p. 115–131
  • (en) « Sheela: A Chronology », The Oregonian, Oregonian Publishing Co.,‎ , E06
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