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MĂ©thode des incidents critiques

La mĂ©thode des incidents critiques est une technique qualitative d'interview qui facilite l’étude d’évĂ©nements significatifs (incidents, processus, ou questions) identifiĂ©s par la personne impliquĂ©e dans ces Ă©vĂšnements, la façon avec laquelle ils sont gĂ©rĂ©s, et les effets en termes d'affects perçus. L'objectif est de mieux comprendre l'incident du point de vue de l'individu, en tenant compte des Ă©lĂ©ments cognitifs, affectifs et comportementaux (Chell, 1998)[1].

Elle fut dĂ©crite pour la premiĂšre fois par John C. Flanagan en 1954[2]. La mĂ©thode consiste Ă  dĂ©crire un bref Ă©pisode, un incident, qui se traduit par un malentendu ou un conflit entre deux personnes Ă  cause de leur diffĂ©rence culturelle. Cet Ă©pisode comporte des faits, des sentiments et, le cas Ă©chĂ©ant, les comportements des acteurs concernĂ©s. Cette technique vise Ă  permettre chez les participants de prendre conscience de leurs attitudes dĂ©terminĂ©es culturellement et de leurs interprĂ©tations du comportement des autres personnes[3].Le but de l’exercice est de comprendre, durant une session de debriefing, pourquoi la mĂ©sentente et le conflit ont eu lieu.

Plusieurs auteurs utilisent cette mĂ©thode comme outil de formation (Bennett, 1995[4]; Dant, 1995[5]; Pedersen, 1995[6]; Wight, 1995[7])[3]. Margalit Cohen-Emerique (1984)[8] revisite ce concept qu’elle appelle aussi « mĂ©thode des chocs culturels » et l’adapte aux professionnels du champ de l’interculturel[9].

Historique

Les fondations de la mĂ©thode des incidents critiques ont Ă©tĂ© posĂ©es par Sir Francis Galton dans les annĂ©es 1880. La technique des incidents critiques peut ĂȘtre situĂ©e dans la continuitĂ© des Ă©tudes rĂ©alisĂ©es dans le cadre du programme de psychologie de l'aviation de l’armĂ©e des Forces de l’Air des États-Unis (USAAF) durant la Seconde Guerre mondiale. Ce programme a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 1941 afin d’élaborer des procĂ©dures pour la sĂ©lection et le classement des Ă©quipages. En effet, la premiĂšre Ă©tude menĂ©e dans le cadre de ce programme concernait l’analyse des raisons qui ont conduit Ă  l’échec de 1000 candidats de l’école de formation de pilotage en 1941. Il en ressortait que la plupart des raisons donnĂ©es par les instructeurs de pilotage Ă©taient des clichĂ©s et des stĂ©rĂ©otypes. Cette Ă©tude a fourni la base pour le programme de recherche sur la sĂ©lection des pilotes[2].

La mĂ©thode a eu un succĂšs tel qu’elle a pu ĂȘtre dĂ©veloppĂ©e aprĂšs la Seconde Guerre Mondiale[2].

À la fin de la Seconde Guerre mondiale certains des psychologues qui avaient participĂ© au programme de psychologie de l'aviation USAAF ont crĂ©Ă© l'Institut amĂ©ricain pour la recherche. Le but de cette organisation est l'Ă©tude systĂ©matique du comportement humain Ă  travers un programme coordonnĂ© de recherche scientifique qui suit les mĂȘmes principes gĂ©nĂ©raux dĂ©veloppĂ©s dans le programme de psychologie de l'aviation[2].

L'UniversitĂ© de Pittsburgh a Ă©galement menĂ© un grand nombre d’études en s’inspirant de la mĂ©thode[2].

John C. Flanagan (1954)[2], fut le premier à parler de « méthode des incidents critiques ».

Méthode des incidents critiques: théorie générale

La méthode

La mĂ©thode des incidents critiques de Flanagan permet de collecter, d’analyser, de regrouper et de classer le comportement humain. Cette approche demande Ă  une personne de raconter une histoire au sujet d'une expĂ©rience qu'elle a vĂ©cue. Ensuite, les donnĂ©es sont analysĂ©es selon deux plans : le cadre de rĂ©fĂ©rence gĂ©nĂ©ral dans lequel les incidents critiques sont dĂ©crits et le dĂ©veloppement des catĂ©gories et sous-catĂ©gories de ces incidents critiques. Ainsi, les Ă©lĂ©ments de l’histoire seront ensuite soigneusement examinĂ©s pour identifier les catĂ©gories de donnĂ©es qui rĂ©sument et dĂ©crivent les incidents (Grove et Fisk, 1997[10]; Stauss, 1993[11]). La mĂ©thode des incidents critiques de Flanagan (1954) doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme un ensemble flexible de principes qui doit ĂȘtre modifiĂ© et adaptĂ© pour rĂ©pondre Ă  la situation spĂ©cifique qui est prĂ©sentĂ©e[2].

Cette méthode comporte cinq étapes[2]:

  • DĂ©termination de l'objectif gĂ©nĂ©ral
  • PrĂ©cision du plan et des instructions
  • Collecte des donnĂ©es
  • Analyse des donnĂ©es
  • InterprĂ©tation et rĂ©sultats

Objectif général

Selon Flanagan, avant d’engager tout travail d’analyse, il faut prĂ©ciser le but de l’activitĂ© Ă©tudiĂ©e ainsi que ses objectifs gĂ©nĂ©raux. Dans sa forme la plus simple, la description fonctionnelle d’une activitĂ© prĂ©cise ce qu’il faut faire et ne pas faire pour que cette activitĂ© soit considĂ©rĂ©e comme Ă©tant efficace ou inefficace. Il est donc impossible de rendre compte de l’efficacitĂ© ou non d’un comportement lors d’une activitĂ© particuliĂšre si l’objectif de cette activitĂ© n’est pas prĂ©dĂ©fini[2].

Plan et instructions

Des instructions prĂ©cises doivent ĂȘtre donnĂ©es aux observateurs afin de pouvoir attirer leur attention sur certains aspects particuliers du comportement. Il est nĂ©cessaire que ces instructions soient les plus prĂ©cises possibles en ce qui concerne les normes qui seront utilisĂ©es dans l’évaluation et la classification des comportements. Le groupe Ă©tudiĂ© doit lui aussi ĂȘtre prĂ©cisĂ©.

