Lustre Ă roue
Un lustre à roue est un type de lustre circulaire typique de l'époque romane, réalisé en forme de roue et suspendu au plafond, le plus souvent au-dessus du chœur de certaines églises pour symboliser la Jérusalem céleste.
Les exemplaires conservés sont rares, certains n'étant parvenus jusqu'à nous que par des fragments. Les plus connus et les plus représentés sont les lustres à roues allemands, qui sont également parmi les plus anciens subsistants.
Viollet-le-Duc, dans son Dictionnaire raisonné[1], utilise aussi les termes lampesier, lampier ou couronne de lumières.
Origine, diffusion et symbologie
Les lustres à roue étaient faits pour éclairer les grandes églises, mais ils avaient aussi une valeur symbolique. Les chandeliers à roue représentaient le Ciel ou le royaume de Dieu : la couronne et les portes et les tours, pour la plupart occupées par des prophètes et des apôtres ou seulement inscrites à leurs noms, représentaient les murs de la ville de la Jérusalem céleste. Le nombre de poteaux, de tours et de cierges de soutien correspond dans la plupart des cas au nombre douze et à ses multiples de la symbolique numérique de l'Apocalypse de Jean. Cette symbolique se retrouve d'abord sur les chandeliers à deux roues de l’église Saint-Michel et de la cathédrale de Hildesheim[2]. Dans les deux cas, le modèle était le grand lustre placé au-dessus du Golgotha dans la basilique du Saint-Sépulcre[3].
Lustres à roue par périodes
Lustres Ă roue romans
Quatre grands lustres à roue romans existent encore en Allemagne. Le fait qu'ils soient constitués de cuivre doré au mercure, et non d'or massif, les a sauvés de la fonte. Les figures de prophètes et d'anges en argent, ainsi que les pierres précieuses, souvent de grande valeur, sont presque toutes perdues.
Les quatre lustres allemands sont aujourd'hui les plus représentatifs :
- Le lustre de Thietmar ou lustre d'Azelin, de 3,30 m de diamètre, autrefois dans l'église Saint-Antoine à Hildesheim, depuis 2014 dans la cathédrale d'Hildesheim. Attribué à l'évêque Thietmar (1038-1044) ou à son successeur Azelin (1044-1054) ;
- Le lustre de Hezilo de la cathédrale d'Hildesheim, de 6 m de diamètre, attribué à l'évêque Hezilo (1054-1079) ;
- Le chandelier de Hartwig du monastère de Comburg près de Schwäbisch Hall, de 5 m de diamètre, du XIIe siècle, portant dans les tours des figures de saints et de soldats ;
- Le chandelier de Barberousse ou lustre Barbarossa de la cathédrale d'Aix-la-Chapelle (1165-1170), de 4,16 m de diamètre, commandé par Frédéric Barberousse.
- Lustre de Thietmar ou d'Azelin, église Saint-Antoine à Hildesheim (2008), désormais dans la cathédrale.
- Lustre de Hartwig, Ă Comburg.
- Lustre de Hezilo, Ă Hildesheim.
Lustres Ă roue gothiques
Dans la cathédrale Saint-Alexandre d'Einbeck se trouve un lustre à roue gothique tardif d'un diamètre d'environ 3,50 m, en laiton verni. L'année 1420 est inscrite sur l'inscription sur la couronne de support. Il a probablement été offert par un chanoine de la collégiale, Degenhard Ree. La composition pourrait être calquée sur un spécimen non survivant du monastère de Pöhlde[4]. Un autre lustre en bronze gothique tardif de 1516 se trouve dans la cathédrale Saints-Étienne-et-Sixte de Halberstadt.
- Lustre gothique de la cathédrale d'Einbeck, en Basse-Saxe (1420).
- Lustre gothique de la cathédrale d’Halberstadt, en Saxe-Anhalt (1516).
- La « couronne de lumières » de Reims, diamètre 6 m. Copie du XIXe siècle.