Selon Flanagan, afin d'assurer une certaine objectivitĂ©, il est nĂ©cessaire que les observateurs indĂ©pendants suivent le mĂȘme ensemble de rĂšgles claires et prĂ©cises[2]. Ainsi, avant de recueillir des donnĂ©es, Flanagan suggĂšre de rendre explicite les Ă©lĂ©ments suivants[2]:

  1. Les situations observées : cette consigne doit inclure des informations concernant le lieu, les personnes, les conditions et les activités.
  2. La pertinence de l'objectif général : dans cette étape, il faut décider si le comportement spécifique est pertinent pour l'objectif général de l'activité.
  3. L’effet de l’incident critique sur l'objectif gĂ©nĂ©ral: l’observateur doit encore tenir compte de l’importance de l’effet de l’incident observĂ© sur l’objectif gĂ©nĂ©ral. L'effet peut ĂȘtre exprimĂ© en termes de contributions positives ou nĂ©gatives.
  4. Les observateurs: un ensemble d’instruction supplĂ©mentaire fait rĂ©fĂ©rence Ă  la sĂ©lection et la formation des observateurs qui doivent Ă©tablir et rapporter les jugements dĂ©finis dans les Ă©tapes ci-dessus.

Collecte des données

Donner des instructions prĂ©cises va permettre de simplifier, selon Flanagan, la phase de collecte de donnĂ©es. Selon l'auteur, une condition nĂ©cessaire pour cette phase est que les comportements ou les rĂ©sultats observĂ©s soient frais dans l’esprit de l’observateur. Par ailleurs, celui-ci doit ĂȘtre motivĂ© pour transmettre des Ă©lĂ©ments dĂ©taillĂ©s. Flanagan attire l'attention sur le fait que la mĂ©moire de l’observateur est amĂ©liorĂ©e si les comportements Ă  observer ainsi que les modalitĂ©s d’évaluation et de classification sont dĂ©finies Ă  l’avance[2].

Flanagan propose quatre procédures afin de récolter les données[2]:

  • Les interviews
  • Les entretiens de groupe
  • Les questionnaires
  • Les formulaires d'enregistrement

Analyse des données

Pour Flanagan, le but de la phase d'analyse est de rĂ©sumer et de dĂ©crire les donnĂ©es obtenues d'une maniĂšre prĂ©cise afin qu'elles puissent ĂȘtre utilisĂ©es efficacement dans les pratiques futures. Ainsi, selon lui, l’objectif est d’accroĂźtre l’utilitĂ© des donnĂ©es tout en sacrifiant le moins possible de leur exhaustivitĂ©, leur spĂ©cificitĂ© et leur validitĂ©. Le prĂ©lĂšvement d'un Ă©chantillon important d'incidents est nĂ©cessaire pour fournir une description fonctionnelle de l'activitĂ© en termes de comportements spĂ©cifiques[2].

Interprétation et résultats

Flanagan nous apprend qu'il n'est jamais possible en pratique d'obtenir une solution idĂ©ale pour chacun des problĂšmes liĂ©s Ă  une activitĂ©. Par consĂ©quent, les exigences imposĂ©es doivent ĂȘtre interprĂ©tĂ©es pour pouvoir ĂȘtre utilisĂ©es correctement. Dans de nombreux cas, les erreurs rĂ©elles ne sont pas faites dans la collecte et l’analyse des donnĂ©es, mais dans l’incapacitĂ© Ă  interprĂ©ter correctement ces donnĂ©es[2].

Champs d'application

La méthode des incidents critiques a été appliquée dans de nombreux domaines.

Les premiĂšres applications de cette mĂ©thode se sont dĂ©veloppĂ©es aprĂšs la Seconde Guerre Mondiale, notamment dans le domaine de l’industrie[12].

Flanagan (1954)[2] cite diffĂ©rents secteurs d'activitĂ© dans lesquels sa mĂ©thode a Ă©tĂ© appliquĂ©e: la recherche des critĂšres de performance, la formation, la dĂ©termination de standards de compĂ©tence, la sĂ©lection et la classification, la description de poste, la crĂ©ation de procĂ©dure, la conception d’équipements, la motivation et le leadership, le counseling et la thĂ©rapie.

Cette mĂ©thode continue Ă  ĂȘtre utilisĂ©e et transposĂ©e dans des domaines tels que :

  • L'Ă©tude de marchĂ©: Bitner, Booms, and Tetreault (1990)[13] ont investiguĂ©s les sources de satisfaction et d’insatisfaction des clients vis-Ă -vis d’une relation de service. À la suite de cet article, prĂšs de 200 Ă©tudes sur les incidents critiques ont Ă©tĂ© menĂ©es dans le champ du marketing[14].
  • La sĂ©lection du personnel: une sĂ©rie de tests appelĂ© « Flanagan aptitude classification tests » a Ă©tĂ© Ă©tablie en fonction des regroupements d’incidents critiques en « Ă©lĂ©ment de travail ». Dans l’étude du travail, cette mĂ©thode constitue une source d’information trĂšs utile (Bacher & al., 1955)[15].
  • La santĂ© mentale: la mĂ©thode des incidents critiques a Ă©tĂ© utilisĂ©e afin de recueillir des donnĂ©es concernant la perception des patients sur le dĂ©roulement de leur sĂ©jour en psychiatrie. Ainsi, des domaines de satisfaction et d’insatisfaction vĂ©cus et formulĂ© par les patients ont pu ĂȘtre identifiĂ©s (C. Pourin & al., 2001)[16].
  • La danse : la mĂ©thode a pu ĂȘtre appliquĂ©e Ă  la danse. Elle a permis de cerner l’efficacitĂ© des feed-back de correction en danse moderne[17].
  • L'interculturel: la mĂ©thode a aussi Ă©tĂ© appliquĂ©e pour mettre en avant les diffĂ©rences culturelles entre individus. Les malentendus sont ainsi expliquĂ©s en termes culturels (Sorti, 1994)[18]. L'illustration de cette application que nous donne Sorti (1994) concerne le feed-back de l'Ă©valuation des performances de routine donnĂ©e par un manager amĂ©ricain Ă  un employĂ© de culture du Moyen-Orient. Le responsable utilisait une approche standard en listant les points forts et faibles de l'employĂ©. Lors de cet Ă©change, le travailleur a Ă©tĂ© fortement offensĂ©, bien que la motivation du superviseur Ă©tait d'aider l'employĂ© Ă  ĂȘtre plus efficace. La description de la situation mettait en avant que dans les sociĂ©tĂ©s du Moyen-Orient, la honte ou la perte de la face en public devait ĂȘtre Ă©vitĂ©e, et si cela n'Ă©tait pas possible, les critiques devaient ĂȘtre exprimĂ©es discrĂštement ou indirectement. Dans de telles circonstances, il est recommandĂ© au superviseur de passer la plupart de l'interview en mettant en avant les points forts de l'employĂ© et de prĂ©senter de maniĂšre superficielle les lacunes. Ainsi, l'employĂ© aura compris ce qui aura Ă©tĂ© dit, mais l'honneur sera prĂ©servĂ©[18].