- Dessin de la couronne de Saint-Remi.
L’église abbatiale Saint-Remi de Reims avait aussi, avant la Révolution, sa couronne de lumières, dont, écrit Viollet-le-Duc, « il ne reste qu’un assez médiocre dessin dans un manuscrit de la fin du XVIe siècle »[1]. L'incription se lit : « C'est le portrait de la couronne qui est au milieu du chœur de ladite église Saint-Remi, laquelle a été mise en cet endroit en honneur et souvenance de l'âge dudit patron qui vécut quatre-vingt-seize ans. Partant, il y a à l'entour quatre-vingt-et-seize cierges. »
Une copie de cette couronne, symbole de la Jérusalem céleste, dont les quatre-vingt-seize bougies évoquent la durée de vie de saint Rémi, a été mise en place en 1896.
Lustres Ă roue byzantins
Les lustres à roue de l’aire byzantine ont été produits dans une période allant du IXe siècle à environ 1450. La Collection archéologique de l'État bavarois possède un lustre du XIIIe ou XIVe siècle, d'un diamètre de 3,50 m et d'une hauteur de 4,65 m sans les lampes suspendues. Le lustre, en cuivre coulé, se compose de 1 105 pièces individuelles[5].
D'autres spécimens médiévaux de Serbie sont conservés, certains intacts, d'autres fragmentaires. Parmi eux figurent les lustres du monastère de Visoki Dečani et celui du monastère de Marko, près de Skopje[5], réalisés au plus tôt dans la seconde moitié du XIVe siècle et de commission royale. Le lustre de Dečani a été restauré en 1397 et se trouve toujours à son emplacement d'origine. Le lustre Marko, en revanche, a été conservé de manière fragmentaire et les pièces restantes sont maintenant dispersées parmi les collections archéologiques du Musée national de Belgrade, du Musée archéologique d'Istanbul et du Musée national d'histoire de Sofia. Alors que le spécimen de Munich est composé de pièces standardisées, la décoration de celui de Dečani se compose de motifs floraux ornementaux et de créatures fantastiques fabriqués individuellement. De plus, le lustre à roue de Munich est en cuivre coulé, tandis que les deux lustres royaux serbes sont en bronze. Les médaillons de bronze avec des inscriptions royales dans l'alphabet slave de l'Église sont significatifs dans le lustre du monastère de Marko. Les médaillons portent la marque du roi Vukašin Mrnjavčević et l'emblème de l'aigle byzantin à deux têtes[6].
Lustres Ă roue ottomans
Des lustres de la période ottomane sont conservés dans les monastères du Mont Athos :
Lustres à roue néo-romans
Dans certaines églises néo-romanes se trouvent de grands lustres à roue calqués sur le mobilier liturgique des églises dont ils reflètent le style, dont certains étaient déjà électrifiés au moment de l'installation, par exemple :
- Église Saint-Gothard de Hildesheim, lustre offert par la reine Marie de Hanovre en 1864 ;
- Église de Sainte-Cécile de Harsum (vers 1886) ;
- Église Saint-Pierre-le-Jeune catholique de Strasbourg (vers 1890) ;
- Église de Bethléem à Hanovre-Linden-Nord (vers 1904) ;
- Église Sainte-Élisabeth de Bonn (vers 1910), lustre électrifié dès l'origine[7].
Lustre de Notre-Dame de Paris
Au XIXe siècle, Notre-Dame de Paris avait perdu sa grande « couronne de lumière » et Viollet-le-Duc avait notamment pour mission de reconstituer le mobilier gothique du sanctuaire. Il s’attacha à élaborer les dessins d’une nouvelle « couronne » dans le style gothique. La « couronne de lumière » est à deux rangs, surmontée de tourelles en cuivre doré. Elle a été exécutée à l’époque par l’orfèvre Placide Poussielgue-Rusand. Pendue normalement à la croisée du transept, elle a été déposée en 2014 et installée à la basilique Saint-Denis[8] - [9].
Lustres Ă roue contemporains
Il existe des lustres Ă roue contemporains qui s'inscrivent dans cette tradition, par exemple,
- en Allemagne
- à Hanovre dans l'église paroissiale Herrenhausen-Leinhausen, lustre en cerceau (vers 1990) réalisé par un maître taillandier en fer blanc originaire de Saxe[10], avec pour particularité un dispositif d'éclairage en forme de bouquets de lumières pendantes ;
- à Cologne dans l'église Saint-Martin (Groß-Sankt-Martin) : lustre en cerceau (avant 1993) conçu par l'architecte Joachim Schürmann[11], exécuté en acier inoxydable, d'un diamètre de 4,20 m, suspendue au-dessus de l'autel de la croisée ;
- à Wesertal-Lippoldsberg dans l'ancienne église abbatiale des bénédictines de Lippoldsberg : lustre en cerceau (1999) en acier inoxydable, basé sur le dessin de Joachim Schürmann pour le lustre de Groß-Sankt-Martin de Cologne[11] ;
- en Serbie
- à Belgrade dans la cathédrale de Saint-Sava : couronne de lumières (2020) en bronze coulé, atteignant 21 m de diamètre, d'un poids de 14 tonnes[12]. C'est la plus grande couronne de lumières existante.
Notes et références
- (de) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en allemand intitulé « Radleuchter » (voir la liste des auteurs).
- Lampesier sur Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance (1873-1874), tome 1.
- Hans Sedlmayr, Die Entstehung der Kathedrale. p. 125–128.
- Bernhard Gallistl, Bedeutung und Gebrauch der großen Lichterkrone im Hildesheimer Dom. p. 44–45 ; 76–79.
- Franz Hoffmann, St. Alexandri Einbeck, Grosse Baudenkmäler 318, 2. Deutscher Kunstverlag, München, 1981.
- Anna Ballian 2004: 60. Choros. In: Helen C. Evans 2004 (edit.): Byzantium Faith and Power (1261–1577). The Metropolitan Museum of Art, New York. pp.125. (ISBN 1-58839-113-2)
- Dragomir Todorović 2004, 61A, B. Medaillons from a Hanging Lamp (Choros).In: Helen C. Evans 2004 (edit.): Byzantium Faith and Power (1261–1577). The Metropolitan Museum of Art, New York. pp.126. (ISBN 1-58839-113-2)
- Kirche, Katholische Pfarrgemeinde St. Elisabeth Bonn.
- Image dans la basilique Saint-Denis
- Historique sur la base Palissy.
- « Der zentrale Kirchenraum » sur le site de la paroisse Herrenhausen-Leinhausen herrenhausen-leinhausen.de.
- « Entstehungsgeschichte des Lippoldsberger Leuchters » (en bas de page) sur le site de la paroisse Lippoldsberg klosterkirche.de.
- Beobuild, 24 février 2020 Veličanstveni mozaik u Hramu Svetog Save
Bibliographie
- Hans Sedlmayr, Die Entstehung der Kathedrale. Zürich 1976, p. 125–130.
- Clemens Bayer, Die beiden großen Inschriften des Barbarossa-Leuchters. In: Clemens Bayer (Hrsg.): Celica Jherusalem. Festschrift für Erich Stephany. Köln 1986, p. 213–240.
- Bernhard Gallistl, Bedeutung und Gebrauch der großen Lichterkrone im Hildesheimer Dom. In: Concilium Medii Aevi. Band 12, 2009, p. 43–88, (cma.gbv.de, PDF; 2,9 MB)
- Rolf Dieter Blumer, Ines Frontzek, Recherchiert und kartiert. Der Comburger Hertwig-Leuchter. In: Denkmalpflege in Baden-Württemberg. 41. Jahrgang, Heft 4, 2012, p. 194–199, (denkmalpflege-bw.de, PDF)