Avantages

En plus du fait d’ĂȘtre une mĂ©thode qui peut s’appliquer Ă  diffĂ©rents champs, la mĂ©thode des incidents critiques comporte de nombreux avantages.

  • Les donnĂ©es recueillies expriment le point de vue de la personne impliquĂ©e dans l’incident critique et sont prĂ©sentĂ©es selon ses propres mots[19]. Lors d'une interview, la personne est tout simplement invitĂ©e Ă  se rappeler des Ă©vĂ©nements spĂ©cifiques. Chaque personne peut utiliser ses propres termes et sa propre langue[20]. Ainsi, la mĂ©thode des incidents critiques est une mĂ©thode de recherche intĂ©ressante, car elle ne restreint pas les observations Ă  un ensemble limitĂ© de variables ou d'activitĂ©s[21].
  • Ce type de recherche est, par nature, inductive[19]. Par consĂ©quent, la mĂ©thode est particuliĂšrement utile:
    • lorsque le sujet de recherche a Ă©tĂ© peu documentĂ©[10],
    • en tant que mĂ©thode exploratrice afin d’accroĂźtre les connaissances sur un phĂ©nomĂšne peu connu, ou
    • lorsqu’une comprĂ©hension approfondie est nĂ©cessaire pour dĂ©crire ou expliquer un phĂ©nomĂšne[13].
  • La mĂ©thode des incidents critiques peut fournir un ensemble de donnĂ©es trĂšs riche[22], notamment pour des expĂ©riences inĂ©dites[23].
  • La mĂ©thode des incidents critiques est particuliĂšrement bien adaptĂ©e pour l'Ă©valuation de la perception des clients de diffĂ©rentes cultures[24]. Dans leur Ă©tude, Ruyter, Perkins, et Wetzels (1995)[25] ont qualifiĂ© la mĂ©thode des incidents critiques de «mĂ©thode culturellement neutre» qui invite les consommateurs Ă  partager leurs perceptions sur une question, plutĂŽt que d'indiquer leurs perceptions Ă  des questions initiĂ©es par un chercheur. En particulier, ils soutiennent que cette mĂ©thode est une technique moins liĂ©e Ă  la culture que les enquĂȘtes traditionnelles, il n'y a pas, selon eux, de dĂ©termination a priori de ce qui sera important.

Inconvénients

Bien que les avantages de l'utilisation de la méthode des incidents critiques soient considérables, la méthode a également essuyé des critiques.

  • Cette mĂ©thode a Ă©tĂ© critiquĂ©e sur les questions de la fiabilitĂ© et de la validitĂ©[26].
  • En particulier, les rĂ©cits rapportĂ©s par les participants peuvent ĂȘtre mal interprĂ©tĂ©s ou mal compris (Edvardsson, 1992[19]; Gabbott & Hogg, 1996[22]). De mĂȘme, des problĂšmes peuvent survenir Ă  la suite d’une ambiguĂŻtĂ© associĂ©e Ă  la catĂ©gorie et aux rĂšgles de codage au sein d'une Ă©tude particuliĂšre[27].
  • La mĂ©thode des incidents critiques est une mĂ©thode de recherche naturellement rĂ©trospective. Ainsi, elle a Ă©tĂ© critiquĂ©e sur sa mĂ©thodologie qui peut ĂȘtre faussĂ©e par le biais de rappel (Michel, 2001[28]). De mĂȘme, la mĂ©thode des incidents critiques peut entraĂźner d'autres biais indĂ©sirables, tels que les trous de mĂ©moire (Singh & Wilkes, 1996[29]). En effet, d’une part, la mĂ©thode s'appuie sur des Ă©vĂ©nements dont le participant doit se souvenir, et d’autre part, elle exige le rappel exact et vĂ©ridique de ces Ă©vĂšnements. Un incident peut avoir eu lieu quelque temps avant la collecte des donnĂ©es, ainsi, la description peut conduire le participant Ă  rĂ©interprĂ©ter l’incident[30].
  • La nature du processus de collecte des donnĂ©es de cette mĂ©thode demande aux participants de fournir une description dĂ©taillĂ©e de ce qu'ils considĂšrent ĂȘtre des incidents critiques. Toutefois, les participants peuvent ne pas ĂȘtre habituĂ©s ou ne pas vouloir prendre le temps de dire (ou Ă©crire) une histoire complĂšte lors de la description d'un incident critique (Edvardsson & Roos, 2001[31]).

Une application particuliÚre : la méthode des chocs culturels

L’interaction sociale

Argyle et Kendon (en) (1967)[32] ont Ă©tĂ© parmi les premiers Ă  suggĂ©rer que le comportement social des personnes en interaction constitue une compĂ©tence organisĂ©e. Les dĂ©saccords interpersonnels apparaissent lorsque ces compĂ©tences Ă©chouent ou n’ont pas Ă©tĂ© initiĂ©es dĂšs le dĂ©but. La recherche a identifiĂ© quelques-unes des compĂ©tences interpersonnelles qui ne sont pas prĂ©sentes chez les personnes socialement incompĂ©tentes ou qui sont mises en Ɠuvre de maniĂšre insatisfaisante. Parmi celles-ci, les Ă©lĂ©ments interactifs qui rĂ©gulent les contacts sociaux, en particulier les aspects non verbaux de l'interaction sociale sont les plus saillants[33].

Il existe des preuves empiriques qui indiquent que l'Ă©numĂ©ration des Ă©lĂ©ments de l'interaction sociale (comportement, ressentie, communication, etc) varient selon les cultures (Argyle, 1982[34] ; Brislin, 1993[35]; Furnham, 1979[36]; Hall, 1959[37]; Hall & Beil-Warner, 1978[38]; Leff, 1977[39]), en particulier, la crainte de la communication interculturelle, ou l'anxiĂ©tĂ© qui peut ĂȘtre suscitĂ© par l'interaction avec des personnes culturellement diffĂ©rentes (Gudykunst, 1995[40]; Neuliep & Ryan, 1998[41]).

La rencontre interculturelle

Il y a diffĂ©rentes façons de conceptualiser les interactions sociales problĂ©matiques. Une premiĂšre approche (Argyle, 1982[34]; Bochner, 1982[42]) a Ă©tĂ© de considĂ©rer les contacts sociaux infructueux comme des exemples de l'Ă©chec de la communication verbale et de la communication non verbale. La principale constatation de cette recherche est que le problĂšme majeur de telles rencontres est l'Ă©change erronĂ© d'information et d'affects. Du point de vue de l'expĂ©diteur, les messages peuvent ne pas avoir atteint le rĂ©cepteur ou, si c’était le cas, ils peuvent ĂȘtre confus, dĂ©formĂ©s et ne pas ĂȘtre complets. Du point de vue du rĂ©cepteur, les messages peuvent avoir Ă©tĂ© difficiles Ă  interprĂ©ter, ambigus et, dans les cas plus extrĂȘmes, offensants. Et puisque les rĂ©cepteurs sont Ă©galement expĂ©diteurs, la spirale de la mauvaise communication peut rapidement Ă©voluer vers un cercle vicieux d'incomprĂ©hension.

Différences interculturelles et communication

Les Ă©lĂ©ments de communication verbale et non verbale ont une importance centrale dans les effets et la dynamique du contact culturel parce que la plupart de ces processus varient entre les groupes culturels et ethniques. ConcrĂštement, l’échec des interactions sociales conduit Ă  des perceptions erronĂ©es, des stĂ©rĂ©otypes nĂ©gatifs et des dĂ©saccords entre les groupes. Par ailleurs, leur frĂ©quence augmente avec la distance culturelle qui sĂ©pare les participants (Torbiorn, 1994[43] ; Ward & Kennedy, 1999[44]).

La recherche nous montre qu’il y a des diffĂ©rences culturelles systĂ©matiques lorsque les gens envoient et reçoivent de l’information, des attentes et des Ă©motions[45]. Une dimension par rapport Ă  laquelle les membres de diffĂ©rentes cultures varient est la prĂ©fĂ©rence pour les communications Ă  contexte riche ou pauvre[46]. Les membres de cultures Ă  contexte pauvre transmettent l’information directement et comptent beaucoup sur la communication verbale. Les membres de cultures Ă  contexte riche transmettent de l'information limitĂ©e dans des messages codĂ©s; ils sont plus susceptibles d'ĂȘtre influencĂ©s par des indices situationnels et communiquent de façon indirecte et souvent ambigĂŒe. D'autres dimensions importantes de la variabilitĂ© interculturelle font rĂ©fĂ©rence notamment Ă  l'importance de la gestion de la face (Ting-Toomey, 1988[47]). Cette thĂ©orie tente de cerner les diffĂ©rences interculturelles dans la maniĂšre de gĂ©rer les conflits. Quatre prĂ©misses guident la thĂ©orie de Ting-Toomey (Oetzel & Ting-Toomey, 2003[48]) :

  1. Les gens de toutes les cultures essayent de négocier et maintenir la face dans toutes les situations de communication (travail de la face);
  2. Le concept de face est surtout problématique dans des situations interpersonnelles vulnérables (comme dans des situations de conflits) et lorsque les identités culturelles des interlocuteurs sont mises en question;
  3. la variabilité culturelle, les variables individuelles et les variables situationnelles influencent le type de préoccupation à propos de la face (sauvegarde de la face orienté vers soi versus sauvegarde de la face orienté vers les autres); et
  4. par la suite, le souci de la face influence l’utilisation des stratĂ©gies de gestion de la face et de gestion de conflit dans des situations d'interaction intergroupe ou interpersonnelles[9]

Lorsque des personnes de cultures diffĂ©rentes se rencontrent, ils sont confrontĂ©s Ă  des difficultĂ©s Ă  communiquer dans la mesure oĂč leurs « codes » respectifs diffĂšrent[49]. Il peut mĂȘme ĂȘtre possible qu’ils ne soient pas conscients de ces diffĂ©rences ce qui est particuliĂšrement problĂ©matique. Lorsque deux groupes qui partagent les mĂȘmes formes linguistiques (ou du moins parlent des dialectes mutuellement intelligibles) se rencontrent, les similitudes de la langue peuvent masquer les diffĂ©rences qui peuvent exister dans leurs cultures respectives (Triandis et al., 1972[50]). Ainsi, les participants ne peuvent se rendre compte qu'ils envoient des messages involontaires et dĂ©forment les informations qu’ils reçoivent (Witte & Morrison, 1995[51]). Ainsi, lorsqu’un Nord-AmĂ©ricain dit « voudriez-vous bien 
 » par exemple « Ă©crire un rapport sur les perspectives de ventes d’un produit particulier », ceci n’est pas une question mais bien une maniĂšre polie de donner un ordre. Si un employĂ© Australien rĂ©pond « non », l’AmĂ©ricain pourrait ĂȘtre offensĂ© et l’Australien pourrait perdre son travail. En gĂ©nĂ©ral, de la mĂȘme maniĂšre que les diffĂ©rences entre les cultures des participants augmentent, les difficultĂ©s de communication augmentent aussi (Levy et al., 1997[52]). Ceci est dĂ» en grande partie aux diffĂ©rences concernant les Ă©lĂ©ments qui sont impliquĂ©s et qui rĂ©gulent le comportement interpersonnel.

Voici quelques exemples d’élĂ©ments de la communication interpersonnelle qui sont connus pour diffĂ©rer d’une culture Ă  l’autre et qui influence de maniĂšre significative l’efficacitĂ© de l’échange d’information :

  • Les codes de politesse : les cultures diffĂšrent notamment en fonction du fait que les gens sont directs ou indirects, de la maniĂšre dont les demandes sont faites, et plus important encore, de la maniĂšre dont les demandes sont niĂ©es ou refusĂ©es[53]. Ainsi, Triandis (1975)[54] relate la maniĂšre avec laquelle un visiteur AmĂ©ricain demande Ă  son ami grec l’heure Ă  laquelle il doit arriver chez lui pour diner. Le villageois grec lui rĂ©pondit « n’importe quand ». En AmĂ©rique, l’usage de cette expression doit faire comprendre de maniĂšre polie que l’on espĂšre que vous ne viendriez jamais. En GrĂšce, cette expression signifie que vous ĂȘtes le bienvenu Ă  tout moment, parce que dans cette culture, mettre des limites au moment de l’arrivĂ©e d’un invitĂ© est insultant.
  • La rĂ©solution de conflits: La maniĂšre de nĂ©gocier diffĂšre aussi d’une culture Ă  l’autre. Pearson et Stephan (1998)[55] ont comparĂ© l’approche amĂ©ricaine et brĂ©silienne de la rĂ©solution de conflit. Les participants brĂ©siliens, provenant d’une sociĂ©tĂ© collectiviste, prĂ©fĂšre un type de nĂ©gociation qui inclut la concidĂ©ration des intĂ©rĂȘts des autres parties. Les participants amĂ©ricains, dont la culture a une orientation individualiste, sont plus enclins Ă  utiliser des stratĂ©gies de nĂ©gociations qui maximisent leur propre intĂ©rĂȘt au dĂ©triment des autres parties.
  • La communication non verbale : Les signaux non verbaux jouent un rĂŽle important dans la communication des attitudes, dans l’expression des Ă©motions et dans le soutien au discours. Ils fournissent aussi un feedback du rĂ©cepteur vers l’expĂ©diteur et assistent, de maniĂšre synchronisĂ©e, les interactions verbales en indiquant aux participants le moment de parler, d’écouter et d’interrompre[56]. Bien que la signification de nombreux signaux non verbaux soit universelle, plusieurs varient d’une culture Ă  l’autre. Les Ă©lĂ©ments de communication qui ont Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©s pour comparer les cultures comprennent le visage, le regard mutuel, le comportement spatial, le contact corporel et les gestes (Duncan, 1969[57]; Ekman & Friesen, 1972[58]; Mehrabian, 1972[59]; Sommer, 1969[60]). Par exemple, les rĂšgles de prĂ©sentation japonaises n'encourage pas l'utilisation d’expressions faciales nĂ©gatives[61], ce qui les rend relativement impĂ©nĂ©trable pour les membres des cultures Ă  contexte bas qui ont besoin de plus d'Ă©lĂ©ments verbaux. Les gestes et leur signification varient largement Ă  travers les cultures (Collett, 1982[62] ; Morris et al., 1979[63]). Certains gestes sont utilisĂ©s dans une culture et pas dans les autres. Par ailleurs, un mĂȘme geste peut avoir des significations diffĂ©rentes voir opposĂ©es dans des cultures diffĂ©rentes. Par exemple, aux États-Unis un pouce levĂ© est utilisĂ© comme un signal qui signifie l’approbation souvent accompagnĂ© d'un "OK". En GrĂšce, le mĂȘme signe est employĂ© comme une insulte.
Thumb up
pouce levé
  • Les rĂšgles et conventions : Les diffĂ©rences interculturelles dans les rĂšgles qui rĂ©gissent le comportement interpersonnel constituent une autre source de difficultĂ© dans la communication interculturelle[64]. Par exemple, les rĂšgles concernant la ponctualitĂ© varient d’une culture Ă  l’autre (Argyle, 1982[34]; Brein & David, 1971[65]; Collett, 1994[66]). LeVine, West & Reis (1980)[67] ont mis en lumiĂšre le fait que les AmĂ©ricains considĂšrent une personne qui n’arrive jamais en retard Ă  un rendez-vous comme plus efficace qu’une personne qui est occasionnellement en retard. Exactement Ă  l’opposĂ© du BrĂ©sil oĂč arriver en retard Ă  un rendez-vous est un indicateur de succĂšs.
  • Formules pour s’adresser Ă  quelqu’un: Les formules de dĂ©fĂ©rence varient entre les cultures, principalement pour savoir s’il faut utiliser le prĂ©nom, le nom ou le titre. Par exemple, les Allemands sont prompts Ă  s'offenser s’ils pensent qu'ils ne sont pas traitĂ©s correctement. Ainsi, en Allemagne l'accent est mis sur les titres, et un homme avec deux doctorats sera appelĂ© « Herr Doktor Doktor »[66]. Les titres sont toujours utilisĂ©s lors de l'introduction de personnes dans des pays comme l'Allemagne et l'Italie, souvent pour transmettre la profession et le statut Ă©ducatif de la personne[68].

ThĂ©orie de l’accommodation communicationnelle en matiĂšre interculturelle – Cindy Gallois

La thĂ©orie de l’accommodation de la communication (Communication Accommodation Theory (CAT)), fondĂ©e par Howard Giles (1973)[69] explique la dynamique des interactions interculturelles en intĂ©grant les Ă©lĂ©ments des stratĂ©gies de communication, de la motivation des participants et de l’appartenance Ă  un groupe. Il Ă©met l'hypothĂšse selon laquelle les personnes qui communiquent vont mettre en Ɠuvre une des trois stratĂ©gies suivantes[3] :

  1. Converger vers le partenaire de conversation, c’est-à-dire rendre semblables des aspects du discours en vue de s’identifier à l’autre personne et/ou obtenir l’approbation de la personne.
  2. Diverger par rapport au contenu et au style du partenaire de maniĂšre Ă  se distinguer de l'autre.
  3. Maintenir son propre style, ce qui correspond généralement à la divergence.

Les Ă©tudes qui ont suivi ce modĂšle et qui l'ont dĂ©veloppĂ©, ont inclus la motivation qu'ont les orateurs, dĂšs le dĂ©but d'une interaction, Ă  converger ou diverger. Les stratĂ©gies d'Howard sont dĂšs lors appelĂ©es stratĂ©gies d’approximation. Les stratĂ©gies qui visent Ă  rapprocher les participants sont appelĂ©es accommodation, alors que celles visant Ă  mettre l'accent sur les diffĂ©rences interpersonnelles ou intergroupes sont appelĂ©es non-accommodation. Les Ă©lĂ©ments spĂ©cifiques incluent le fait de prendre (ou de ne pas prendre) en compte les aptitudes et les compĂ©tences du partenaire, la gestion du discours, (qui laisse ou ne laisse pas au partenaire le choix des sujets et la maniĂšre avec laquelle ils doivent ĂȘtre traitĂ©s) et la sensibilitĂ© interpersonnelle Ă  des questions telles que l'utilisation de titres honorifiques. Le modĂšle est dynamique dans le sens oĂč la conversation est constituĂ©e d'un cycle de rĂ©actions continues de chacun des orateurs. Ces rĂ©actions dĂ©pendent du comportement de l'autre, bien que la trajectoire gĂ©nĂ©rale ait un objectif particulier[3].

Cynthia Gallois (1988) et ses collĂšgues[70] ont Ă©tendu ce modĂšle au contexte spĂ©cifique de la communication interculturelle. Les composantes supplĂ©mentaires qui ont Ă©tĂ© prises en compte comprennent d’une part le fait de savoir si les personnes considĂšrent la rencontre comme Ă©tant essentiellement interpersonnelle ou intergroupe, et d’autre part le fait de connaitre la nature de la situation et son contexte, par exemple savoir si elle est menaçante ou bĂ©nigne. La pertinence de cette thĂ©orie est qu'elle met l'accent sur l'accommodation en tant que facteur dĂ©terminant de l'harmonie du contact intergroupe. L'autre contribution de la thĂ©orie de l’accommodation de la communication est la distinction entre les dĂ©terminants interpersonnels et intergroupes de l’accommodation. L’accommodation basĂ©e sur l'appartenance Ă  un groupe est susceptible d'affecter un plus grand nombre de comportements Ă  long terme, tels que les rĂ©seaux sociaux des nouveaux arrivants, l’acquisition du langage, et, finalement, de l’identitĂ© culturelle. L’accommodation interpersonnelle est susceptible de fonctionner de maniĂšre plus importante au niveau des comportements spĂ©cifiques, tels que le geste, le regard, et la proximitĂ©.

ThĂ©orie de l’apprentissage culturel – Oberg

Le terme de « choc culturel » fut introduit pour la premiĂšre fois par l’anthropologue (K. Oberg) en 1954[71] Ă  la suite de l’étude d’immigrants rĂ©sidant en pays Ă©trangers. Selon lui, le « choc culturel » fait rĂ©fĂ©rence Ă  la dĂ©sorientation psychologique subie lorsqu’un individu se retrouve de maniĂšre soudaine dans un environnement culturel diffĂ©rent du sien[72]. Cette dĂ©sorientation psychologique rĂ©sulterait, selon Oberg, de l’absence ou de la distorsion d’indices familiers, Ă  la fois environnementaux et sociaux, dans l'interaction sociale. Oberg (1960) n'a pas prĂ©cisĂ© la nature ou les limites de ces indices dans sa formulation originale de l'hypothĂšse du choc culturel[3]. Cependant, il dĂ©veloppa un modĂšle du choc culturel, «l'approche de l'apprentissage culturel» dans lequel quatre phases sont mises en avant . Bien que de nombreux modĂšles thĂ©oriques du choc culturel (Oberg, 1954[71]; Bennet, 1993[73]; Levine & Adelman, 1993[74]; Winkelman, 1994[75]) existent, ces phases sont relativement les mĂȘmes dans tous les modĂšles postĂ©rieurs:

  1. La lune de miel met l’accent sur les rĂ©actions initiales d’euphorie, d’enchantement, de fascination et d’enthousiasme.
  2. La crise est caractĂ©risĂ©e par des sentiments d’inadĂ©quation, de frustration, d’anxiĂ©tĂ© et de colĂšre.
  3. La rĂ©cupĂ©ration inclut la rĂ©solution de crise et l’apprentissage de la culture.
  4. L’ajustement reflĂšte la jouissance et la fonctionnalitĂ© de compĂ©tences dans le nouvel environnement.

Toute personne vivant Ă  l’étranger – et quelle que soit la durĂ©e de son sĂ©jour – subit avec plus ou moins d’intensitĂ© les effets du choc culturel. Prenons le cas d'un Ă©tudiant qui participe Ă  un programme d’échange et qui va baigner dans une culture nouvelle pendant un certain laps de temps. Et voyons comment les trois phases peuvent ĂȘtre vĂ©cues. Selon les circonstances, la phase de lune de miel peut s’étendre aux premiers jours, aux premiĂšres semaines, voire aux six premiers mois du sĂ©jour. L’étudiant aura un sentiment de curiositĂ© provoquĂ© par la nouveautĂ©. Ensuite, la crise se dĂ©clenchera lorsque l’étudiant prendra conscience que certains des aspects qui au dĂ©but l’avaient conquis, entament Ă  prĂ©sent sa confiance en lui. Il peut s’agir de la diffĂ©rence de langue, de la façon de se comporter, de l’idĂ©ologie surtout. L’individu perçoit que les comportements diffĂšrent et se sent en exil. Intervient alors la phase de rĂ©cupĂ©ration lors de laquelle l’étudiant surmontera la crise, approfondit sa connaissance de la langue et Ă©largit le cercle de ses connaissances, il s’ouvrira alors Ă  la nouvelle culture. Certes, toutes les difficultĂ©s ne seront pas rĂ©solues pour autant, certaines demeureront mais l’étudiant y parviendra peu Ă  peu. Dans cette phase il reprendra confiance en lui. Enfin, au cours de la phase d’ajustement l’individu sera capable de s’exprimer sans difficultĂ© et il acceptera les usages de la nouvelle culture .

Avant les travaux de Oberg, des Ă©tudes empiriques avaient Ă©galement suggĂ©rĂ©es que l'arrivĂ©e dans un nouveau milieu culturel commençait de maniĂšre positive. Dans une Ă©tude transversale frĂ©quemment citĂ©e, Lysgaard (1955)[76] a proposĂ© une courbe en U de l'ajustement basĂ©e sur son Ă©tude empirique des boursiers Fulbright scandinaves aux États-Unis. Il a indiquĂ© que les Ă©tudiants qui avaient rĂ©sidĂ© aux États-Unis entre 6 et 18 mois Ă©taient significativement moins adaptĂ©s que ceux qui y Ă©taient depuis moins de 6 mois ou plus de 18 mois. L'hypothĂšse de la courbe en U a Ă©tĂ© complĂ©tĂ©e par Gullahorn et Gullahorn (1963)[77] qui ont soutenu que la courbe d'ajustement se rĂ©pĂ©tait en cas de rĂ©introduction au sein de l'environnement domestique.

Théorie

Margalit Cohen-Emerique Ă©tudie les difficultĂ©s que rencontrent les travailleurs sociaux dans leurs interventions auprĂšs des migrants et de leurs enfants, en France, dans plusieurs pays europĂ©ens et au QuĂ©bec. En effet, elle envisage les problĂšmes rencontrĂ©s par ces professionnels du champ de l’interculturel[9].

Selon Cohen-Emerique, la rencontre interculturelle peut provoquer un choc. L’auteur dĂ©finit le choc culturel comme une « rĂ©action de dĂ©paysement, de frustration, de rejet, de rĂ©volte et d'anxiĂ©tĂ©, en un mot une situation Ă©motionnelle et intellectuelle qui apparait chez les personnes qui, placĂ©es par occasion ou profession hors de leur contexte socioculturel, se trouvent engagĂ©es dans l'approche de l'Ă©tranger, ce choc est un moyen important de prise de conscience de sa propre identitĂ© sociale dans la mesure oĂč il est repris et analysĂ© »[78].

Afin de les aider, elle a crĂ©Ă© la mĂ©thode des « chocs culturels », Ă©galement nommĂ©e « mĂ©thode des incidents critiques »[9]. En effet, chacun construit son identitĂ© Ă  travers son histoire personnelle et collective. Cette structure identitaire prĂ©sente des zones qui, lorsqu’elles sont atteintes, provoquent des sentiments de malaise, de gĂȘne, d’inquiĂ©tude ou de rĂ©volte voir de stress et d’angoisse. Cohen-Emerique (1989)[79] les appelle les zones sensibles. Selon l'auteur, elles peuvent ĂȘtre heurtĂ©es par un incident (comportement, attitude ou paroles) qui constituent des chocs.

Cohen-Emerique a rĂ©pertoriĂ© sept zones sensibles qui bloquent le processus de reconnaissance de l’altĂ©ritĂ© : la perception diffĂ©rentielle du corps, de l’espace et du temps, de la structure du groupe familial et de l’individu (type de famille, systĂšme de parentĂ©, rĂŽles masculins et fĂ©minin, socialisation des enfants), de la sociabilitĂ© (dons, Ă©changes, hospitalitĂ©, etc.), des demandes d’aide que le migrant adressent au professionnel, des rites et des croyances magico-religieuses qui accompagnent les moments les plus importants de la vie d’un individu, et les reprĂ©sentations du changement culturel[79].

La méthode des chocs culturels consiste à demander aux travailleurs sociaux de relater, par écrit, une situation critique vécue, de préférence en situation professionnelle[80]. Cette situation est ensuite discutée et analysée afin de faire émerger les incompréhensions, les chocs culturels et de les expliquer.

La méthode de Cohen-Emerique suppose que pour chaque incident critique, il y a lieu de répondre aux questions suivantes[80] :

  1. Qui sont les acteurs en prĂ©sence dans la situation interculturelle, leurs identitĂ©s (Ăąge, sexe, origine, profession, etc.) ? Leurs types de rapports et les rapports entre les groupes d’appartenance ? En quoi sont-ils proches et en quoi sont-ils Ă©loignĂ©s ?
  2. La situation dans laquelle se déroule la scÚne (contexte physique, social, professionnel, psychologique, etc.)
  3. La rĂ©action de choc : sentiments vĂ©cus et Ă©ventuellement les comportements qu’elle a suscitĂ©s.
  4. Les représentations, les valeurs, les normes, les conceptions, les préjugés
 tout ce qui constitue le cadre de références de la personne qui a vécu le choc.
  5. Quelle image se dĂ©gage de l’analyse du point 4 concernant la ou les personnes qui ont dĂ©clenchĂ© le choc (neutre, lĂ©gĂšrement nĂ©gative, lĂ©gĂšrement ridicule, nĂ©gative, trĂšs nĂ©gative, « stigmatisation », positive, trĂšs positive, rĂ©elle, irrĂ©elle
) ?
  6. Les reprĂ©sentations, les valeurs, les normes, les prĂ©jugĂ©s
tout ce qui constitue le cadre de rĂ©fĂ©rence de la personne ou du groupe qui est Ă  l’origine du choc ayant provoquĂ© le choc chez le narrateur.
  7. L'incident critique pose-t-il un problÚme de fond concernant soit la pratique professionnelle, soit de façon générale le respect des différences en situation interculturelle ? Peut-on faire quelques propositions pour résoudre cette situation ?

Selon Cohen-Emerique, la prise en compte du contexte est nĂ©cessaire : l’incident critique relatĂ© doit ĂȘtre replacĂ© dans le contexte dans lequel il est apparu. Étant donnĂ© que les diffĂ©rences culturelles varient en fonction du contexte, seul ce dernier peut faire apparaĂźtre une signification (Mucchielli, 1996[81]; LaperriĂšre, 1997[82]).

Exemple d’incident critique et application de la grille d’analyse[80]

Une éducatrice travaillant dans une halte-garderie dont le personnel est sensibilisé à la diversité culturelle raconte :

« Une maman vietnamienne accompagne sa fille ĂągĂ©e de 4 ans ; il est 7h30 Ă  l’ouverture de la halte-garderie. L’enfant pleure, ne veut pas entrer. La maman insiste par la parole (en vietnamien), puis la pousse Ă  l’intĂ©rieur de la salle, lui demandant de se taire. L’enfant pleure toujours. Accroupie devant elle, la maman, le doigt levĂ© la menace, l’obligeant Ă  se taire pour ne pas dĂ©ranger les autres. L’enfant pleure toujours, la maman se rapproche d’elle et lui tape sur la main en lui disant de se taire. Elle le fait plusieurs fois ; l’enfant essaie de retenir ses pleurs. La maman continue Ă  taper la main, l’enfant Ă  se retenir. Puis l’enfant parvient Ă  pleurer en silence. La maman se tourne vers moi : "elle est fatiguĂ©e, elle a sommeil, c’est pour cela qu’elle pleure". »

  • Pour la premiĂšre question, il ressortira les Ă©lĂ©ments suivants :
    • Ă©ducatrice : femme, 45 ans, mariĂ©e, 3 enfants, nationalitĂ© française, classe moyenne, langue, tendance politique, etc.
    • Madame : femme, 30 ans, mariĂ©e, 2 enfants, langue, habitation, etc.
    • rapports en cause : rapport professionnel, ViĂȘt Nam est une ancienne colonie française, toutes deux femmes et mĂšres, deux langues diffĂ©rentes, etc.
  • Pour la deuxiĂšme question, on fera rĂ©fĂ©rence Ă  la crĂšche, sa localisation, l’emplacement spatial de chaque personne, la posture, etc.
  • Pour la troisiĂšme question, il sera question des sentiments, notamment d’impuissance de l’éducatrice, de la souffrance vis-Ă -vis de la mĂšre et de l’enfant, de l’incomprĂ©hension de l’insistance de la mĂšre, etc.
  • Pour la quatriĂšme question, il ressortira que dans le cadre professionnel, la punition physique n’est pas acceptable, qu’il est normal qu’un enfant de cet Ăąge exprime ses Ă©motions, que l’entrĂ©e Ă  la crĂšche est un moment douloureux, etc.
  • Pour la cinquiĂšme question, l’éducatrice prendra conscience que l’image qu’elle a construit de la mĂšre Ă©tait plutĂŽt nĂ©gative sans rien connaitre d’elle.
  • Pour la sixiĂšme question, il s’agira de poser des hypothĂšses pour expliquer l’attitude de la mĂšre et ensuite, si cela est possible, d’aller chercher confirmation ou infirmation.
  • Pour la septiĂšme question, il sera rappelĂ© que toutes les sociĂ©tĂ©s ont des modes de socialisation mais avec des pratiques diffĂ©rentes. MalgrĂ© le choc, la professionnelle pourra s’en sortir en utilisant une observation fine des mimiques et des gestes de la mĂšre, de l’enfant et de leurs interactions ainsi qu’une prise de distance.

Introduction: l’approche interculturelle de Cohen-Emerique

Compte tenu des nombreux obstacles d’ordre culturel que rencontrent les travailleurs sociaux, Cohen-Emerique (1996) suggĂšre de dĂ©velopper chez ces professionnels une mĂ©thode de communication qu’elle appelle l’approche interculturelle[83]. Cette approche comporte trois Ă©tapes : la dĂ©centration, le cadre de rĂ©fĂ©rence de l’autre et la mĂ©diation/nĂ©gociation interculturelle[80].

La décentration

Cette premiĂšre Ă©tape guide les deux autres. Elle consiste Ă  prendre conscience de son propre mode de fonctionnement, de son systĂšme de valeur, de ses reprĂ©sentations, de son cadre de rĂ©fĂ©rence. C’est le contact avec l’autre qui rĂ©vĂšle Ă  l’individu les fondements de sa propre culture et de ses zones sensibles[80].

Le cadre de rĂ©fĂ©rence de l’autre

Cette seconde Ă©tape permet de s’intĂ©resser Ă  l’autre dans une attitude d’ouverture, de curiositĂ© pour dĂ©couvrir ce qui donne sens et valeur Ă  l’autre, ce qui fonde ses rĂŽles, ses statuts, ses croyances[80]. Elle permet de « pĂ©nĂ©trer dans le systĂšme de l’autre, le connaĂźtre du dedans »[83]. Selon l’auteur, cette Ă©tape, en accumulant des connaissances sur l’autre, permet de s’ouvrir Ă  la culture de l’autre, de mieux cerner son cadre culturel[80].

La négociation interculturelle

Selon Cohen Emerique (2011), les professionnels ne peuvent se limiter aux deux premiÚres étapes de l'approche interculturelle[80]. La négociation interculturelle, troisiÚme et derniÚre étape, est plus spécifiquement destinée aux intervenants sociaux. Elle s'inscrit dans la phase de résolution des conflits entre les codes culturels des acteurs en présence[84].

Lorsque les codes culturels du professionnel et de l’aidĂ© sont en opposition ou en conflit, la dĂ©marche de nĂ©gociation va permettre, selon l’auteur (2011), d’aboutir ensemble, par le dialogue et l’échange, Ă  une entente et Ă  un compromis acceptable Ă  la fois pour le travailleur social et pour le migrant[80].

Cette dĂ©marche peut ĂȘtre effectuĂ©e par le travailleur social ou par un mĂ©diateur[80]. Avant de s’engager dans une nĂ©gociation, Cohen-Emerique met l’accent sur quatre prĂ©alables :

  1. ReconnaĂźtre qu’il y a conflit de valeur entre la famille migrante ou un de ses membres et la sociĂ©tĂ© d’accueil (ou le professionnel)[80].
  2. ConsidĂ©rer l’autre comme partenaire Ă©gal dans la recherche de solutions : selon l’auteur, il faut accorder de l’importance au pouvoir et au point de vue des migrants[84].
  3. Une dĂ©marche de rapprochement qui se fait dans les deux sens, l’un vers l’autre pour permettre un changement des deux cĂŽtĂ©s[84].
  4. Toute nĂ©gociation doit utiliser une double grille de lecture des situations : d’une part celle des appartenances culturelles et des ruptures de ces appartenances dĂ» Ă  la migration et d’autre part celle des stratĂ©gies d’adaptation (ou acculturation)[80].

L'approche interculturelle de Margalit Cohen-Emerique constitue l'une des méthodes de gestion du choc culturel.

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